Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
19 avril 2020

Charles de Gaulle : les vérités de l’amiral Christophe Prazuck

pacha

Selon l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la Marine nationale, « Dès que la situation sanitaire a évolué à bord, la décision a été quasi-immédiate, sans débat ».

Selon l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la Marine nationale, « Dès que la situation sanitaire a évolué à bord, la décision a été quasi-immédiate, sans débat ». (Photo archives Claude Prigent)

La mise hors de combat du porte-avions Charles de Gaulle par le Covid-19 posait de légitimes questions. Le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Christophe Prazuck, n’en élude aucune. Entretien vérité.

Solidarité coronavirus Bretagne

1 081 marins sont positifs au Covid-19. Dès le 6 avril, des familles de marins brestois du Charles de Gaulle avaient manifesté leur inquiétude. Que leur dites-vous ?

Je comprends leur inquiétude, comme celle de tous les Français touchés. Je leur dis que, dès le 7 avril, lorsqu’il apparaît que la situation évolue très rapidement à bord du porte-avions, la décision est prise quasi instantanément de le faire rentrer. Des rumeurs ont fait état de débats internes. Ce n’est pas du tout le cas. De surcroît, nous envoyons à bord des médecins pour tester les 60 cas les plus remarqués par le service médical. 50 se révèlent alors positifs.

Des marins relâchés avant ce 7 avril auraient-ils pu contaminer leurs familles…

Fin mars, lorsque le bâtiment mouille au Danemark, 11 marins sont débarqués pour diverses raisons. L’un d’eux, sans symptômes, sera dépisté positif deux jours après être rentré à Brest. L’était-il en descendant du bateau ou a-t-il contracté le virus sur le chemin du retour ? L’enquête répondra.

Combien la Marine nationale déplore-t-elle de contaminés au total ?

1 226 sont soit positifs, soit considérés comme tel sur décision médicale. Vous soulevez là un point important : oui, le Charles de Gaulle est un cas à part. Il était accompagné d’autres bateaux, qui ont aussi fait escale à Brest, sans quasiment aucune conséquence. La frégate La Motte-Piquet ne compte aucun contaminé. Sur le pétrolier ravitailleur La Somme, nous avons isolé 60 marins parce qu’ils auraient pu croiser des contaminés. Ils sont isolés au Centre d’instruction navale de Brest pour encore quelques jours. À Toulon, sur la frégate Chevalier Paul, qui a suivi exactement le même parcours que le porte-avions, une vingtaine de marins sont positifs, soit 10 % de l’équipage. C’est beaucoup, mais cela n’a rien à voir avec les plus de 50 % contaminés du Charles de Gaulle.

Il y a donc un sujet Charles de Gaulle…

Absolument. C’est probablement lié à la densité de population à bord, au fait qu’environ mille personnes vivent dans des chambres de 10. Cette promiscuité se retrouve dans le service, qui exige en permanence des mouvements de personnels sur le pont, entre la passerelle et les ponts inférieurs.

Comprenez-vous que la mise hors des combats en 10 jours du fleuron de notre Marine inquiète sur l’état de notre Défense ?

Moi aussi, je suis inquiet ! Comme je pense que le pays l’est en constatant la pression que cette crise inédite exerce sur tous les secteurs de notre société. La Défense n’y échappe pas.

Aurait-on pu - dû - prendre davantage de précautions pour « protéger » le Charles de Gaulle, qui contribue à la dissuasion nucléaire ?

Vous me demandez quelles mesures ont été prises ? Quand le bateau arrive à Brest, pour son escale du 13 au 16 mars, la France n’est pas en confinement.

Parlons donc de Brest où tout semble s’être noué…

Ce week-end-là, c’est le premier tour des élections municipales. Dans le Finistère, on sait bien qu’il y a entre 22 et 33 cas positifs au Covid-19. Mais c’est aussi un des départements de France les moins touchés. Il faut ravitailler le bateau, faire souffler l’équipage, en particulier le tiers qui habite dans le Finistère : les personnels du groupe aérien embarqué demeurent autour de Landivisiau. Le commandant délivre des consignes classiques, comme le respect des distances sociales. Il ajoute des mesures spécifiques : interdiction de fréquenter le principal foyer de l’épidémie en Bretagne, autour d’Auray (Morbihan). Quand les permissionnaires rejoignent le bord, l’éventualité d’une contamination est prise en compte. Un protocole est adopté pour 14 jours : la suppression des rassemblements du matin, la fermeture de carrés. Chaque marin remplit un questionnaire sur ses activités du week-end. 350 profils à risques sont identifiés et suivis médicalement deux fois par jour. Le 22 mars, un doute pèse sur un marin, mais son scanner des poumons ne révèle rien. À la fin des 14 jours, les autorités assouplissent donc ce dispositif qui pèse sur l’efficacité du service. C’était manifestement une erreur. Oui, le virus a contourné nos mesures.

La ministre a confirmé que l’équipage était fatigué avant d’arriver à Brest. Le Pacha a-t-il demandé à ce moment-là d’annuler sa mission en mer du Nord… ?

Cette rumeur est fausse. On sait très bien que le Charles de Gaulle est un outil extrêmement puissant, et que le Pacha est le mieux à même d’apprécier la fatigue de l’équipage. Quand le 7 avril, il nous alerte, la décision d’interrompre la mission est immédiate. Sans aucun débat. Combien de temps sera immobilisé le porte-avions à Toulon ? On est en train de procéder à son bio-nettoyage. On vise la fin du mois. C’est un travail très long, très compliqué. Mon attention se concentre sur l’équipage. Ma préoccupation est que les malades sortent de l’hôpital guéris, que les marins testés négatif puissent repartir chez eux en toute sécurité.

Pour assurer la résilience du groupe aéronaval, faudra-il un deuxième porte-avions ?

À chaque jour suffit sa peine !

porte avions

Publicité
Commentaires
Publicité