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Jours tranquilles à Paris
15 septembre 2020

La branche yéménite d’Al Qaida, affaiblie, menace « Charlie Hebdo »

Les services de l’antiterrorisme craignent moins une attaque « projetée » qu’un passage à l’acte d’individus isolés

Dix-neuf ans après les attentats du 11-Septembre et quelques jours après l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015 à Paris, Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), la branche yéménite du réseau djihadiste, a de nouveau appelé, vendredi 11 septembre, à attaquer l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, le député néerlandais Geert Wilders, ainsi que les auteurs danois et suédois de certains dessins.

Si la date anniversaire des attaques sur le sol américain est un rendez-vous que le groupe djihadiste ne manque jamais de « célébrer », la remise à la « une » des caricatures de Mahomet a donné lieu cette fois à la diffusion d’une lettre de cinq pages de menaces. AQPA y appelle « les musulmans de France, d’Europe et de l’extérieur (…), les moudjahidine de tous les fronts et nos héroïques lions solitaires à les poignarder à leur retour ».

« Vous avez diffusé une première fois vos dessins en pensant être à l’abri de toute attaque (…). Nous rappelons à la France et à son journal que, depuis l’attaque de nos deux héros [les frères Kouachi], plus de 251 Français sont morts lors d’opérations djihadistes et des centaines ont été blessés sur son sol. Qui vous assure que vous ne ferez pas partie des prochaines centaines ? », ajoute le groupe, qui reprend à son compte les attentats de l’Etat islamique (EI).

Attaques de faible envergure

Ces menaces renouvelées sont pourtant l’œuvre d’une organisation affaiblie. Dont la propagande dirigée vers l’« extérieur » se faisait rare depuis de longs mois. Autrefois la plus puissante franchise de la mouvance Al-Qaida, AQPA accumule aujourd’hui les revers au Yémen après avoir un temps tiré partie des conflits qui déchirent le pays. Elle a perdu en février son émir et l’un de ses fondateurs, Kassim Al-Raïmi. Sur la défensive, elle n’a revendiqué que des attaques de faible envergure ces derniers mois. Depuis 2015, le groupe a été lié à seulement à deux attaques à l’extérieur du Yémen : celle de janvier 2015 contre Charlie Hebdo à Paris et une fusillade, en décembre 2019, sur la base navale militaire de Pensacola, en Floride. Peu avant sa mort, Kassim Al-Raïmi avait à ce titre revendiqué en son nom le meurtre de trois membres de l’aéronavale américaine par un militaire saoudien en formation aux Etats-Unis.

Après des mois d’enquête, le FBI a établi que l’assaillant avait échangé avec au moins un membre de l’organisation. Et un Tweet publié par le jeune Saoudien peu avant l’attaque rappelle l’influence durable que peut exercer la propagande d’AQPA. Il y mentionnait Oussama Ben Laden et Anwar Al-Aulaqi, imam américano-yéménite devenu une figure du groupe avant sa mort, en 2011. Al-Aulaqi avait d’ailleurs été cité par Chérif Kouachi dans les heures qui ont suivi l’attaque de Charlie Hebdo.

Pour l’antiterrorisme français, ces nouvelles menaces publiques d’AQPA ne constituent pas non plus vraiment une surprise. L’organisation terroriste n’a jamais quitté leurs radars. Elle s’inscrit plutôt dans la surveillance globale de la menace terroriste visant le territoire, au même niveau que celle, persistante, venant de l’organisation Etat islamique ou d’autres structures. Une menace jugée plus faible qu’en 2015 ou 2016, mais qui continue de mobiliser une part importante de l’appareil sécuritaire hexagonal.

Les mises en garde adressées par AQPA à Charlie Hebdo et plus largement à la France vont donc être prises en compte. La principale inquiétude vient toutefois moins d’une menace dite « projetée » – venant de l’étranger – que du fait que la publicité accordée à la propagande de l’organisation djihadiste puisse inspirer des passages à l’acte, notamment d’individus isolés ou fragiles psychologiquement, tels que ceux ayant commis les trois dernières attaques avec revendication religieuse en France depuis le début de l’année 2020 : trois attaques, pour l’heure non revendiquées.

Cette menace « endogène » demeure la plus compliquée à cerner et à prévenir pour les services enquêteurs. Aujourd’hui, si le risque de formation d’une cellule terroriste structurée sur le territoire français est considéré comme faible, les risques provenant du basculement très rapide de personnes ayant des antécédents psychiatriques continuent d’inquiéter. Selon nos informations, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) travaille d’ailleurs toujours à améliorer la détection de ce type de profil.

La menace « projetée », telle celle des frères Kouachi contre Charlie Hebdo en 2015, dont l’un d’eux était venu prendre ses ordres au Yémen quelques années plus tôt, avant de rentrer en France, est, elle, considérée comme peu probable. Le transport aérien est beaucoup plus surveillé qu’en 2015, même chose pour les voies maritimes.

Concernant les risques venant de la zone irako-syrienne, malgré les raidissements du président turc, Recep Tayyip Erdogan, le « verrou » turc semble encore être efficace, aux dires des spécialistes. Demeurent deux points de vigilance aujourd’hui : le Maghreb et la Libye. Deux régions considérées comme de possibles bases arrière ou une nouvelle zone « rebond » pour les candidats au djihad de tous ordres, en particulier francophones.

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