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Jours tranquilles à Paris
30 juin 2020

Tendance - Le télétravail, ce déclic pour changer de vie

THE WALL STREET JOURNAL (NEW YORK)

Pendant la péndémie, les outils numériques ont permis à de nombreux Américains de travailler à distance, et ainsi de concrétiser des envies d’ailleurs, constate ce journal financier. Et la tendance pourrait s’accélérer.

En mars dernier, lorsque la pandémie a éclaté, Gillian Holdstein et Jarred Roth se trouvaient tous deux en Californie pour raison professionnelle, et le couple de New-Yorkais a finalement décidé d’y rester pour de bon.

Ils avaient choisi de se mettre en quarantaine pendant environ quatre semaines dans une maison d’amis située dans la région viticole de Sonoma. L’employeur de Gillian Holdstein, la société de commerce électronique MikMak, l’a autorisée à ouvrir leur premier bureau de vente sur la côte ouest depuis chez elle. Quant à Jarred Roth, il concentre ses efforts actuellement sur la préparation de l’ouverture d’un restaurant dans la région, en collaboration avec d’autres personnes.

L’épidémie de coronavirus a remis en question l’idée selon laquelle, pour accéder aux plus belles perspectives professionnelles, les Américains doivent garder un lien physique avec les marchés de l’emploi les plus recherchés – malgré les coûts élevés et les espaces restreints qui leur sont souvent associés. Après trois mois de pandémie, une grande partie des actifs se retrouvent à exercer un métier, qui, pour l’instant du moins, leur permet de travailler de n’importe où, ce qui a entraîné une vague de déplacements dans tout le pays.

Se rapprocher de la famille ou fuire un logement trop cher

Les épisodes de récession ont tendance à refroidir les envies de migration. En général, c’est parce qu’ils ont décroché un nouvel emploi que les Américains déménagent, et les embauches chutent en période de récession. La crise financière de 2008 a limité la mobilité des Américains, car des millions de propriétaires se sont retrouvés sous l’eau, incapables de vendre leur logement sans subir de pertes.

Mais cette fois-ci, la situation pourrait bien être différente. Les prix de l’immobilier n’ont pas vraiment accusé le coup pour l’instant. De plus, de nouveaux éléments entrent en jeu. Ainsi, certains adultes risquent d’avoir du mal désormais à prendre l’avion pour rendre visite à leurs parents âgés, ce qui les pousse brusquement à s’interroger sur les raisons qu’ils ont de vivre si éloignés.

Nombreux sont les nouveaux télétravailleurs qui s’aperçoivent qu’ils préfèrent habiter plus près de leur famille ou dans un environnement moins pollué. D’autres en ont assez de devoir payer des loyers trop chers pour eux, et partent à la recherche d’un emploi dans des États ayant déconfiné plus rapidement, ou retournent dans leur ville d’origine.

Changement de mentalité dans les entreprises

Selon Cuebiq, une société de collecte de données qui suit les déplacements via les téléphones portables, les Américains ont changé de logement deux fois plus souvent qu’un an plus tôt à un certain moment en avril. Ils ont continué à se déplacer à un rythme élevé jusqu’à la mi-mai. Le décompte de Cuebiq inclut tous les voyages hors de chez soi ayant duré au moins trois semaines ; il a donc également enregistré certains déplacements temporaires, comme les personnes qui ont décampé pour aller s’installer dans des maisons de vacances, ou les étudiants qui ont quitté l’université pour rentrer chez eux.

Il est trop tôt pour dire combien de ces déplacements sont définitifs et comment, plus globalement, de nouveaux schémas migratoires pourraient remodeler le pays. Cependant, les déplacements provoqués par l’épidémie de Covid-19 pourraient accélérer la tendance déjà en cours de migration de la population des villes, densément peuplées et chères, vers des zones plus abordables, telles que les petites villes et les banlieues.

Le télétravail est à l’origine d’une grande partie de ces déplacements. Affirmant dès à présent que leur expérience de plusieurs mois de travail à distance est un succès, des sociétés accordent à de nombreux employés la permission permanente de décrocher de leur bureau. D’autres qui, il y a seulement six mois, tournaient en dérision l’idée de laisser des employés travailler de chez eux l’adoptent aujourd’hui.

Les cols blancs privilégiés

Cependant, tout le monde ne s’attend pas à voir des millions d’Américains faire leurs valises.

“Il est clair que le nombre de télétravailleurs va exploser, reconnaît Thomas Cooke, un conseiller, spécialiste des questions de démographie, qui vient de prendre sa retraite de professeur de géographie à l’université du Connecticut, mais quant à savoir si ce sera une énorme transformation, il est difficile de l’affirmer catégoriquement.”

Pour de nombreuses personnes, il n’en est même pas question. Il est beaucoup plus facile pour les cols blancs de plier bagage tout en conservant leur emploi. Mais les obligations familiales, comme la scolarité des enfants, peuvent constituer un frein au déménagement.

Des employés autorisés à déménager définitivement

Cependant, certaines entreprises remettent déjà en question leurs expériences du travail à domicile. Ainsi, début mai, les dirigeants de Twilio, une entreprise numérique de San Francisco, envisageaient de proposer à leurs employés de déménager sur le lieu de leur choix pour travailler à distance de façon permanente, selon Christy Lake, le directeur du personnel. Mais, à la fin du même mois, l’entreprise avait fait quelque peu machine arrière, conditionnant à l’obtention de l’autorisation de son responsable la possibilité pour un employé de travailler à partir d’une autre ville ou d’un autre État du pays, et ce jusqu’à la fin de l’année seulement.

La société a néanmoins dit oui à une quinzaine d’employés (sur les 3 000 qu’elle compte) qui ont souhaité déménager définitivement. Ly Nguyen, une ingénieure logiciel de 28 ans qui travaille au bureau de Redwood City de la société, a été amenée à rester en Californie des années de plus que ce qu’elle avait prévu au départ à cause de sa carrière professionnelle. Mais, avec l’éclatement de l’épidémie de Covid-19, son projet de longue date de se rapprocher de sa famille à Seattle a revêtu une importance accrue.

“Cela m’a fait vraiment prendre conscience qu’il était temps que je déménage”, explique-t-elle.

Partie s’installer plus au nord vers la mi-mars, elle a entamé des discussions avec sa société dès le mois suivant pour y déménager définitivement. Comme tout le monde travaille à distance, on est moins stigmatisé si on n’est pas au bureau, souligne-t-elle. Elle est actuellement à la recherche d’un logement à acheter.

Rachel Feintzeig and Ben Eisen

Source : The Wall Street Journal

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