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Jours tranquilles à Paris
2 mai 2020

Covid-19 : la muqueuse du nez est la porte d’entrée du nouveau coronavirus

Par Paul Benkimoun

Le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 cible un récepteur cellulaire particulièrement abondant dans la cavité nasale, où il se multiplierait avant de se disséminer notamment dans les poumons.

Le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 ciblerait en priorité les cellules de la muqueuse du nez avant d’envahir les poumons. Dans un article récemment publié par la revue Nature Medicine, une équipe internationale de chercheurs d’institutions britannique, française et néerlandaise met en évidence le fait que certaines cellules du nez expriment en quantité importante la molécule avec laquelle le SARS-CoV-2 interagit avant de pénétrer dans les cellules et s’y multiplier.

Il a été établi rapidement après le début de l’épidémie de Covid-19 que le nouveau coronavirus infecte les cellules en se servant d’une protéine exprimée à sa surface, la protéine S, comme d’une clé adaptée à un récepteur – une autre protéine située à la surface des cellules de l’hôte. Celle-ci constitue une serrure contrôlant cette porte d’entrée. Ce récepteur porte le nom « ACE2 », correspondant au nom anglais d’une enzyme de conversion de l’angiotensine, identifié par le passé pour son implication dans le contrôle de la tension artérielle. Le virus du SRAS, dont le SARS-CoV-2 est proche, se sert du même récepteur.

On retrouve des cellules exprimant ACE2 à leur surface dans l’appareil respiratoire, le cœur, les artères, les reins et l’appareil digestif. L’entrée du SARS-CoV-2 implique également une autre protéine, appelée « TMPRSS2 », qui active la protéine S avant qu’elle n’interagisse avec ACE2.

Waradong Sungnak (Wellcome Sanger Institut, Cambridge, Royaume-Uni) et ses collègues du consortium mondial Human Cell Atlas (HCA) se sont appuyés sur les nombreuses données cellulaires disponibles et en particulier celles des voies aériennes de sujets adultes sains collectées par les équipes niçoises du HCA, dirigées par Pascal Barbry, à l’Institut de pharmacologie moléculaire et ­cellulaire (Université Côte d’Azur et CNRS) et Sylvie Leroy, au Centre hospitalier universitaire de Nice.

« Nous disposions avec le projet HCA de beaucoup de données sur les cellules des voies aériennes (nez, trachée, bronches). Le récepteur et le cofacteur de ce nouveau coronavirus ayant été identifiés, nous avons donc pu quantifier le niveau d’expression de leurs ARN dans les voies respiratoires. Nous avons ainsi mis en évidence un niveau plus élevé dans la cavité nasale », explique le docteur Pascal Barbry.

Les cellules de l’épithélium nasal, réservoir potentiel pour le virus

En étudiant l’expression d’ACE2 dans les cellules situées à la surface des voies respiratoires, du nez aux alvéoles pulmonaires, les chercheurs ont constaté une expression plus forte de cette porte d’entrée du virus dans la cavité nasale. Plus précisément, au niveau de deux types de cellules : celles qui produisent du mucus et celles dotées de cils qui le déplacent.

La découverte du rôle de ces cellules de l’épithélium nasal comme des cibles précoces de l’infection par le SARS-CoV-2 et de réservoir potentiel pour le virus permet sans doute d’expliquer le caractère facilement transmissible de ce virus respiratoire par le biais des aérosols projetés lors des éternuements ou de la toux, en raison de leur localisation proche de l’orifice des narines.

L’ARN de la protéine ACE2 est également présent dans le poumon profond, dans les alvéoles pulmonaires, où il s’exprime dans des cellules dites cellules alvéolaires de type II. Alors que les cellules alvéolaires de type I sont impliquées dans les échanges de l’oxygène et du gaz carbonique, les cellules de type II maintiennent la fonction respiratoire en fabriquant un liquide complexe, le surfactant, qui empêche les alvéoles de s’affaisser et participe à la défense du poumon contre les infections bactériennes et virales.

« Il existe un double effet lors de l’infection par le SARS-CoV-2, précise le docteur Barbry. Son entrée dans les cellules du nez lui permet de se multiplier puis de se disséminer, et chaque inspiration l’entraîne vers les alvéoles où il peut se fixer sur le même récepteur présent sur les cellules alvéolaires de type II et se répliquer de nouveau. »

En travaillant sur la protéine ACE2, des chercheurs pourraient mettre au point des molécules capables de contrôler l’entrée du virus dans la cellule. Le docteur Barbry souligne que cette étude se poursuit actuellement : « L’accès à plus d’un million de cellules analysées par le consortium HCA va permettre de déterminer les facteurs dont peut dépendre l’expression de ACE2 (âge, sexe, statut tabagique…). Cela pourrait permettre de comprendre pourquoi certaines personnes seraient plus susceptibles que d’autres à l’infection et/ou à la transmission du virus. »

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