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Jours tranquilles à Paris
29 juin 2020

A Paris, la victoire d’Anne Hidalgo, la déroute d’Agnès Buzyn

hidalgo

Par Denis Cosnard - Le Monde

La maire socialiste a été largement réélue à la tête de la capitale. Sa rivale, Rachida Dati, sauve l’honneur de la droite, tandis que la candidate macroniste n’est même pas élue au Conseil de Paris.

Il est 21 heures, ce dimanche soir 28 juin, et soudain, les premières estimations tombent sur l’écran allumé dans l’immense bureau d’Anne Hidalgo, où elle a réuni son équipe : la maire socialiste de Paris est réélue. Et haut la main, avec près de 49 % des voix, alors que Rachida Dati (Les Républicains, LR) doit se contenter de moins de 34 %, et Agnès Buzyn (La République en marche, LRM) de 13 %. Les applaudissements fusent. Le bureau s’emplit de fidèles, de compagnons de route. Anne Hidalgo donne l’accolade à chacun.

Jusqu’au dernier jour, elle qui est si superstitieuse n’avait pas voulu crier victoire. A présent, quelques larmes coulent. Au terme de cette si longue campagne, « Je pense à mon père », mort en mars 2019, confie la maire quelques minutes plus tard devant ses partisans réunis sur le parvis de l’Hôtel de ville. « Arrivé en France avec la République en idéal, il voulait que ses filles le réalisent. Je crois qu’il serait heureux aujourd’hui. »

De l’autre côté de la Seine, au quartier général de La République en marche (LRM), boulevard du Montparnasse, l’ambiance est toute autre. Sépulcrale. Un an et demi plus tôt, le parti présidentiel s’imaginait faire tomber Anne Hidalgo comme un fruit mûr. Mais ce 28 juin, les résultats qui arrivent peu à peu se révèlent encore plus catastrophiques que les dernières prévisions, et les pizzas ont du mal à passer.

Agnès Buzyn elle-même ne récolte qu’un piteux 13 % des suffrages dans le 17e, l’arrondissement où elle se présentait. Non seulement elle n’est pas élue maire, mais elle n’entre même pas au Conseil de Paris. Elle qui, quelques jours plus tôt, se voyait au moins diriger l’opposition à Anne Hidalgo, et la remplacer au bout de son mandat, en 2026… Son porte-parole Gaspard Gantzer, ancien conseiller de François Hollande, est aussi éliminé. De même que la maire sortante du 20e, Frédérique Calandra, une ex-socialiste passée à LRM. Devant les caméras, l’ancienne ministre de la santé « prend acte » des résultats et se dit malgré tout « fière d’avoir porté la voix de la majorité présidentielle ». A ses côtés, ses lieutenants ont des mines d’enterrement.

Folle élection, incroyable succession de rebondissements

Une ample victoire pour Anne Hidalgo, une gigantesque déroute pour Agnès Buzyn, et, pour Rachida Dati, un échec relatif qui laisse bien des espoirs. A l’issue d’une incroyable succession de rebondissements, la folle élection municipale parisienne a abouti au résultat inverse de celui prédit par beaucoup lorsque la précampagne a débuté.

Plusieurs fois donnée politiquement morte, notamment en 2018, avec la polémique autour des voies sur berges, le fiasco de Vélib et d’Autolib, et la spectaculaire démission de son premier adjoint, Anne Hidalgo se retrouve confortée comme jamais. Avec 96 élus sur 163, elle disposera d’une très solide majorité au Conseil de Paris. Elle garde les mairies d’arrondissement qu’elle contrôlait, et obtient celle du nouveau secteur Centre, qui regroupe les quatre premiers arrondissements.

Clairement, son positionnement social et de plus en plus écologiste a convaincu, notamment parmi les jeunes. Au fil des années et des crises, elle s’est forgé une image de guerrière de l’environnement, parfois rigide, mais fidèle à ses valeurs. Une dure à cuire qui a eu raison avant les autres sur l’urgence climatique, estime-t-on à gauche. « Vous avez choisi un Paris qui respire », a-t-elle encore déclaré dimanche soir.

Ces dernières semaines, la socialiste rêvait de faire basculer deux arrondissements supplémentaires, le 5e et le 9e. Les deux sont restés aux mains de leurs maires sortantes, des ex-LR ralliées à LRM. Dans le 5e, au quartier latin, Florence Berthout, qui avait fusionné sa liste avec celle de ses anciens amis LR, a été réélue avec 51,9 % des voix. « C’est un arrondissement qui vote à gauche à toutes les élections, sauf aux municipales, se désole Marie-Christine Lemardeley, la candidate d’Anne Hidalgo sur place. Si nous n’avons pas gagné cette fois-ci, alors que la dynamique était très positive, je crains que nous n’y arrivions jamais… » Dans le 9e, Delphine Bürkli, qui avait fait passer cet arrondissement à droite en 2014, est parvenue à le garder, à la faveur d’une triangulaire.

Bilan calamiteux pour Macron

« Nous avons conservé nos deux mairies », s’est réjouie Agnès Buzyn, en oubliant celle du 20e et en faisant comme s’il était sûr que Florence Berthout reste un soutien de la majorité présidentielle. Malgré ces succès locaux, le bilan est calamiteux pour Emmanuel Macron. « Nous devons gagner Paris, c’est capital », affirmaient les stratèges macronistes il y a un an, en s’appuyant sur les excellents scores du parti aux élections législatives et européennes.

La dissidence de Cédric Villani, la campagne laborieuse de Benjamin Griveaux, sa démission forcée puis les maladresses et les hésitations d’Agnès Buzyn ont eu raison de ces espoirs. Les macronistes ne compteront pas dix élus au conseil municipal. A peine de quoi constituer un groupe. Quant à Cédric Villani, qui s’était maintenu dans le 14e arrondissement, lui aussi reste à la porte du conseil. Malgré les vœux d’Emmanuel Macron, le clivage droite-gauche domine plus que jamais la vie politique dans la plus grande ville de France.

La plus critique à l’égard de cette déroute est Rachida Dati. « Le changement était possible à Paris », a affirmé dimanche soir l’ex-ministre sarkozyste. Mais il aurait fallu pour cela une alliance entre LR et LRM, comme dans d’autres villes. En refusant un tel accord, les macronistes ont mis en œuvre une « stratégie d’échec », juge Rachida Dati : « La République en marche a préféré la victoire d’Anne Hidalgo, dont elle avait pourtant critiqué le bilan pendant des mois. »

La maire du 7e ne peut pour sa part que se féliciter la campagne à droite toute qu’elle a menée. En critiquant sans cesse la saleté des rues et l’insécurité à Paris, elle a mobilisé avec efficacité l’électorat traditionnel de la droite parisienne, et ressoudé son camp. Il restait à peine vingt-cinq élus LR au Conseil de Paris au début de la campagne. Ils seront un peu moins de 60 dans le nouvel Hémicycle. Elle sera ainsi sans conteste la vraie meneuse de l’opposition à Anne Hidalgo.

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