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Jours tranquilles à Paris
3 avril 2020

Contamination - Le port du masque, signe de la différence culturelle entre l’Asie et l’Occident

corona monde

masque

SOUTH CHINA MORNING POST (HONG KONG)

En Asie, porter un masque a été une évidence dès le début de l’épidémie de Covid-19. Une bizarrerie aux yeux des Occidentaux, pour qui le masque symbolise la maladie. Analyse d’une anthropologue de Hong Kong.

Voisins de la Chine, les Hongkongais ont été parmi les premiers à être exposés à la menace de l’épidémie du nouveau coronavirus, il y a deux mois [fin janvier]. À ce moment-là, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considérait encore qu’il s’agissait d’un événement de portée régionale, affirmant par ailleurs qu’il était tout à fait possible de l’enrayer.

Hong Kong a signalé ses premiers cas d’infection au nouveau virus le 22 janvier. Le lendemain, la Chine annonçait la mise en quarantaine de Wuhan, une ville de plus de 10 millions d’habitants.

Début février, j’étais en déplacement professionnel en Europe. À l’aéroport de Heathrow, en Grande-Bretagne, alors que j’attendais l’avion qui devait me ramener à Hong Kong, je me suis entretenue avec un Britannique charmant qui m’a demandé pourquoi le virus semblait à ce point inquiéter les gens en Asie.

Dialogue de sourds

Je lui ai répondu que la maladie était extrêmement contagieuse et qu’elle pouvait être mortelle. Ce à quoi il a rétorqué :

Eh bien, ce n’est qu’une grippe de plus, je n’imagine pas que d’autres pays iraient verrouiller une ville de 10 millions d’habitants.

- Ça ne vous fait pas un peu peur ? lui ai-je dit.

- Pas du tout, a-t-il répliqué.

- Oh, vous êtes sacrément forts, par ici !” ai-je plaisanté.

Sauf que non. À partir de la mi-février, le virus s’est répandu rapidement en Europe, et maintenant, ce sont les États-Unis qui annoncent le plus grand nombre de cas confirmés dans le monde. C’est en Italie que le taux de mortalité est le plus élevé, supérieur même à la Chine, mais il devient également alarmant dans plusieurs pays occidentaux, dont l’Espagne.

À Hong Kong, l’obsession du masque

Quiconque a suivi de près le développement de la pandémie n’aura pas manqué de remarquer les différences entre l’Occident et l’Asie. À Hong Kong, Macao, Taïwan, mais aussi au Japon et en Corée du Sud, les gens portent des masques chirurgicaux, qu’ils se sont souvent procurés à grands frais et au prix de rudes efforts.

Depuis la fin janvier à Hong Kong, une seule question est sur toutes les lèvres : où trouver des masques ? Le mois dernier, le gouvernement a essuyé des critiques pour ne pas en avoir prévu assez pour le personnel médical dans les hôpitaux publics.

Un slogan est souvent revenu dans le combat qu’a mené Hong Kong contre l’épidémie : “Les Hongkongais se débrouillent tout seuls.” Répondant à la hausse de la demande de masques à Hong Kong et ailleurs, investisseurs et entrepreneurs se sont lancés dans la production de ces équipements. Des dizaines d’entreprises ont postulé auprès du gouvernement afin d’obtenir des subventions à la production de masques.

En Europe, distanciation sociale et confinement

De l’autre côté du globe, Européens et Américains se soucient apparemment bien moins des masques, même maintenant. La distanciation sociale et le confinement à domicile sont les deux stratégies gouvernementales le plus régulièrement évoquées dans la lutte contre la maladie, plutôt que de se couvrir la bouche.

À Hong Kong, en revanche, les responsables des services médicaux n’ont cessé de recommander aux gens de porter une protection sur le visage. Et ils ont constamment appelé la population à rester vigilante dans ce domaine.

Les médecins hongkongais ont expliqué en quoi les masques sont utiles : un masque chirurgical se compose de trois couches, et s’il est vrai que la deuxième couche ne protège pas contre les particules virales microscopiques, la première couche, imperméable, peut repousser les gouttelettes contaminées. Bien sûr, il faut en outre manipuler le masque de façon hygiénique et se laver fréquemment les mains.

Pourtant, en Occident, on affirme souvent aux gens que cet accessoire ne les aidera pas. Pis encore, qu’il pourrait jouer le rôle de réservoir de germes. Les praticiens chinois et leurs homologues occidentaux ont beau être formés à la médecine occidentale, ils ont des points de vue et des discours très différents. Ces divergences sont de plus en plus souvent débattues. Pourquoi un tel hiatus ? Serait-il avant tout culturel ?

Des conceptions culturelles bien ancrées

Si les cultures étrangères semblent facilement accessibles, les différences culturelles ont la vie dure. Une conception culturelle peut être si ancrée chez les individus que même une maladie hautement contagieuse, mystérieuse et mortelle, ne suffit pas à la faire disparaître.

De fait, pour beaucoup d’Occidentaux, le masque lui-même représente la maladie (on ne le porte que lorsqu’on présente des symptômes), il ne la prévient pas. Ce qui est dans le droit fil des recommandations de l’OMS concernant les moments auxquels porter un masque. Toutefois, Carrie Lam Cheng Yuet-ngor, la chef de l’exécutif de Hong Kong, a été très critiquée pour avoir cité ces recommandations.

L’altérité visée en premier lieu

Tandis que la peur du coronavirus gagnait les pays occidentaux, certains s’en sont pris à des Asiatiques qui se couvraient le bas du visage, car ils voyaient en eux des symboles ambulants de la maladie.

De tels comportements agressifs étaient alimentés par l’anxiété, le manque d’informations claires, les préjugés culturels. Il s’agissait de désigner des boucs émissaires et, en l’occurrence, c’est l’“autre”, qui était visé.

Et, en effet, l’Occident a aussitôt pensé qu’il s’agissait d’un virus chinois, voire asiatique. Mais aujourd’hui tout traverse les frontières, mondialisation oblige. De nombreux pays ferment leurs frontières pour arrêter l’épidémie. Pour autant, nous n’allons pas restreindre les voyages perpétuellement.

En ces temps de confinement, nous devrions faire passer le message que les perceptions culturelles – qui concernent non seulement les masques, mais aussi les poignées de main, les embrassades, les baisers, l’autodiscipline et les préjugés raciaux – se manifestent par une diversité bien réelle dans la gestion de cette crise sanitaire.

Yuk Wah Chan

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