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Jours tranquilles à Paris
15 août 2020

Opinion - Quatorzaines réciproques : Londres et Paris ont perdu la tête

quatorzaines

THE DAILY TELEGRAPH (LONDRES)

Confronté à la hausse du nombre de cas de Covid-19 recensés dans l’Hexagone, le gouvernement britannique a décidé d’imposer l’isolement aux voyageurs arrivant sur son territoire, dès le samedi 15 août. En réaction, la France a annoncé son intention d’en faire de même. Une folie, estime ce journaliste.

Entre Paris et Londres en matière de bêtise, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre : le bon sens est visiblement passé par-dessus bord.

Le nombre de cas de Covid-19 au Royaume-Uni s’élevait ce jeudi à 18,5 pour 100 000 en moyenne, sur les quatorze derniers jours, à supposer que ces chiffres soient corrects, ce qui n’est notoirement pas le cas. Nous ne sommes sans doute pas loin en réalité du taux de 32,1 enregistré en France.

Et pour cette différence aussi mince que douteuse, le gouvernement britannique vient [jeudi 13 août] de plonger dans le chaos quelque 500 000 de ses ressortissants actuellement sur le territoire français, qui ne pourront pas rentrer à temps pour éviter une quarantaine, faute de trains, de ferrys et ou de vols suffisants pour acheminer tout ce beau monde. Il leur faudra donc s’isoler à leur retour au pays [à partir du samedi 15 août au matin], et certains ne pourront pas reprendre le travail – une fois de plus.

Londres ne connaît pas la demi-mesure

La sentence est tombée alors que la pleine saison touristique en France n’a plus que deux ou trois semaines devant elle. La mesure ne fait aucun distinguo d’une région à l’autre, comme si les voyageurs étaient trop bêtes pour faire la différence entre la grouillante Marseille et le sauvage Périgord.

Cet exemple drastique de tolérance zéro nous vient d’un gouvernement qui a autorisé ses voyageurs à se déverser dans Milan, Madrid, Paris et d’autres vrais bouillons de culture pour le Covid, et ce sans aucun contrôle. Alors même que la tempête épidémique faisait rage, début mars, la politique officielle consistant alors à laisser libre cours à la circulation du virus.

La décision prise hier soir d’imposer une quarantaine aurait eu une certaine légitimité si les autorités françaises faisaient preuve de légèreté – or elles se montrent bien plus strictes que leurs homologues britanniques. Le premier ministre Jean Castex vient de lancer une vraie croisade contre le virus en permettant aux autorités locales de rendre obligatoire le port du masque en extérieur, décision, il faut le noter, plutôt mal accueillie. Les Français n’oublieront pas de sitôt qu’il y a cinq mois encore leur gouvernement leur assurait que le masque était inutile, y compris dans les espaces clos.

Une réciprocité symbolique est sans justification scientifique

La réaction française à cette perfidie toute britannique n’est toutefois guère plus reluisante. Depuis le début de la pandémie, Emmanuel Macron rend coup pour coup. À l’heure où j’écris ces lignes, les médias français indiquent qu’il s’apprête à rendre la monnaie de leur pièce aux Britanniques.

Et voilà résumé en deux mots le Grand Homme d’État qui tente de se faire passer pour un rationaliste cartésien et un suprême défenseur du respect des lois et des règles. Sur la scène internationale, le président français se présente comme un rempart contre le populisme, bien qu’il ait lui-même remporté le premier tour de la présidentielle de 2017 avec un opportunisme particulièrement cynique en endossant le rôle du rebelle. En réalité, il recourt lui aussi à des gestes de politicien purement symboliques et sans justification scientifique.

Les premières victimes de cette mesquinerie macronienne sont les 300 000 ressortissants français installés au Royaume-Uni et qui ne peuvent rentrer chez eux qu’au prix de pénibles démarches, ainsi que les nombreux touristes français venus profiter de la faiblesse de la livre ou rafraîchir un peu leur connaissance de la langue de Shakespeare.

Les gouvernements se mettent des bâtons dans les roues mutuellement

Oui, le virus reste dangereux, et nous ignorons toujours la gravité de ses effets à long terme chez les patients rétablis. Une récente étude de la British Society of Immunology met en garde contre un niveau de stress persistant pendant plusieurs mois ainsi que des dégâts irréversibles au niveau des poumons, du cœur ou d’autres organes.

Mais le calcul des risques globaux a changé. Les restrictions de voyage imposées comme par réflexe par des pays européens affichant un taux de contamination comparable défient à présent les règles de la proportionnalité. Le gouvernement ne peut pas légitimement continuer d’affaiblir ainsi des pans entiers de l’économie tout en réduisant les aides d’urgence.

Au total, la France a perdu l’équivalent de 20 % de son PIB, et le Royaume-Uni 22 %. Ces deux pays sont des foyers de contamination. Et nos gouvernements sont en train de retarder un peu plus le redémarrage économique et se mettent mutuellement des bâtons dans les roues en instaurant des mesures si peu légitimes qu’elles ne manqueront pas d’affaiblir le consensus social autour de toute stratégie de lutte contre le virus.

Sérieusement, messieurs, ça suffit !*

*En français dans le texte

Ambrose Evans-Pritchard

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