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Jours tranquilles à Paris
2 juillet 2020

Le président Xi Jinping ou la loi du plus fort

Article de Frédéric Lemaître

Aux yeux du dirigeant chinois, l’Etat de droit qui prévalait à Hongkong entravait le pouvoir du PCC, clé de l’ascension de son pays

PÉKIN- correspondant

Et maintenant, à quoi va s’attaquer Xi Jinping ? A Taïwan ? A l’appropriation de la mer de Chine du Sud ? A l’humiliation du rival indien ? La loi sur la sécurité nationale imposée à Hongkong n’est que la dernière initiative en date du dirigeant communiste qui, depuis son arrivée au pouvoir, à l’automne 2012, n’a jamais renoncé à provoquer ses adversaires ou l’opinion publique internationale pour conforter le pouvoir du Parti communiste chinois en général et le sien propre en particulier.

Le 1er mars 2014, une attaque au couteau commise par des musulmans ouïgours à la gare de Kunming, dans le sud-ouest de la Chine, fait 31 morts et 141 blessés. Xi Jinping se rend en avril au Xinjiang, où il ordonne aux autorités d’utiliser « tous les outils de la dictature » pour mener une « lutte sans merci (…) contre le terrorisme et le séparatisme ». Plus d’un million de Ouïgours seront internés dans des camps dits « de rééducation ». Juillet 2015 : plusieurs centaines d’avocats spécialisés dans la défense des libertés sont arrêtés. C’est la plus grande atteinte aux droits de l’homme en Chine depuis le massacre de Tiananmen, en 1989. La plupart d’entre eux ont été depuis libérés, mais les arrestations n’ont jamais cessé.

2015, c’est aussi l’année du mensonge à Barack Obama. « Les activités de construction que la Chine entreprend actuellement dans les îles Nansha [Spratleys] ne visent et n’ont aucun impact sur quelque pays que ce soit et la Chine n’entend pas poursuivre la militarisation » de ces îlots en mer de Chine du Sud, assure le président chinois à son homologue américain. Les travaux ont commencé deux ans plus tôt, juste après son installation au pouvoir, et les images satellites seront par la suite formelles : non seulement la Chine y a construit des pistes d’atterrissage, mais elle y a installé des missiles sol-air et des équipements de brouillage militaires.

En 2018, Xi Jinping parvient à faire modifier la Constitution chinoise, mettant fin au système limitant à deux mandats de cinq ans la fonction présidentielle. Cette réforme avait été introduite en 1982 par Deng Xiaoping pour éviter l’émergence d’un nouveau dictateur à vie, à l’instar de Mao Zedong. A cette occasion, la « pensée de Xi Jinping » est introduite dans la Constitution.

Tous ces éléments ont leur logique. Selon Xi Jinping, le développement de la Chine passe par le rôle dirigeant du Parti communiste. Pour réussir face à un Occident qui rêve de faire subir à l’empire du Milieu le même destin qu’à l’Union soviétique, le Parti communiste chinois, fort de ses 91,9 millions de membres, doit exercer une dictature des meilleurs. Dans la droite ligne des empereurs qui, pendant des siècles, ont prétendu gouverner par les « hommes de bien », compétents et non motivés par leur intérêt personnel, qu’ils opposaient aux « hommes de peu », la population non éduquée. Evidemment, les ennemis sont impitoyablement réprimés.

Anniversaire du parti

Significativement, ce mercredi 1er juillet, Le Quotidien du peuple, l’organe officiel du Parti communiste chinois, ne titre pas sur Hongkong. La loi sur la sécurité nationale n’a droit qu’à un titre et un renvoi aux pages intérieures. Les quatre principaux articles sont consacrés à des discours récemment tenus par Xi Jinping, à une lettre qu’il a envoyée aux communistes de l’université Fudan et à la publication du troisième tome de ses œuvres sur la gouvernance de la Chine. C’est que le 1er juillet marque aussi le 99e anniversaire du Parti communiste chinois. Alors que se préparent les festivités du centenaire, Xi Jinping martèle son message : confronté à un environnement instable, le Parti doit rester uni et mobilisé derrière son leader.

Si l’Assemblée nationale populaire a adopté en mai un code civil qui marque un certain progrès pour les affaires privées – le Parti s’immisce moins dans la vie privée des Chinois que sous Mao –, les affaires publiques sont plus que jamais régies par ce dernier. En 2018, Xi Jinping a éprouvé le besoin d’inscrire « le rôle dirigeant » du Parti communiste dans la Constitution.

Des responsables chinois expliquaient ces derniers temps que certes Hongkong était juridiquement chinoise, mais que, dans les faits, il n’en était rien. Une intervention de Pékin était d’autant plus nécessaire que les démocrates hongkongais n’entendaient pas seulement « déstabiliser et prendre le pouvoir à Hongkong, mais aussi renverser le pouvoir de l’Etat et abattre le leadership du Parti communiste chinois », selon les explications officielles. D’où la loi sur la sécurité nationale. Peu importe que Carrie Lam, chef du gouvernement de Hongkong, n’en ait jamais fait la demande ni même affirmé que la police de Hongkong ne parvenait pas à maintenir l’ordre.

Comme l’analyse le sinologue Sebastian Veg, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, dans un article publié par la revue Tocqueville 21, « même si la répression que va permettre la nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hongkong devrait être moins systématique qu’en Chine continentale, elle s’inscrit sans aucun doute à l’intérieur du même cadre politique, légal et philosophique, dans lequel la souveraineté et l’idéologie du parti [la distinction ami-ennemi] l’emportent sur les définitions libérales de légalité ». Pour Xi Jinping, l’Etat de droit qui prévalait à Hongkong n’était pas tolérable. A ses yeux, seule la loi du plus fort compte véritablement.

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