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Jours tranquilles à Paris
29 juin 2020

La lettre politique de Laurent Joffrin - Affaire Fillon : la vérité sort de son puits

Trop sévère, le jugement Fillon ? Chacun en jugera. Mais l’épilogue de l’affaire – provisoire, puisqu’il y aura appel – fait retomber en grande partie le soufflé monté par la droite autour de la procédure. Le tribunal n’a pas trouvé trace convaincante du travail de Penelope Fillon ; les juges ont surtout retenu que l’épouse de François Fillon, sans être ni forcée ni piégée, avait elle-même déclaré, avant l’affaire, qu’elle n’était pas l’assistante parlementaire de son époux, alors même qu’elle en percevait la rémunération. Or, cette déclaration et les forts soupçons sur l’inanité des tâches accomplies étaient sur la place publique dès les premiers jours, révélés par le Canard enchaîné et largement alimentés par les enquêtes de presse subséquentes.

Il est exact de dire que la justice a fait preuve, à l’époque, d’une célérité inhabituelle. Mais cette célérité résultait-elle de pressions politiques, ou bien seulement de la réalité, qui faisait peser de très sérieux doutes sur la substance des fonctions de Penelope Fillon ? Dans le premier cas, il y aurait lieu à scandale. Mais les «pressions» dont parlait la cheffe du parquet financier, Eliane Houlette, devant une commission parlementaire, n’étaient pas politiques, a-t-elle aussitôt précisé.

Si elle dit vrai (rien ne prouve le contraire), la question de la procédure à appliquer se posait tout naturellement. Plutôt que de poursuivre l’enquête préliminaire, secrète, à la discrétion des enquêteurs, il a été décidé de nommer un juge d’instruction indépendant. Chose inévitable dès lors que les soupçons sont manifestes, documentés, étayés. A tel point, d’ailleurs, que les défenseurs de François Fillon l’avaient demandé eux-mêmes, de manière à avoir accès au dossier.

Ainsi, le cas Fillon a d’abord été instruit par un juge indépendant. Il a été renvoyé au tribunal à la suite d’une décision argumentée. Il a débouché, au terme du procès, sur une condamnation prononcée par d’autres juges indépendants, qui confirment lesdits soupçons, et valident du même coup, rétrospectivement, la procédure choisie (il y avait effectivement lieu d’instruire).

Tout le reste, il faut bien le dire, relève de la mousse médiatique. A moins, bien sûr, de soutenir qu’un homme politique en campagne doive être, par définition, exempt de toute poursuite jusqu’au scrutin, ce qui n’est écrit dans aucune loi. Si les juges, d’ailleurs, avaient opté pour cette position, on aurait pu ensuite leur reprocher d’être restés inertes. Ils auraient laissé élire sans rien faire un candidat sérieusement soupçonné, dont l’élection aurait ensuite repoussé aux calendes grecques la comparution devant la justice. Trop vite d’un côté, trop lentement de l’autre. Les juges étaient devant un dilemme, naviguant entre Charybde et Scylla. Ils ont choisi la rapidité. La plupart du temps, on leur reproche leur lenteur…

LAURENT JOFFRIN

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