Vu d’Autriche
Tourisme : Deauville entame sa reconversion
DER STANDARD (VIENNE)
À l’approche de la haute saison, la cité normande, qui accueille habituellement des touristes du monde entier, entend se réinventer pour attirer les familles françaises, explique le quotidien autrichien Der Standard.
Le capital de Deauville, c’est le sable. À marée basse, la plage de la petite cité normande s’étend à perte de vue, au point que de la promenade on n’entend même pas le bruit du ressac. Mais aujourd’hui, ce paradis des baigneurs et des flâneurs est fermé.
“Dommage”, soupire Julie, une jeune femme qui vit près d’ici. “Avec ce temps estival, on irait bien courir pieds nus sur le sable chaud. Comme avant.” Seulement voilà, rien n’est plus comme avant. Même sur la promenade en bois qui longe la longue langue de sable, la flânerie est réglementée.
Un seul sens de circulation
Les panneaux rouge et blanc signalant d’ordinaire les sens uniques pour les voitures s’appliquent ici aux piétons : on ne peut se promener le long de la plage que dans le sens est-ouest. Pour le retour, il faudra passer par le parking. D’ailleurs, selon les consignes municipales en vigueur, seule la “promenade dynamique”, et donc sportive, est autorisée.
C’est l’Ascension, et les visiteurs vont leur train de sénateur mais, comme ils sont moins nombreux, le respect des distances de sécurité n’est pas vraiment un problème. Pendant un week-end à rallonge comme celui-ci, les fameuses “Planches” de Deauville devraient être bondées, comme les cabines de plage qui portent les noms de vedettes hollywoodiennes.
Un festival sans visiteurs étrangers ?
Au début de l’automne, pendant le Festival du film américain, les stars de ciné s’y pressent. En 2019, Kristen Stewart, Pierce Brosnan ou encore Johnny Depp avaient fait le déplacement. La prochaine édition du festival, en septembre, reste programmée. “Mais ça m’étonnerait que beaucoup d’Américains nous honorent de leur présence”, soupire Philippe Augier, le maire de la station normande.
Des visiteurs du Japon, d’Amérique du Sud et du Moyen-Orient ont déjà annulé leur réservation. C’est un désastre.”
En arpentant la ville silencieuse et déserte ces dernières semaines, l’édile, à la tête de la mairie depuis près de vingt ans, avait l’impression, selon ses propres termes, d’être dans un mauvais film de science-fiction.
Premiers signes de vie
Aujourd’hui, les premiers signes de vie réapparaissent. Les magasins viennent de rouvrir leurs portes, les petits hôtels reçoivent leurs premiers clients – sous réserve qu’ils respectent des consignes d’hygiène draconiennes. “En ce moment, on accueille des transporteurs allemands venus ramener un cheval de course”, confie Annie Budinsky, de l’hôtel deux étoiles La Côte fleurie.
L’hippodrome, évidemment désert, se trouve juste derrière l’établissement. Des courses y sont toujours organisées de temps à autre, mais elles sont interdites au public et réservées aux paris nationaux. Les restaurants devraient rouvrir prochainement à leur tour.
Certains restaurateurs comme Yann France, qui tient une élégante adresse, La Flambée, livrent des plats traiteurs aux locations de vacances, “pour garder au moins l’impression de travailler”, comme il dit. “Ça redonne un peu le moral.” Les livraisons à domicile ne représentent toutefois que 5 % de son chiffre, poursuit Yann, qui dirige également l’antenne locale de l’Union des métiers de l’industrie hôtelière (UMIH).
Trente pour cent des établissements ne pourront pas rouvrir, estime-t-il. Ils ont mis la clé sous la porte pendant ces deux mois. C’est une catastrophe pour le secteur.”
Philippe Augier, le maire, tente de motiver ses 3 600 habitants, qui vivent à 85 % du tourisme grâce à 2 500 lits d’hôtel. Deauville doit se reconvertir : les événements comme les congrès, les festivals ou les fameuses ventes de yearlings [des chevaux de pur sang] de Deauville ne seront pas possibles avant un certain temps.
Miser sur les familles
La station huppée entend donc se rabattre sur les vacances “famille et baignade”. “On veut miser sur le bien-être des clients. Et sur la sécurité en toutes circonstances.” Philippe Augier prévoit donc, en concertation avec toutes les parties concernées, de réorganiser la vie balnéaire.
Deauville doit s’inspirer des lieux emblématiques du Sud comme Cannes ou La Grande-Motte, où les plages sont divisées en tronçons. Ceux qui veulent prendre un bain de soleil devront désormais réserver une tranche horaire et une place sécurisée sur le site Web de l’office du tourisme. Un couple aura droit à 9 mètres carrés, quatre personnes à 16.
D’autres tronçons sont réservés aux familles avec enfants pour qu’ils puissent se promener ou faire du sport (surf, pêche, paddle). Tous les accès sont à sens unique : ceux qui arrivent rejoignent leur carré de sable par un itinéraire fléché, ceux qui partent en empruntent un autre.
Quid de la liberté ?
Quid de la sensation de liberté sur une plage ? Philippe Augier rappelle que ce type de réglementation existe depuis belle lurette, et pas seulement sur les plages privées. Mais pas encore à Deauville, où les immenses plages de sable n’avaient jamais l’air bondé, même au plus fort de la saison.
Aujourd’hui, de nouvelles habitudes entrent en vigueur. Et peut-être bientôt dans toutes les stations balnéaires des quelque 5 000 kilomètres de côtes que compte l’Hexagone, sur la Méditerranée, l’Atlantique et la Manche.
Stefan Brändle
Source
Der Standard
VIENNE http://derStandard.at