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Jours tranquilles à Paris
23 septembre 2020

«Lux Æterna», la manipulation des gênes

Par Sandra Onana 

Sur un plateau infernal, Gaspar Noé met en scène Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg se racontant des anecdotes gaguesques au milieu du chaos.

Comme toujours avec Gaspar Noé, il faut aimer les trains fantômes, ou les safaris en enfer. Il y a du beau linge, rien d’étonnant : né sous des auspices particulièrement glam, Lux Æterna résulte d’une carte blanche de la maison Yves Saint Laurent. Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg dans leurs propres rôles, c’est-à-dire moins humaines que femmes-fantasmes et divinités dark, se racontent des anecdotes de gêne survenues au cours d’anciens tournages. La première réalise son tout premier film, et a demandé à la seconde d’y jouer une sorcière qui brûle au bûcher. Ce soir s’ouvrent les répétitions plateau, dans ce qui s’apparente à l’antre de Dracula. A la place du champ- contrechamp, un split-screen fracture le cadre : coup de ciseau dans cette fausse chair documentaire et début de la machinerie schizophrène.

La suite est une circulation déboussolée dans le chaos du tournage, façon catabase, où les points de vue des caméras s’emmêlent comme des guêpes furax. En coulisse, les ego des producteurs et de la cinéaste se tirent la bourre, les mannequins malmenés sont sur des charbons ardents, ces rats de journalistes (hum) se tiennent en embuscade, l’actrice vedette est harcelée par le staff. Noé est visiblement ravi d’enfoncer ses griffes dans le biotope professionnel qu’il connaît le mieux. En application de l’implacable loi de Murphy, tout ce qui est susceptible de dégénérer dégénérera, de préférence à grands fracas stroboscopiques.

L’idée d’un sabbat de stars à cran s’offre moins comme une satire réelle de l’industrie et de son sexisme ambiant que comme un autel à la démesure baroque du cinéaste, doublé d’un banquet de citations cinéphiles, de Buñuel à Dreyer. Nos mirettes crient grâce, le chaudron déborde, et Noé refuse de baisser le feu. Epris qu’il est de l’image qui sue et va au clash, le cinéaste nous veut l’écume aux lèvres, au bord de la rupture d’anévrisme, option épilepsie : une forme de rictus autosatisfait plane sur l’entreprise.

Il y a de quoi être reconnaissant envers le format moyen métrage de cinquante minutes, amplement suffisant à ce que le film (tourné en impro sans la moindre ligne de scénario, aux petites heures du matin) aille jusqu’au bout de son gag écarlate et vitriolé. On en réchappe à la fois lessivé et guère plus convaincu que ce cinéma de sensations fortes doive nécessairement envisager son spectateur en cobaye.

Lux æterna de Gaspar Noé avec Béatrice Dalle, Charlotte Gainsbourg, Abbey Lee… 

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