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Jours tranquilles à Paris
26 avril 2020

Le Covid-19, maladie virale multicible

coronavirus

Par Marc Gozlan

Les troubles engendrés par le coronavirus SARS-CoV-2 n’en finissent plus de surprendre par la diversité des symptômes, parfois atypiques. Outre les poumons, de nombreux autres organes peuvent être touchés.

C’est peu dire que la maladie Covid-19 est une pathologie qui se distingue de ce que l’on observe dans d’autres infections virales respiratoires. « Cette infection peut entraîner des symptômes extra-respiratoires, certains atypiques, comme des troubles neurologiques isolés tels qu’une perte de l’odorat – anosmie – et une perte du goût – agueusie –, ou encore des atteintes vasculaires des extrémités se manifestant sur le plan dermatologique par de pseudo-engelures des doigts et des orteils », note Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat (Assistance publique-Hôpitaux de Paris).

« Ces manifestations isolées ont été initialement des pièges cliniques pour l’identification des malades », souligne ce spécialiste. Au caractère atypique de la symptomatologie s’ajoute une chronologie également particulière. « Le début de la maladie est souvent assez peu symptomatique. Cela ressemble à une grippe lorsqu’il y a des signes généraux. Il s’ensuit parfois une tempête inflammatoire. Cet orage cytokinique survient bien après le début des symptômes. Alors que l’on parlait, il n’y a pas si longtemps, d’une aggravation à J7 de l’évolution, on se rend compte aujourd’hui que ce rebond peut durer toute la deuxième semaine, ce qui représente une difficulté dans la surveillance des patients, même pour ceux dont l’état clinique initial était rassurant ou ceux qui ne présentent pas de pathologies associées », détaille Xavier Lescure.

Ces diverses manifestations cliniques montrent que la pathologie infectieuse Covid-19 est aussi une maladie systémique, c’est-à-dire caractérisée par une atteinte diffuse touchant de nombreux tissus et organes. Ainsi, la présence de multiples petits caillots sanguins, microthrombi dans le jargon médical, participe grandement à la diversité des signes cliniques. En effet, l’inflammation généralisée favorise chez les patients la formation de thromboses se manifestant par des occlusions veineuses et artérielles.

Atteinte vasculaire

A cela s’ajoute probablement une atteinte vasculaire directe par le virus dans la mesure où les cellules endothéliales qui tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins portent à leur surface le récepteur ACE2, qui sert de porte d’entrée au coronavirus. C’est donc à la fois la paroi vasculaire et le sang qui semblent être touchés. Ceci expliquerait la fréquence élevée des accidents thromboemboliques, en particulier l’obstruction de veines profondes (phlébite), voire la survenue d’une embolie pulmonaire.

L’atteinte de la paroi des petits vaisseaux, artérioles et capillaires, se traduit chez certains patients par une atteinte rénale, et ce d’autant que le récepteur ACE2 est également présent au niveau des tubules proximaux qui collectent l’urine nouvellement formée. Une atteinte rénale est observée dans environ 5 % dans les formes non sévères de Covid-19, un pourcentage qui atteint 30 % chez les patients en réanimation.

Cette microvasculopathie affecte aussi l’appareil digestif et le système vasculaire cérébral. Cette atteinte diffuse des petits vaisseaux participerait au très large spectre clinique observé dans la maladie, explique Xavier Lescure. Selon lui, une microvasculopathie cérébrale diffuse pourrait peut-être expliquer « certaines présentations neurologiques très bizarres », notamment des troubles des fonctions exécutives. « Certains patients sont apathiques. Ils ont soif mais ne vont pas chercher à boire, par exemple. »

Cas de syndrome de Guillain-Barré

Outre l’anosmie et l’agueusie, d’autres atteintes du système nerveux périphérique ont été décrites mercredi 1er avril par une équipe chinoise et vendredi 17 avril par des médecins italiens. Il s’agit de cas de syndrome de Guillain-Barré – une complication qui dure et peut demander une prise en charge lourde – ou d’un syndrome apparenté (polyradiculonévrite aiguë). Deux syndromes de Guillain-Barré ont récemment été observés par l’équipe de Djillali Annane, chef du service de réanimation à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). Ces atteintes des nerfs périphériques se sont manifestées par des tétraplégies (paralysie des quatre membres avec nécessité d’une assistance ventilatoire du fait de l’atteinte des muscles respiratoires).

« Ces atteintes du système nerveux périphérique ne sont pas vraiment surprenantes dans la mesure où elles sont attendues dans un contexte post-infectieux. À mon avis, on va en observer de plus en plus dans les semaines et mois à venir. Ces cas ont en effet tendance à apparaître trois semaines à un mois après l’infection. Cela concerne des patients en réanimation, ceux également non passés en réa, mais aussi des personnes restées à domicile car peu symptomatiques », note Djillali Annane.

Ce spécialiste se déclare surpris par les atteintes du système nerveux central chez les patients Covid-19. « Franchement, on ne s’y attendait pas », confie-t-il. « Sur les quatre-vingt-cinq patients que l’on a traités depuis le 10 mars dans notre service de réanimation, dix ont présenté des manifestations neurologiques que l’on n’a pas l’habitude d’observer dans un syndrome de détresse respiratoire aiguë, les atteintes centrales étant les plus intrigantes », confie le réanimateur.

« Nous avons eu un patient, hospitalisé dans le service de maladies infectieuses, qui est tombé dans le coma alors qu’il n’avait pas développé d’atteinte respiratoire importante, seulement une pneumonie classique. Chez cet homme, qui n’était donc pas en détresse respiratoire aiguë, plusieurs pertes de conscience avec état confusionnel, après chaque épisode, ont entraîné sa prise en charge en réanimation », poursuit Djillali Annane.

Atteinte des voies de la motricité et myocardite

Son équipe a également observé un trouble de conscience prolongé chez un patient. Celui-ci avait été placé sous assistance respiratoire et endormi du fait d’une atteinte respiratoire très sévère à son admission à l’hôpital. L’atteinte neurologique cérébrale a été découverte au moment où la sédation a été levée. De fait, au réveil de ce patient, l’IRM a montré des lésions cérébrales.

Un même patient peut présenter plusieurs types d’atteintes neurologiques, telles qu’une atteinte des nerfs crâniens assurant l’oculomotricité (paralysie des muscles assurant certains mouvements du globe oculaire), la mobilité de la langue ou encore la sensibilité de la face (douleurs extrêmement violentes). Une jeune femme a ainsi développé une atteinte isolée du bulbe rachidien, située à la jonction entre la moelle épinière et le cerveau. Ce n’est qu’ensuite qu’elle a présenté des symptômes respiratoires. « Son scanner thoracique montre maintenant des images typiques de Covid-19 qu’elle n’avait pas à son admission », précise Djillali Annane. Enfin, certains patients présentent une atteinte, au niveau du bulbe rachidien, des voies de la motricité entraînant une rigidité généralisée (syndrome tétrapyramidal).

A tout cela s’ajoutent parfois des signes témoignant d’une atteinte du cœur : myocardite (inflammation du muscle cardiaque), troubles du rythme, infarctus du myocarde malgré la présence d’artères coronaires non obstruées. La maladie Covid-19 est décidément associée à une multitude de symptômes possibles.

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