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Jours tranquilles à Paris
24 mai 2020

Emmanuel Macron, président « attentif et fidèle » au sort du Puy du Fou

dv villiers

A la suite de son intervention, le parc rouvrira le 11 juin. Edouard Philippe préférait, lui, temporiser avant une telle annonce.

Par Olivier Faye - Le Monde

Philippe de Villiers en est sûr : il vient de faire croquer Emmanuel Macron et Edouard Philippe dans sa « pomme de discorde ». Un soubresaut de plus, après deux mois d’une crise sanitaire due à l’épidémie de coronavirus qui a déjà agité par moments les maisons Elysée et Matignon. Cette pomme, c’est le Puy du Fou, deuxième parc à thème français en termes de fréquentation (2,3 millions de visiteurs en 2019), que l’ancien président du conseil général de Vendée a fait sortir des ronces du bocage, il y a plus de quarante ans. Mercredi 20 mai, à l’occasion d’un conseil de défense réuni à l’Elysée, le chef de l’Etat a poussé en faveur de sa réouverture rapide – elle sera effective le 11 juin –, tandis que son premier ministre préférait temporiser avant de se risquer à une telle annonce.

Le 13 avril, alors qu’il vient d’achever sa troisième allocution télévisée depuis le début de la crise, Emmanuel Macron décroche son téléphone pour appeler son ami Philippe de Villiers, rencontré quelques années plus tôt sur les banquettes de la Rotonde, restaurant de la rive gauche parisienne où l’ancien ministre de l’économie a fêté sa victoire à la présidentielle, en 2017.

Les deux hommes ne s’accordent pas sur grand-chose du point de vue politique – l’un se définit comme progressiste et proeuropéen, quand l’autre est un apôtre de la droite identitaire et souverainiste – mais ils ont noué une solide complicité. Emmanuel Macron ne manque jamais d’égards envers ces hommes – De Villiers, Michel Houellebecq, Eric Zemmour – aux idées éloignées des siennes mais qui vendent leurs livres au ton d’apocalypse par dizaines de milliers.

C’est d’ailleurs au Puy du Fou qu’il a posé les jalons de sa future campagne présidentielle, à la fin de l’été 2016, jurant devant les caméras qu’il n’était « pas socialiste ». Au téléphone, le président de la République promet à son interlocuteur d’œuvrer en faveur de l’industrie touristique en général et du Puy du Fou en particulier, durement éprouvés par le confinement. Faute de pouvoir ouvrir ses portes au public, le parc perd un million d’euros par jour, assurent ses dirigeants.

« Ils veulent nous briser »

Dans les jours qui suivent, Philippe de Villiers s’étonne de ne pas réussir à joindre Matignon pour rentrer dans le concret de la promesse présidentielle. Il s’étrangle même, le 19 avril, quand il entend Edouard Philippe poser lors d’une conférence de presse les fondations du déconfinement sans toucher un mot du secteur touristique. « Ils veulent nous euthanasier ! », enrage-t-il sur Twitter. Le premier ministre finit par l’appeler, le 14 mai. Ce jour-là, Edouard Philippe a de bonnes nouvelles à annoncer : un « plan massif pour le tourisme » au niveau national de 18 milliards d’euros. Mais il prévient le Vendéen qu’il lui est impossible de se prononcer dès maintenant sur une date de réouverture tant que la situation sanitaire n’est pas stabilisée.

Philippe de Villiers comprend de cet échange que le Puy du Fou, « son bébé », comme dit un ministre macroniste, pourrait ne pas rouvrir de la saison. L’ancien candidat à la présidentielle pianote de colère sur son compte Twitter. « J’ai eu Edouard Philippe au téléphone : il refuse la réouverture du Puy du Fou, contrairement à la parole du président. Ils veulent nous briser. »

A Matignon, on se défend d’une telle volonté. « Nous souhaitons évidemment que le Puy du Fou surmonte cette épreuve dans les meilleures conditions possible », assure l’entourage d’Edouard Philippe. Le parc, précise-t-on, s’est d’ailleurs vu octroyer 34 millions d’euros de prêts, dont 20 millions de prêt garanti par l’Etat. Qu’importe : de Villiers dégaine à nouveau son téléphone pour alerter Emmanuel Macron. « Je ne laisserai jamais tomber le Puy du Fou. On ne vivra pas que de grandes surfaces », lui répond le chef de l’Etat dans un SMS.

Les deux hommes s’appellent une nouvelle fois, dimanche. Le Vendéen lui fait remarquer que les parcs zoologiques, eux, peuvent rouvrir. « C’est la préférence des animaux exotiques aux Gaulois réfractaires », grince celui qui a fait du Puy du Fou un instrument de la bataille culturelle menée par une partie de la droite et de l’extrême droite en faveur d’une France « enracinée ». Emmanuel Macron sourit. Il rassure son ami : « On ne va pas quand même pas faire crever le pays. »

« Le président veille sur nous »

Mardi, Matignon assurait encore au Monde qu’« il serait trop dangereux » de se prononcer sur une date de réouverture avant la semaine du 25 mai ; il faut d’abord apprécier la situation épidémique, « comme c’est le cas pour d’autres parcs ou lieux culturels, ou commerces type restaurants ». Mais le président amène le sujet sur la table, mercredi, au conseil de défense. Charge est donnée aux préfets « de se rapprocher des établissements recevant du public afin de travailler aux modalités de leur réouverture dans la perspective de la nouvelle phase de déconfinement qui s’ouvre lundi 2 juin », résume le cabinet du secrétaire d’Etat au tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne.

Emmanuel Macron envoie un SMS à Philippe de Villiers pour l’avertir de la bonne nouvelle. Vingt-quatre heures plus tard, le Vendéen partage le contenu de ce message aux 50 000 abonnés de son compte Twitter (avec l’accord du chef de l’Etat, assure-t-il) : « Décision prise ce matin en conseil de défense : on commence dès aujourd’hui le travail en vue de la réouverture, objectif 2 juin. Mandat est donné au préfet de commencer le travail dès aujourd’hui. »

Le parc pourra rouvrir ses portes le 11 juin, le temps de remettre la machine en route. Depuis son bocage, Philippe de Villiers se réjouit : « Le président veille sur nous de manière attentive et fidèle. » Ainsi que sur ses amis.

puy du fou

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