Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
27 mai 2020

Le SARS-CoV-2 entraîne bien une immunité protectrice

Par Paul Benkimoun

Des personnels soignants infectés par le Covid-19 ont bien produit des anticorps, mais on ignore encore la durée de la protection.

Parmi les multiples questions qui restent posées à propos du Covid-19, celle de la réponse immunitaire et de la protection qu’elle pourrait conférer aux personnes ayant été infectées n’est pas la moindre.

Plusieurs travaux, dont une étude menée auprès de soignants du CHU de Strasbourg et prépubliée le 26 mai sur le site MedrXiv.org, confirment que l’infection par le SARS-CoV-2 suscite bien la production d’anticorps et que ceux-ci possèdent une action neutralisante contre ce coronavirus encore présente six semaines après l’apparition des symptômes.

Il faudra attendre d’autres travaux pour savoir combien de temps dure cette protection contre une réinfection, tout en gardant à l’esprit que les anticorps, produits par les lymphocytes B, ne constituent qu’une partie de nos défenses immunitaires, à côté de l’immunité cellulaire s’appuyant sur des globules blancs spécialisés, les lymphocytes T.

Le rassemblement évangélique qui s’est tenu à Mulhouse (Haut-Rhin) du 17 au 24 février a été à l’origine d’un foyer épidémique qui a essaimé à travers la France et a enraciné le Covid-19 dans la région. Cet épisode de « superpropagation » a été à l’origine de nombreux cas de contamination au sein des personnels du CHU de Strasbourg à partir de la première semaine de mars.

Afin de comprendre la réaction immunitaire développée à la suite de ces infections, une équipe associant des chercheurs du CHU de Strasbourg et de l’Institut Pasteur, a mené en avril une étude auprès d’un échantillon de membres du personnel chez lesquels l’infection par le SARS-CoV-2 avait été confirmée par un test PCR.

Chez les 160 soignants et personnels administratifs inclus dans cette investigation, le type de symptômes et leur date d’apparition étaient connus. Il s’agissait de formes bénignes de Covid-19, n’ayant pas nécessité d’hospitalisation, avec des symptômes classiques : fièvre, difficultés respiratoires, perte de l’odorat…

« Déterminer la durée de cette protection »

Deux tests sérologiques ont été utilisés : un test rapide du commerce détectant la présence d’anticorps contre le SARS-CoV-2, et un test « S-Flow », plus perfectionné, mis au point par les chercheurs de l’Institut Pasteur et utilisé par eux pour une étude à Crépy-en-Valois. Ciblant une autre région du coronavirus que le test rapide, le S-Flow fournit à la fois une information quantitative et qualitative.

« Il s’agissait pour nous de suivre l’apparition d’anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2, ce qui signait la séroconversion, d’apprécier la quantité de ces anticorps et leur efficacité à neutraliser le SARS-CoV-2 », explique Olivier Schwartz (responsable de l’unité Virus et immunité, Institut Pasteur), dernier cosignataire de l’étude.

Le pourcentage de neutralisation était calculé en comparant le signal d’immunofluorescence dans le sérum d’un participant à celui généré par des sérums d’individus Covid-19 négatifs.

Le test rapide a détecté des anticorps dans 153 (95,6 %) des prélèvements, tandis que le S-Flow en identifiait dans 159 (99,4 %), soit chez la totalité des participants sauf un, pour lequel aucun des deux tests n’a montré la présence d’anticorps. Premier enseignement donc, comme on l’espérait, l’infection entraîne bien une réponse de l’immunité humorale, même dans les formes bénignes de Covid-19.

Deuxième confirmation apportée par cette étude, la quantité d’anticorps neutralisants détectés par les tests s’accroît au fil du temps : 79 % des prélèvements effectués deux à trois semaines après le début des symptômes en possédaient ; un taux qui montait à 92 % chez ceux datant de trois à quatre semaines et à 98 % pour ceux recueillis quatre à six semaines après le début des signes cliniques. « L’activité neutralisante est bien présente à un temps plus tardif que l’apparition des anticorps et c’est encourageant, note Olivier Schwartz. Nous espérons suivre plus longuement les participants à cette étude afin de déterminer la durée de cette protection. »

« Immunité protectrice mais pas stérilisante »

Outre des études in vitro sur l’action neutralisante d’anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2, des essais chez des singes ont mis en évidence le fait qu’après une première infection par ce coronavirus suivie d’une guérison, ces animaux étaient protégés contre la maladie lorsqu’on leur administrait à nouveau le virus.

« Cela n’infirme pas une réinfection, mais les chercheurs ont constaté une augmentation rapide du taux d’anticorps contre le SARS-CoV-2, une élimination plus rapide du virus, remarque Olivier Schwartz, qui ne participait pas à ces études. Ces anticorps favorisent une forme bénigne, atténuée de la maladie. C’est une immunité protectrice mais pas stérilisante. »

Parallèlement à l’étude française, deux articles émanant d’équipes chinoises consacrés aux anticorps neutralisants anti-SARS-CoV-2 sont publiés, mardi 26 mai, sur le site de la revue Nature. Ces articles s’inscrivent dans la recherche d’anticorps responsables de l’immunité contre le SARS-CoV-2 afin de produire par clonage cette lignée à partir de l’ADN d’une cellule isolée capable d’en fabriquer.

Bin Ju (Southern University of Science and Technology, Shenzhen) et ses collègues ont analysé les sérums de huit patients infectés par le SARS-CoV-2 et identifié 206 anticorps monoclonaux, réagissant spécifiquement avec une région de ce coronavirus, dite « RBD », située sur la protéine virale Spike (protéine S). Celle-ci joue le rôle de clé en se liant au récepteur « ACE2 » situé à la surface des cellules pour y pénétrer et les infecter.

Le nombre élevé d’anticorps s’explique par le fait que chaque patient pouvait avoir un répertoire de plusieurs dizaines d’entre eux. Les capacités respectives de neutralisation de ces anticorps variaient selon l’aptitude à bloquer l’interaction entre la région RBD du coronavirus et le récepteur ACE2 de la cellule.

De leur côté, Rui Shi (académie chinoise des sciences, Pékin) et ses collègues ont isolé deux anticorps monoclonaux dotés d’un fort pouvoir neutralisant spécifique in vitro contre le SARS-CoV-2 dans le sérum d’un patient convalescent après un Covid-19. Ils ont également testé l’activité de ces anticorps administrés à des singes Rhésus, soit en traitement de l’infection, soit à titre prophylactique avant que le SARS-CoV-2 soit administré dans la trachée. L’un de ces deux anticorps monoclonaux montrait une forte capacité à éliminer le virus de la trachée, dans le cas d’une utilisation comme traitement, et à empêcher la charge virale d’y augmenter, pour ce qui est de l’usage prophylactique. Des pistes intéressantes pour la mise au point de nouveaux outils contre le SARS-CoV-2.

Publicité
Commentaires
Publicité