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Jours tranquilles à Paris
12 mars 2020

Coronavirus : la France espère éviter le scénario à l’italienne

Par Nathalie Raulin et Lilian Alemagna

Contrairement à Rome, Paris n’a pas été pris de court par la propagation du virus, réussissant à contenir le nombre de cas le temps d’organiser son système sanitaire. Ce qui n’empêche pas les doutes sur la capacité des hôpitaux à faire face au futur afflux de malades.

Coronavirus : la France espère éviter le scénario à l’italienne

Des hôpitaux embolisés, des médecins submergés, contraints d’abandonner dans les couloirs des malades rongés par le coronavirus et, pour finir, l’Italie entière brutalement placée quarantaine. De quoi relancer les interrogations sur ce qui attend vraiment la France quand la vague épidémique déferlera. Mardi, le bilan était de 1 784 personnes infectées dans l’Hexagone (372 de plus en 24 heures) et de 33 morts. De l’autre côté des Alpes, le bilan est bien plus lourd : 10 149 cas et 631 décès. Au choc des images italiennes, l’exécutif français répond par la mesure. En visite mardi au centre d’appel du Samu de l’hôpital Necker-Enfants malades, Emmanuel Macron s’est gardé de toute déclaration va-t-en guerre, préférant insister sur la «lucidité» avec laquelle les autorités abordent une crise qui n’en est qu’au «tout début».

En coulisse, on s’emploie cependant activement à séparer l’ivraie italienne du bon grain français. «L’Italie connaît une plus forte contagiosité, sa population est plus âgée et son système de santé beaucoup plus faible, estime une ministre. Et puis ils ont fait des erreurs dans la façon de gérer la crise.» D’abord en ne débusquant pas assez vite les porteurs du virus. Alors qu’un premier cas de contamination avait été signalé dès le 28 janvier, l’Italie a attendu le 21 février pour enclencher une opération de dépistage massive. «Le virus a circulé inaperçu pendant plusieurs semaines, avant les premiers cas avérés de la maladie», expliquait le 28 février le professeur Massimo Galli, qui a identifié la souche italienne du Covid-19. A cette erreur s’ajoute une seconde : «Comme ils ont fermé les écoles, les enfants ont été gardés par les grands-parents et les ont infectés», poursuit la membre du gouvernement. Conséquence : les hôpitaux italiens du nord du pays ont fait face à un afflux massif et inattendu de malades…

Bon accueil

En France, la gestion au trébuchet du coronavirus a éloigné ce risque. Dès l’apparition du premier cas suspect, les efforts pour repérer les personnes infectées et identifier les chaînes de transmission ont considérablement entravé la circulation du coronavirus. Les fermetures des établissements scolaires dans les zones les plus contaminées comme l’Oise, le Haut-Rhin ou le Morbihan, n’ont pas eu non plus les mêmes répercussions qu’en Italie : «Chez nous, les parents peuvent bénéficier, en un coup de téléphone, d’un arrêt maladie en cas de fermeture de leur école pour garder eux-mêmes leurs enfants», insiste un membre du gouvernement. Le bon accueil parmi la population des «mesures barrière» a fait le reste : touchée en même temps que l’Italie, la France compte aujourd’hui moins de malades.

Pour les autorités sanitaires, ce temps gagné sur l’épidémie est précieux. D’abord pour passer le pic de grippe saisonnière et libérer de la place dans les hôpitaux. Ensuite pour mettre l’ensemble du système sanitaire en ordre de bataille. «On a quelques jours de plus que l’Italie pour se préparer, c’est un avantage», souligne le professeur Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris. «Cela nous permet de limiter les risques de se retrouver dans l’incapacité de soigner quand la vague de malades du coronavirus va arriver, en fin de semaine ou en début de semaine prochaine.» Vendredi, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé l’activation nationale du «plan blanc» dans les hôpitaux, dispositif qui, en cas de situation sanitaire exceptionnelle, leur donne la possibilité d’user de tous les moyens pour accueillir un afflux de patients. Concrètement, tous les personnels médicaux et paramédicaux peuvent être rappelés, des lits supplémentaires ouverts et des interventions non indispensables reportées. «On est supermobilisés, insiste le professeur Salomon. Les besoins risquant d’être importants, on s’emploie à dégager des lits en réanimation, et des respirateurs. Il nous faut aussi du personnel paramédical en nombre suffisant. On réfléchit à des solutions.» Pour cause, le personnel infirmier manque cruellement, notamment à Paris et en région parisienne : fin novembre, un mois avant l’émergence en Chine du coronavirus, 500 postes étaient vacants au sein de l’AP-HP…

A quel prix ?

La protection du personnel soignant en poste est du coup considérée comme une priorité au ministère de la Santé. Vu les besoins qui s’annoncent, plus question de les confiner en cas de suspicion de contamination, comme ce fut le cas pour les hôpitaux de Creil, Compiègne et Tenon au début de l’épidémie. D’où la décision de leur réserver les masques FFP2, dit à bec de canard, plus efficaces pour se prémunir contre le coronavirus. Toutes ces mesures seront-elles suffisantes ? «Je suis dubitatif», admet le professeur François Boué, chef de service de médecine interne à l’hôpital Antoine-Béclère. «Le ministre a tourné le volant mais la voiture ne bouge pas vraiment. Nos lits de réanimation sont déjà occupés par des patients en situation grave, parfois critique. Le système de tarification à l’activité en vigueur depuis dix ans fait que l’on n’a plus aucune marge de manœuvre.» A l’AP-HP, on confirme : 90 % des 1 500 lits de réanimation de son réseau sont occupés. D’où les efforts déployés par les centres hospitaliers de référence, comme Bichat et la Pitié-Salpêtrière, pour augmenter leur capacité d’accueil. De fait, peu de praticiens en doutent : l’hôpital public sera à la hauteur de l’épidémie de coronavirus. Mais à quel prix ? «Quand on fera le bilan, avertit le professeur Boué, il ne faudra pas seulement s’intéresser au nombre de morts par coronavirus, mais à tous les décès que va entraîner l’absence de possibilité de prise en charge des accidents vasculaires cérébraux, des infarctus du myocarde ou des septicémies faute de lits disponibles en réanimation.»

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