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Jours tranquilles à Paris
27 août 2020

Tendance - Destinations de rêve pour télétravailleurs

THE NEW YORK TIMES (NEW YORK)

La Barbade, les Bermudes, la Géorgie : voici quelques-uns des pays qui proposent depuis cet été des visas spécifiques pour permettre aux télétravailleurs de vivre et de travailler sur place pendant six mois ou plus. Le New York Times fait le point sur ces nouveaux dispositifs.

Le mois dernier, une info circulant sur les réseaux sociaux sur la possibilité de s’expatrier à la Barbade pendant douze mois a retenu l’attention de Lamin Ngobeh, enseignant au lycée Freire Charter de Wilmington, dans le Delaware [nord-est des États-Unis]. Pour justifier son choix de s’expatrier provisoirement, il explique :

Le lycée ne reproposera sans doute pas de cours en classe avant février 2021 et je veux vivre dans un pays plus sûr – sanitairement parlant – tout en ayant une bonne qualité de vie. J’ai contacté la direction de l’établissement et elle m’a soutenu dans ma décision.”

Quand la Barbade a annoncé le lancement de son programme Welcome Stamp, à la mi-juillet, elle n’était que le premier d’une série de pays des Caraïbes et d’Europe de l’Est à proposer ce type d’arrangement aux télétravailleurs, des dispositifs qui reposent sur l’octroi de visas spécifiques ou qui assouplissent les critères existants en vue d’inciter certaines professions à s’expatrier temporairement. Parmi les pays proposant le même type d’offres, on trouve notamment l’Estonie, la Géorgie et les Bermudes.

À la Barbade, un “visa télétravail” de douze mois

Le net recul de la fréquentation touristique est une des principales raisons motivant la mise en place de ces programmes d’un nouveau genre. “Le tourisme, c’est ce qui fait vivre le pays”, reconnaît Eusi Skeete, directeur de l’Office du tourisme de la Barbade aux États-Unis. Selon les données de la Banque centrale de la Barbade, le tourisme représentait 14 % du PIB annuel du pays en 2019, soit 712 000 voyageurs internationaux – un record. Or, en 2020, le nombre de visiteurs a été proche de zéro aux mois d’avril, mai et juin.

Eusi Skeete explique que le nouveau programme de “visa télétravail” apportera un peu d’oxygène. “En leur proposant de rester douze mois, on permet à nos visiteurs d’avoir un bon aperçu du pays”, poursuit-il. Plus d’un millier de demandes arrivant du monde entier ont été déposées la première semaine, en provenance essentiellement des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni. La demande de Lamin Ngobeh a été acceptée lundi. L’enseignant prévoit de partir mi-septembre.

À Tbilissi, un bel appartement pour 400 euros par mois

Avant même la pandémie, le nombre de télétravailleurs allait croissant dans le monde : les enquêtes du cabinet MBO Partners montraient que le nombre de travailleurs indépendants s’établissait autour de 41 millions en 2019 aux États-Unis – un chiffre qui comprend les consultants, les free-lances et les intérimaires. Plus de 7,3 millions d’Américains se disaient “cybernomades” en 2019 : un mode de vie qui leur permet de voyager et de travailler à distance où bon leur semble.

David Cassar, directeur d’exploitation du cabinet MBO Partners, constate une nette augmentation du travail free-lance à l’international 

On s’attend à une explosion du nombre de cybernomades chez les travailleurs indépendants dans les années qui viennent. Le Covid-19 a accéléré l’essor du télétravail, et les indépendants seront parmi les premiers à profiter du mode de vie nomade que permet la technologie.”

Beaucoup choisissent le cybernomadisme pour des raisons financières. Originaire de Phoenix, Maggie Turansky vit actuellement en république de Géorgie. Elle y gère un site web, The World Was Here First, avec son conjoint, et loue, pour un peu plus de 400 euros par mois, un appartement flambant neuf à Tbilissi, où ils sont restés pendant la pandémie :

Je ne vois pas quelle autre grande ville pourrait m’offrir ça dans les pays occidentaux, observe-t-elle. Les charges dépassent rarement 40 euros par mois et le Wifi fonctionne à merveille. La Géorgie est un beau pays, il y a des tas de choses à voir et à faire, et on en est un peu tombé amoureux.”

[À la Barbade], Lamin Ngobeh confie qu’il a trouvé des appartements corrects proposant deux à quatre chambres à coucher pour 400 à 1 200 euros par mois.

Amanda Kolbye, une autre Américaine, travaille en ce moment en Malaisie, où elle est coach d’entreprise à distance. Elle vit et travaille à l’étranger depuis deux ans, et a posé ses valises dans cinq pays différents avant la Malaisie : la Thaïlande, le Vietnam, l’Indonésie, le Qatar et Taïwan. Elle explique :

Je ne prévois pas de rentrer aux États-Unis dans un avenir proche. J’envisage de gérer mon entreprise depuis un autre pays, comme l’Estonie, la Barbade ou les Bermudes, ce qui me rapprocherait de chez moi.”

Assurance maladie, test négatif au Covid… : les critères à remplir

Certains critères sont parfois identiques pour les candidats aux séjours prolongés. Si tous les pays exigent des attestations prouvant que vous avez souscrit une assurance maladie et que vous avez été testé négatif au coronavirus (avant l’arrivée ou à votre arrivée, voire les deux), certains facturent des frais de dossier et demandent un justificatif de salaire mensuel ainsi que des relevés de compte.

Pour la Barbade, les candidats au télétravail doivent remplir un formulaire de demande en ligne, y joindre des photos et produire un justificatif d’emploi ainsi qu’une déclaration de revenus attestant qu’ils gagneront au moins 40 000 euros par an pendant la durée de leur séjour sur l’île. Les frais de dossier de 1 700 euros par personne ne sont payables qu’après acceptation de la demande. Les familles devront pour leur part débourser 2 500 euros quel que soit le nombre de membres qui les composent.

Aux Bermudes, pas de salaire minimum exigé

Annoncé le 1er août, le programme des Bermudes est assorti de 222 euros de frais de dossier. En 2019, le tourisme de loisirs a rapporté 353 millions d’euros aux Bermudes, ce qui correspond à plus de 808 000 visiteurs – un record historique pour le pays. Sans surprise, la pandémie a plombé ces chiffres. Au premier trimestre 2020, les dépenses des touristes ont plafonné à 16,7 millions d’euros, contre 27 millions l’année précédente, et le nombre d’arrivées par avion a dévissé de près de 44 %.

“En avril, mai et juin, la fréquentation touristique était proche de zéro, soupire Glenn Jones, directeur de l’Office national du tourisme des Bermudes. Nous vivons du tourisme aérien. Or, en juillet, nos capacités aériennes – c’est-à-dire le nombre de places réservées sur les vols commerciaux à destination de l’île – n’étaient que de 10 % de ce qu’elles étaient en juillet dernier. En août, ce sera 20 %.”

Quelques jours seulement après l’annonce de leur programme, les Bermudes recevaient 69 demandes en provenance du monde entier. Contrairement à la Barbade, les Bermudes n’exigent pas de salaire mensuel minimum pour les télétravailleurs candidats à des séjours de longue durée.

En Estonie, des frais de dossier limités à 105 euros

Lancé le 1er août, le nouveau visa estonien destiné aux cybernomades, qui est une extension de son programme d’e-résidence, permettra aux visiteurs de séjourner légalement dans le pays et d’y travailler à distance pendant une période allant jusqu’à douze mois. Les frais de dossier se montent à 105 euros et les candidats doivent justifier d’un salaire mensuel de base de 3 500 euros ou plus.

Ott Vatter, directeur général du programme d’e-résidence estonien, observe :

Quand on regarde les pays qui proposent des visas télétravail, on s’aperçoit que ce sont ceux qui sont très dépendants du tourisme. Si l’Estonie est moins dépendante du tourisme que d’autres, les gens commencent malgré tout à se rendre compte du potentiel et de la nécessité d’avoir ce type d’offres. Depuis le Covid, cette nécessité se fait plus pressante.”

Le tourisme représentait environ 8 % du PIB estonien en 2019. Or, le ministère de l’Intérieur attend une contraction d’au moins 50 % des revenus du tourisme en 2020 par rapport à 2019.

En Géorgie, six mois de séjour autorisés et quarantaine obligatoire

Baptisé “Remotely from Georgia” [à distance depuis la Géorgie], le programme mis en place par la Géorgie autorise des séjours allant jusqu’à six mois. Comme les Bermudes, elle ne demande pas aux candidats de justifier d’un salaire mensuel minimum. Ils doivent néanmoins prouver qu’ils disposent des ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins.

Consule générale de Géorgie à New York, Diana Zhgenti précise que, si aucun critère de revenus n’est imposé aux candidats, le programme n’est cependant ouvert qu’aux ressortissants des 95 pays qui sont autorisés à s’y rendre sans visa. Les candidats aux séjours longue durée seront par ailleurs tenus d’observer une période d’isolement à leur arrivée, et ce à leurs propres frais.

Langue, scolarisation des enfants, risques divers : les limites du “visa télétravail”

Mais si le travail à distance séduit celles et ceux qui peuvent se contenter d’un ordinateur portable et d’une bonne connexion Internet, il ne se prête pas à tous les profils professionnels.

David Cassar précise également que le fait de vivre et de travailler à distance à l’étranger comporte certains risques. “Si je me déplace dans le pays, même si je suis salarié de l’entreprise, l’assurance accident ne me couvrira pas toujours. Même si je suis déclaré travailleur indépendant aux États-Unis, le fait que je bénéficie d’un statut de free-lance à responsabilité limitée ne sera pas nécessairement reconnu dans les autres pays.”

La langue peut également être une barrière. Cofondateur du cabinet d’avocats BSH en Géorgie, qui propose ses services aux expatriés et aux télétravailleurs, Ketevan Buadze confirme que le pays accueille les étrangers à bras ouverts, mais observe que, “si les jeunes parlent anglais, c’est moins souvent le cas de la génération qui les précède”.

Le fait d’avoir des enfants peut également compliquer les choses. Les familles qui prévoient de scolariser leurs enfants à distance risquent d’être confrontées au problème des fuseaux horaires. Et celles qui souhaiteraient mettre leurs enfants dans des écoles sur place n’auront qu’un choix limité : aux Bermudes comme en Estonie, les étrangers ne peuvent scolariser leurs enfants que dans certains types d’établissements. “Les familles internationales n’ont pas accès au public, mais uniquement au privé”, confirme David Burt, le Premier ministre des Bermudes. L’Estonie offre plusieurs possibilités aux étrangers, dont l’École européenne de Tallin et l’École internationale d’Estonie (des frais de scolarité s’appliqueront dans les deux cas).

Mais, au bout du compte, c’est peut-être tout simplement la sécurité qui pousse les gens à s’expatrier provisoirement à l’étranger.

Sadie Millard, une New-Yorkaise qui vit aux Bermudes depuis le début de la pandémie, explique ainsi qu’elle prévoit de demander un visa télétravail, la société de courtage pour laquelle elle travaille restant fermée. “Il y a eu une centaine de cas au total ici, dit-elle. Et même si la vie est aussi chère qu’à New York, je m’y sens beaucoup plus en sécurité. La seule chose à laquelle il va falloir que je m’habitue, c’est la conduite à gauche.”

Source : The New York Times

NEW YORK http://www.nytimes.com/

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