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Jours tranquilles à Paris
20 décembre 2019

Pourquoi le Brexit ne sauvera pas la langue française à Bruxelles

Par Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen

Le français demeure au sein des instances européennes l’une des trois langues de travail, avec l’allemand et l’anglais, mais il a perdu de son influence depuis les années 1990 ; le départ des Britanniques ne devrait rien y changer.

LETTRE DE BRUXELLES

En théorie, autour de la table du Conseil européen, le français et l’anglais arrivent ex aequo : parmi les vingt-huit chefs d’Etat et de gouvernement qui s’y retrouvent, trois parlent la langue de Molière – le président français, le premier ministre belge et son homologue luxembourgeois – et autant celle de Shakespeare – l’hôte du 10 Downing Street, le premier ministre maltais et le taoiseach irlandais.

Au sommet des 12 et 13 décembre, on a compté un anglophone de moins. Boris Johnson, qui attendait les résultats des élections dans son pays, n’avait pas fait le déplacement. Et si tout se passe comme prévu – d’ici au 31 janvier 2020, le Royaume-Uni devrait avoir quitté l’Union européenne (UE) –, le premier ministre britannique ne fera plus partie de ce cénacle.

Le français y sera donc la plus représentée des vingt-quatre langues officielles. D’autant que le nouveau président du Conseil, le Belge Charles Michel, est francophone, contrairement à son prédécesseur, le Polonais Donald Tusk.

De là à imaginer que le Brexit va consacrer le retour au premier plan du français au sein des institutions européennes… « C’est un running gag », s’amusait Pierre Moscovici, fin novembre, juste avant de quitter la Commission.

4 % de documents rédigés en français

Les traités prévoient que les textes qui arrivent à la table du Conseil soient traduits dans toutes les langues qui y sont parlées, ainsi que l’ensemble des directives. Mais, pour le reste, s’il y a en théorie trois langues de travail – le français, l’allemand et l’anglais –, c’est bien cette dernière qui s’est imposée.

A la Commission, plus de 85 % des documents de travail sont au départ rédigés en anglais. Et moins de 4 % le sont en français, contre 40 % en 1997. Au Parlement européen, où 23,77 % des écrits étaient encore initialement dans la langue de Molière en 2014, la chute est moins spectaculaire, mais tout aussi imparable. « Il y a vingt-cinq ans, au Conseil, le français était la langue dominante », témoigne par ailleurs le Britannique Guy Milton, chef des relations médias au Conseil.

Remontons un peu dans le temps. « Les pères fondateurs de l’Europe étaient tous germanophones. Ils ont négocié en allemand, mais, pour des raisons politiques, il était impensable que cette langue prenne le dessus », explique Stefanie Buzmaniuk, qui s’apprête à publier une note sur le multilinguisme au sein des institutions pour la Fondation Robert Schuman.

Le français, qui était alors la langue diplomatique, s’est naturellement imposé. Après tout, sur les six pays signataires du traité de Rome, trois étaient francophones, et ce sont eux qui ont accueilli les institutions européennes, à Luxembourg, Bruxelles et Strasbourg. Enfin, l’administration européenne avait été pensée et calquée sur le modèle hexagonal.

Modèle anglo-saxon

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le français est resté pendant près de quarante ans la seule langue parlée dans la salle de presse de la Commission, où, tous les jours à midi, son porte-parole vient répondre aux questions des médias.

Même les journalistes britanniques – arrivés en masse à Bruxelles après l’adhésion de Londres à l’Union en 1973 – étaient priés de s’exprimer en français ! Ce qui, se souvient l’Italien Lorenzo Consoli, aujourd’hui président de l’Association de la presse internationale, « faisait beaucoup râler Boris Johnson », le correspondant à Bruxelles du Daily Telegraph entre 1989 et 1994.

Le Luxembourgeois Jacques Santer a mis fin à cette pratique dès son arrivée à la tête de la Commission, en 1995, alors que l’Autriche, la Suède et la Finlande avaient rejoint le club européen. Depuis, l’anglais a pris sa revanche dans la salle de presse, même si le français y reste l’une des deux langues officielles. Mais quand Mina Andreeva, alors porte-parole de la Commission, a présenté ses condoléances à la France, après le décès de Jacques Chirac, le 26 septembre, elle l’a fait en anglais…

La réforme administrative, dont le président de la Commission Romano Prodi a chargé le Britannique Neil Kinnock en 1999, a sans conteste donné un sérieux coup de boutoir au français. « [Elle] a enlevé son âme à la Commission, désormais organisée sur le modèle anglo-saxon », explique M. Consoli. L’élargissement à dix pays (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Chypre, Malte) en 2003 a consacré la suprématie anglophone.

Dégradation de l’anglais parlé

Certes, le français a de beaux restes. Notamment dans les fonctions hiérarchiques les plus élevées de l’administration européenne, où il reste répandu. « Avec le changement de générations, cela va disparaître », prédit Jaume Duch, le porte-parole du Parlement. Un fin connaisseur de la galaxie bruxelloise évoque aussi « des îlots bureaucratiques », comme tout ce qui touche à l’agriculture, où la France a pris soin d’être influente.

Mais cela ne saurait suffire. « Si le commissaire n’est pas francophone, l’administration ne va pas lui fournir des notes en français ! », s’exclame un haut fonctionnaire français. Or, chaque Etat membre a son commissaire… et la majorité d’entre eux sont plus à l’aise en anglais qu’en français. A commencer par l’Allemande Ursula von der Leyen, qui a pris la tête de l’exécutif européen le 1er décembre.

Certains s’émeuvent de cette perte d’influence du français. Fin septembre, « un groupe de fonctionnaires européens » a publié dans la presse hexagonale une lettre ouverte à cette fidèle d’Angela Merkel, revendiquant le « droit de travailler en français ». Ils y évoquent aussi la « dégradation de l’anglais utilisé », le nombre d’anglophones de naissance étant faible au sein des institutions. Une situation que le Brexit ne va pas non plus améliorer.

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17 décembre 2019

Royaume-Uni : un Parlement plus jeune, plus populaire, et désormais en faveur du Brexit

Par Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante

Pas moins de 109 nouveaux élus tories vont prendre place aux Communes. Ils sont parvenus à enfoncer le bastion travailliste des Midlands et du nord de l’Angleterre.

La photographie a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux. Dimanche 15 décembre, cinq députés conservateurs fraîchement élus, écharpe bleu roi au cou (la couleur de leur parti), arpentent l’air décontracté un quai de gare quelque part au nord de l’Angleterre. Ils s’apprêtent à prendre le train de Londres, pour leur première rentrée parlementaire, le 17 décembre. Quatre garçons et une fille : on reconnaît Dehenna Davison, 26 ans, un bonnet à pompon enfoncé sur le crâne. A Bishop Auckland, une circonscription Labour depuis 1935, la nouvelle coqueluche des médias et de la formation tory a balayé sans ménagement la députée sortante Helen Goodman, 61 ans.

Ce simple cliché dit beaucoup du paysage britannique ayant émergé à l’issue des élections générales du 12 décembre. Emmenés par le premier ministre Boris Johnson, portés par une campagne électorale efficace, sur la promesse mille fois répétée d’un « get Brexit done ! » le 31 janvier 2020, les conservateurs ont décroché une majorité historique à la Chambre des communes : 365 sièges sur 650. Pas moins de 109 nouveaux élus tories vont prendre place dans l’enceinte vénérable (sur un total de 140 députés novices, tous partis confondus).

Les « Boris’s Babies » symbole du renouveau

Surtout, ils sont parvenus à enfoncer le « mur rouge », bastion travailliste des Midlands et du nord de l’Angleterre. Grâce notamment à ces cinq élus, et à une grosse vingtaine d’autres, issus des mêmes régions. Jeunes, modernes, et d’extraction souvent modeste, ces « Boris’s Babies », comme les qualifie déjà la presse conservatrice, seraient le symbole et le ferment du renouveau à l’œuvre au sein de la droite britannique : à 100 % pour le Brexit, et davantage tournés vers les classes populaires.

Ils ont grandi dans la circonscription qui les a élus, sont passés par une école publique et une université régionale. On est très loin du député conservateur-type : un mâle blanc, étudiant dans un collège huppé (du type Eton ou Harrow), ayant parfait sa formation politique à Oxford. Boris Johnson par exemple, David Cameron ou Jacob Rees-Mogg, ce dernier (actuel secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement), collant au stéréotype jusqu’à la caricature.

Stuart Anderson, lui, a quitté l’école à 16 ans pour l’armée. Grièvement blessé au pied, il s’est reconverti dans la sécurité, ne s’est engagé au sein des tories qu’en 2016. Il a été élu le 12 décembre à Wolverhampton South West, dans l’ex-poumon minier des Midlands. Dehenna Davison est née à Sheffield ; sa mère est infirmière, son père était tailleur de pierre, il a été tué dans un pub quand elle était adolescente. Elle a travaillé dans une société de jeux vidéo, mais a quand même été attachée parlementaire auprès de M. Rees Mogg pendant un an.

Des élus aux parcours différents

A 24 ans, Sara Britcliffe, la benjamine du groupe parlementaire, a remporté de justesse le siège de Hyndburn, au nord de Manchester. Jonathan Gullis, 29 ans, était jusqu’à présent professeur de collège à Stoke-on-Trent North, il a même été représentant syndical.

Jacob Young, un ingénieur chimiste de 26 ans, est devenu le premier élu conservateur de l’histoire de la circonscription de Redcar. Il y est né, y a étudié et a eu droit à un hommage indirect du premier ministre, le 13 décembre, Boris Johnson se félicitant de la transformation de « Redcar en Bluecar ». « Les stéréotypes sur les conservateurs ont vécu, a déclaré le jeune homme au Sunday Times. Les élus viennent de toutes les parties du pays, et avec plein de parcours différents. »

Jacob Young est ouvertement homosexuel, tout comme Elliot Colburn, 27 ans, qui a délogé les libéraux démocrates de la circonscription de Carshalton et Wallington, au sud de Londres. A l’annonce du résultat, il a embrassé à pleine bouche son partenaire. « Je voulais montrer que nous n’avions pas peur », a déclaré M. Colburn, cible d’attaques homophobes pendant la campagne. « Cela aide les gens à réaliser que nous sommes comme n’importe quel autre couple », a ajouté le jeune homme. En tout, vingt-quatre élus tories se revendiquent gays ou bisexuels (et dix-huit dans le groupe travailliste). « Westminster est le Parlement le plus gay au monde », s’est félicité le Sunday Times.

S’il reste majoritairement masculin, le parti conservateur a aussi amélioré la représentation des femmes au sein de son groupe parlementaire, avec 87 élues pour 277 députés hommes, mais il reste loin du Labour en la matière, où les députées ont pris numériquement l’avantage (104 femmes sur 203 élus au total).

Les Communes seront aussi plus diversifiées que jamais sur le plan ethnique, avec 10 % d’élus noirs ou issus du sous-continent indien. Ils sont vingt-deux chez les tories, et quarante et un chez les travaillistes.

Possible coup de barre au centre

Mais ces nouveaux élus, côté conservateurs sont tous d’ardents brexiters et se sont engagés à voter en faveur du Withdrawal Agreement Bill, l’acte législatif inscrivant dans le droit britannique l’accord de divorce avec l’Union européenne (UE).

A en croire le Telegraph, Boris Johnson entend le leur soumettre dès vendredi 20 décembre, et dans une version durcie, supprimant la possibilité d’allonger d’un an, au-delà du 31 décembre 2020, la période de transition post-Brexit.

D’où la mise en garde de Tim Bale, professeur à l’université Queen Mary de Londres, alors que pas mal d’experts phosphorent sur un possible coup de barre au centre du premier ministre, qui a jusqu’à présent surtout flatté l’aile droite et populiste du parti.

« Les nouveaux élus tories sont plus jeunes et semblent très libéraux sur le plan des mœurs. Mais attention, cela ne veut pas dire qu’ils le seront aussi sur le plan économique. Ce n’est pas parce qu’on est originaire du nord de l’Angleterre que l’on va forcement mener une politique centriste. Pour être sélectionné en tant que candidat au plan local, il fallait être très conservateur et très brexiter », assure le politologue.

Le Parlement devrait être d’autant plus polarisé, que l’essentiel des modérés, côté tory, ont perdu leur mandat. Ils ont préféré ne pas se représenter (Ken Clarke, Rory Stewart, Guto Bebb) ou ont été sèchement battus après avoir concouru en temps qu’indépendants (Dominic Grieve, David Gauke).

Matthew Goodwin, professeur de politique à l’université du Kent, estime quand même que « le groupe conservateur sera davantage conscient de la nécessité de parler aussi fortement aux classes populaires qu’aux classes moyennes. Le parti est engagé dans un processus de réalignement, et les travaillistes ont du coup du souci à se faire ».

Jeudi 19 décembre, lors du discours de la Reine ouvrant officiellement la cession parlementaire, Boris Johnson doit confirmer l’injection de 20 milliards de livres sterling (24 milliards d’euros) en plus sur cinq ans pour le système de santé national et des « milliards » pour les infrastructures du nord de l’Angleterre, où les transports en commun ont été délaissés. Un signal clair en direction des classes populaires, en rupture avec la politique d’austérité des conservateurs depuis 2010.

« Vous allez changer notre parti et aussi tout notre pays, pour le meilleur », a déclaré Boris Johnson en accueillant ses 109 nouveaux élus, lundi à Westminster. Sauront-ils lui demander des comptes sur ces promesses, une fois passée l’ivresse de la victoire ?

28 novembre 2019

Enquête - Le long chemin européen d’Ursula von der Leyen

Par Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen

L’ancienne ministre allemande de la défense, 61 ans, présidera la Commission européenne à compter du 1er décembre. L’aboutissement d’un parcours semé d’embûches.

Ursula von der Leyen, alias « VDL », sera bien la première femme à présider la Commission européenne. Mercredi 27 novembre, l’ex-ministre allemande de la défense a franchi la dernière étape d’un parcours semé d’embûches : le Parlement de Strasbourg a donné son aval à son collège, avec une large majorité – 461 voix pour, 157 contre et 89 abstentions.

Pour en arriver là, cette fidèle d’Angela Merkel a dû surmonter bien des obstacles durant cinq mois. Elle confie avoir eu des moments de découragement et d’incompréhension dans ce monde des institutions européennes dont elle a découvert les usages parfois à ses dépens. Entre un Parlement en quête de pouvoir, des Etats membres désireux de lui tenir la bride et une Commission sceptique, son apprentissage s’est fait en milieu hostile.

Pour le comprendre, il faut revenir à sa nomination, le 2 juillet. Certes, à l’époque, Berlin et Paris pensent à elle depuis quelques mois déjà, mais comme un recours éventuel, un « second choix » dans le cas où les Vingt-Huit échoueraient à s’accorder sur quelqu’un d’autre. L’Allemand Manfred Weber ou le socialiste néerlandais Frans Timmermans paraissent plus légitimes. Le Bavarois, issu de la CSU (coopérant avec la CDU, le parti de Mme Merkel), a emmené la liste Parti populaire européen (PPE) aux élections européennes, qui est arrivée première au scrutin et revendique la tête de l’exécutif communautaire.

M. Timmermans, qui a conduit les sociaux-démocrates (SD) et est par ailleurs le bras droit du président en exercice de la Commission, Jean-Claude Juncker, y prétend également. Mais le président français, Emmanuel Macron, ne veut pas entendre parler du premier, et la droite européenne barrera la route du second.

Rien d’une spécialiste de l’Europe

Le conseil du dimanche 30 juin est un désastre. Les Vingt-Huit se séparent le lendemain sur un constat de désaccord. A ce stade, le nom de Mme von der Leyen est évoqué pour la première fois autour de la table des chefs d’Etat et de gouvernement, mais pour le poste de haute-représentante de l’Union pour les affaires étrangères. Les dirigeants européens ne la connaissent pas, ou peu. Il faut dire qu’elle n’a rien d’une spécialiste de l’Europe, même si elle a vécu jusqu’à l’âge de 13 ans à Bruxelles, où son père était haut fonctionnaire européen.

Ce lundi 1er juillet, « VDL » est loin de ces tractations. Elle a dû interrompre un séminaire avec ses équipes, près de Berlin, pour filer en Basse-Saxe, où un hélicoptère militaire s’est écrasé. A son retour, dans la soirée, son amie Angela Merkel l’informe que l’on songe à elle pour la présidence de la Commision. M. Macron, lui, l’appellera le mardi matin.

En réalité, le couple franco-allemand sous-estime les difficultés à venir, en particulier la faiblesse de Mme Merkel en Allemagne et auprès des droites européennes. D’ailleurs, la chancelière doit s’abstenir, le 2 juillet, lors du vote par le Conseil en faveur de sa ministre : furieux du sort réservé à M. Timmermans, le SPD allemand, qui participe à sa coalition, refuse de soutenir cette nomination…

Le choix de Mme von der Leyen apparaît alors comme le fruit « d’une construction politique désincarnée, imaginée par Macron et Merkel », témoigne l’eurodéputé macroniste Stéphane Séjourné. Est-elle consciente d’arriver en terrain miné ? Manfred Weber a pris la tête du groupe PPE, dans un Parlement furieux de s’être fait imposer « VDL » par les Etats membres. S’agissant de Frans Timmermans, ils somment Mme von der Leyen d’en faire son vice-président exécutif, un gage donné aux sociaux-démocrates. Ils lui demandent également de prendre pour vice-présidente exécutive la libérale Margrethe Vestager qui, elle aussi, se projetait volontiers à la tête de l’exécutif européen… « Les loups sont dans la place », assure un observateur avisé.

Changer de vie

« VDL » accepte « sans hésiter » le défi. « C’était comme rentrer à la maison », confie-t-elle. Au-delà de ses souvenirs d’enfance, elle sait le moment venu, à bientôt 61 ans, de changer de vie après quinze ans auprès de Mme Merkel. Ses cinq ans au ministère de la défense l’ont épuisée, elle y a affronté crise sur crise, et en sort très impopulaire. En femme politique aguerrie, elle pressent l’ampleur de la tâche.

Dès le 3 juillet, elle se rend à Strasbourg, à la rencontre des eurodéputés, et se heurte à un accueil glacial. Ce sera le début de son chemin de croix. « La Commission von der Leyen va souffrir du péché originel, la façon dont son nom est sorti du chapeau », prévient l’eurodéputé LR Arnaud Danjean.

Revenons à ce début juillet caniculaire. Mme von der Leyen a moins de quinze jours pour convaincre 751 eurodéputés de 28 pays, représentant plus d’une centaine de partis politiques nationaux, répartis entre sept groupes, de voter pour elle le 16 juillet ! Et cela dans un Parlement plus fragmenté que jamais, où les deux grandes formations, PPE et SD, ont perdu la majorité pour la première fois depuis 1979 et où plus de 60 % des élus sont nouveaux…

Flanquée de ses deux fidèles acolytes – Jens Flosdorff, pour la communication, et Bjoern Seibert, pour diriger son cabinet –, qui ne sont pas plus experts qu’elle en matière communautaire, Mme von der Leyen débarque à Bruxelles. Martin Selmayr, le secrétaire général de la Commission, a mis à sa disposition des bureaux du bâtiment Charlemagne ainsi que quatre de ses collaborateurs.

« Procès en illégitimité »

Il faut s’arrêter sur la personnalité de cet Allemand de 48 ans pour mesurer dans quelles conditions « VDL » se lance. Bombardé à ce poste par M. Juncker, celui que l’on surnomme le « Monstre » s’est octroyé des pouvoirs inédits, sources de bien des fantasmes, et sait son avenir incertain. Dans ce contexte, certains prétendent qu’il a procuré à « VDL » une équipe de bras cassés pour la faire tomber. D’autres affirment, comme ce diplomate, que le haut fonctionnaire « veut se rendre indispensable ». Ambiance… Quant à M. Juncker, que Mme von der Leyen voit régulièrement, il ne se montre pas vraiment coopératif. « Ces rencontres étaient flottantes », décrit-elle.

« VDL » comprend vite qu’elle va dans le mur. Elle a beau multiplier les contacts au Parlement, rien n’y fait : le compte n’y est pas. Certes, les Etats se sont accordés sur son nom, mais, à Strasbourg, les élus ne suivent pas. « Elle a subi un procès en illégitimité, sans exclure une certaine misogynie », commente un diplomate. « Juncker déployait son aura, son empathie, son téléphone. Von der Leyen est plus sur un modèle chef d’entreprise. Tu fais ci, tu fais ça. Elle est plus méthodique, plus systémique, plus calviniste », juge l’un de ses commissaires.

A quelques jours de l’audition, « on n’y croyait plus, on était épuisés », raconte-t-elle. Les capitales s’affolent. Paris mobilise En marche et les autres libéraux du Parlement, Berlin fait pression sur le PPE, Madrid sur les SD. A la Commission, au Conseil et au Parlement, certains préconisent un report du vote. « VDL » refuse. Son programme est « rosi » et « verdi ». Quant à M. Selmayr, détesté à Strasbourg, il est remercié.

« Une majorité est une majorité »

Le 16 juillet, elle se lance dans l’hémicycle, phrasé précis, sourire aux lèvres. Aux sociaux-démocrates, elle promet un système européen de réassurance chômage. Aux travaillistes britanniques, elle assure ne pas exclure un report du Brexit. Aux Verts, elle vend son « green deal ». Aux pays de l’Est, elle annonce des aides généreuses. Aux parlementaires, elle offre le « droit d’initiative », dont ils sont privés. Aux jeunes, elle fait miroiter moins de chômage et rappelle qu’elle a sept enfants… Il y en a pour tout le monde, sauf pour le PPE qui trouve qu’elle gâte trop sa gauche.

Cela suffit tout juste à obtenir une courte majorité de neuf voix, grâce aux ultraconservateurs du parti Droit et justice (PiS) polonais et aux populistes italiens du Mouvement 5 étoiles. Au PPE, une quarantaine de voix lui ont manqué, notamment à la CDU. Chez les SD, un tiers des élus lui ont refusé leur soutien, dont ceux du SPD. « Une majorité est une majorité », se félicite-t-elle malgré tout. Le soir, lors d’un dîner avec son équipe, elle s’autorise pour une fois un verre de vin.

Mme von der Leyen a frôlé la catastrophe, elle le sait. Et rien n’est gagné puisqu’il lui faudra encore solliciter le soutien des eurodéputés, lorsqu’elle aura composé son collège. Pour l’heure, elle doit câliner les Etats, qui n’ont pas toujours apprécié ses promesses au Parlement. Et négocier avec eux les nominations des commissaires, un par pays. Le 17 juillet, elle fait une pause à Berlin, pour fêter les 65 ans de Mme Merkel. Avant d’enchaîner sur Paris, Varsovie, Zagreb, Madrid, Rome, La Haye, et Helsinki. « 99 % des Etats membres voulaient un portefeuille économique important », se souvient-elle.

Un coup à gauche, un coup à droite

En cette fin d’été, elle travaille seule avec ses deux lieutenants, au risque de susciter des accusations de « bunkérisation ». Celles-ci redoubleront quand elle confirmera, courant septembre, avoir engagé des travaux pour se faire aménager un studio de 25 mètres carrés contigu à son futur bureau, au 13e étage du Berlaymont, le bâtiment de la Commission, la bulle dans la bulle.

Qu’importent les critiques. Pour l’instant, il s’agit de choisir vingt-six commissaires. Même les nominations aux plus hauts postes dans l’administration de la Commission sont mises entre parenthèses, empêchant le « mercato » bruxellois traditionnel dans cette période de transition et créant des frustrations chez les hauts fonctionnaires…

Le 10 septembre, Mme von der Leyen présente son collège, respectueux des équilibres politiques, géographiques et de genre. On y trouve tout de même « quelques scories », relate un diplomate. Comme le choix de confier à un Hongrois l’élargissement. Ou l’intitulé polémique – « protection de notre mode de vie européen » – du portefeuille qui couvre les questions migratoires. Aux Etats membres, elle réserve une surprise : la nomination d’un troisième vice-président exécutif, le conservateur letton Valdis Dombrovskis. Une manière donc de prendre de la hauteur par rapport aux capitales et… de contenter le PPE. Un coup à gauche, un coup à droite : ainsi avance « VDL ».

Dernières concessions

Mais la politique européenne ne tient pas que de l’arithmétique et elle l’expérimente à ses dépens le 10 octobre. Ce jour-là, le Parlement, qui n’a pas digéré les conditions de sa nomination et que M. Macron a irrité dans cette séquence, rejette la candidature de Sylvie Goulard, pressentie pour être la commissaire française au marché intérieur, mais citée dans l’affaire des emplois fictifs du MoDem. Pour M. Macron, c’est un camouflet. « Je ne comprends pas », lance-t-il, renvoyant la responsabilité de ce revers à Mme  von der Leyen. « Macron a hésité à créer une crise institutionnelle. Finalement, il ne l’a pas fait et a proposé rapidement le nom de Thierry Breton », témoigne un proche de l’Elysée.

Mais l’édifice construit par Mme von der Leyen est d’autant plus fissuré que le Parlement lui a également refusé les nominations du conservateur hongrois et de la socialiste roumaine. « Chacun a joué avec son couteau dans une pièce sombre. Et quand on a rallumé la lumière, il y avait du sang partout sur les murs », résume-t-on du côté de l’Elysée.

« VDL » doit retarder son entrée en fonctions d’un mois, au 1er décembre – le temps que Paris, Bucarest et Budapest lui soumettent d’autres commissaires –, et renouer le lien avec le Parlement, appelé à voter sur son collège au complet le 27 novembre. C’est l’heure des dernières concessions. Les sociaux-démocrates obtiennent le changement de l’intitulé du portefeuille du Grec Margaritis Schinas, désormais chargé de « promouvoir » et non plus de « protéger » le mode de vie européen. Le PPE gagne un commissaire de plus, profitant d’un changement de majorité politique en Roumanie. Cette fois, « VDL » est parvenue à ses fins.

27 novembre 2019

Union européenne: Le Parlement approuve la nouvelle Commission présidée par Ursula Von der Leyen

Le Parlement européen approuve à une large majorité la nouvelle Commission européenne présidée par l'Allemande Ursula Von der Leyen.

Celle-ci a obtenu la confiance des députés européens par 461 voix contre 157 et 89 abstentions.

La nouvelle Commission prendra officiellement ses fonctions le 1er décembre.

26 novembre 2019

La une du Parisien

le parisien

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16 novembre 2019

Commission européenne : Thierry Breton passe le cap des auditions

Par Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen, Jean-Pierre Stroobants, Bruxelles, bureau européen

Après l’échec de Sylvie Goulard, la confirmation du nouveau candidat français au marché intérieur est un soulagement pour l’Elysée.

Il y a quelque chose qui relève de l’horlogerie suisse dans la mécanique du Parlement européen. Au moindre grain de poussière, elle peut s’emballer, ainsi qu’on a pu le constater, une nouvelle fois, jeudi 14 novembre, à l’occasion des auditions des trois commissaires qui doivent encore rejoindre l’équipe d’Ursula von der Leyen.

Finalement, la journée s’est plutôt bien terminée pour la future présidente du collège européen : les eurodéputés ont donné leur aval à la nomination du Français Thierry Breton pour le poste de commissaire au marché intérieur et à celle de la Roumaine Adina-Ioana Valean pour le portefeuille des transports. Ils vont, en revanche, poser de nouvelles questions (écrites) au Hongrois Oliver Varhelyi, actuel ambassadeur de Budapest auprès de l’Union européenne, pressenti pour s’occuper de l’élargissement.

Entrée en fonction espérée le 1er décembre

Deux sur trois, donc. Mme von der Leyen, qui espère entrer en fonction le 1er décembre, n’était pas certaine de si bien s’en tirer, après que les eurodéputés avaient rejeté trois de ses commissaires, à la fin septembre. Le cas de M. Breton notamment était loin d’être réglé, jeudi matin. Mardi, la commission des affaires juridiques du Parlement, chargée de se prononcer sur les conflits d’intérêt, n’avait accepté que de justesse, la candidature de l’ancien patron d’Atos.

Les sociaux-démocrates (S&D), les Verts et la gauche radicale (GUE) avaient jugé qu’il leur fallait plus d’informations avant de conclure. Les libéraux démocrates de Renew – dont la délégation française Renaissance, issue de la majorité présidentielle, est la plus importante composante – tout comme les conservateurs du PPE souhaitaient, en revanche, s’en tenir là. Et ils espéraient que le deuxième candidat d’Emmanuel Macron, après le rejet brutal de Sylvie Goulard, le 10 octobre, serait confirmé au plus vite.

« Avec Breton, on a gagné un demi-commissaire PPE », se réjouit un proche des conservateurs, qui rappelle que le Français a été le ministre de l’économie de Jacques Chirac (2005-2007). Par ailleurs, Renew – du moins sa délégation française –, avait pris garde de soigner le PPE, en lui faisant savoir que le groupe libéral avaliserait la nomination de la Roumaine et du Hongrois, tous deux issus des rangs conservateurs.

Jeudi, donc, pour Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen, toute la question était de savoir ce que feraient les S&D. Sans leur soutien, Thierry Breton n’avait aucune chance de passer l’épreuve parlementaire. D’autant que, suite au remaniement auquel la présidente de la Commission a dû procéder, les socialistes ont perdu un commissaire : Bucarest a changé entre-temps de gouvernement et de couleur politique.

Concessions aux S&D

Dans ce contexte, la présidente de la future Commission a fait, mercredi, quelques concessions aux S&D. Elle a notamment accédé à leur demande de rebaptiser le portefeuille du commissaire grec Margaritis Schinas, qui inclut notamment les questions migratoires : on parlera désormais de la « promotion » et non plus de la « protection » de notre mode de vie européen.

Jeudi, M. Breton a aussi su convaincre la gauche sociale-démocrate. « Je n’ai plus aucun intérêt dans les entreprises que j’ai dirigées. Zéro. Zéro ! », a insisté le Français, qui, ces derniers jours, a vendu ses actions – pour un montant de quelque 46 millions d’euros, selon des documents de l’Autorité des marchés financiers. Il a aussi démissionné de ses mandats d’administrateur.

Problème : entre-temps, Renew avait décidé de ne pas entériner la nomination du commissaire PPE hongrois, et demandé, comme les socialistes, à le soumettre à de nouvelles questions… Pour cette partie de l’assemblée, il était difficile de ne pas marquer sa défiance à l’égard d’Oliver Varhelyi, un ambassadeur de la Hongrie auprès de l’Union européenne, un homme qui a toujours défendu à Bruxelles les positions de Viktor Orban, chantre de la « démocratie illibérale ».

Il s’en est suivi une sérieuse explication entre Dacian Ciolos, le président du groupe Renew, et Stéphane Séjourné, à la tête de la délégation française… Du côté des conservateurs, l’exaspération était de mise mais elle ne les a pas amenés à exercer de représailles contre M. Breton. La réussite de celui-ci est un soulagement pour l’Elysée, qui redoutait un nouveau camouflet, et a salué une « très bonne nouvelle ».

Procédure contre le Royaume-Uni

Mme von der Leyen a, elle, réglé un autre problème jeudi. Alors que le Royaume-Uni est toujours un Etat membre de l’UE, le Brexit ayant été reporté au 31 janvier, son collège doit, en principe, accueillir un commissaire britannique. Londres se refuse à désigner un candidat, arguant qu’en période électorale « le Royaume-Uni ne devrait normalement pas procéder à des nominations pour des postes internationaux ».

La Commission devait trouver une solution juridique lui permettant d’avoir un collège à vingt-sept, sans représentant britannique. Et se préserver ainsi d’un éventuel recours contre l’une de ses décisions, au prétexte que sa composition ne serait pas conforme aux traités. Ceux-ci stipulent que chaque Etat membre doit avoir un commissaire. Craignant un précédent, de petits pays comme l’Irlande se refusaient d’ailleurs à avaliser un exécutif européen au sein duquel chaque Etat ne posséderait pas son représentant. La Commission Juncker a donc lancé jeudi une procédure d’infraction contre le Royaume-Uni.

Mme von der Leyen, censée, au départ, entrer en fonction le 1er novembre, peut respirer : il ne lui reste plus, à cette heure, qu’à attendre une approbation du Parlement pour le commissaire hongrois. Sauf nouveau rebondissement, elle devrait donc pouvoir soumettre son collège au vote de l’assemblée de Strasbourg, le 27 novembre.

Entre-temps, les équilibres de sa Commission ont été légèrement modifiés. Elle est plus à droite qu’elle ne l’était, et le PPE a désormais un commissaire de plus que les S&D. Elle est aussi moins paritaire, avec quinze hommes et douze femmes, même si, comme le répètent les proches de Mme von der Leyen, « jamais une Commission n’a été aussi paritaire ».

1 novembre 2019

Brexit

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30 octobre 2019

Brexit : les élections du 12 décembre, un pari risqué pour Boris Johnson

Par Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante

Le premier ministre a finalement arraché, mardi, l’organisation du scrutin qu’il défendait depuis plusieurs semaines. Sans garantie d’obtenir la majorité nécessaire pour mener à bien le divorce avec l’UE.

La quatrième tentative fut la bonne. Mardi 29 octobre, après trois votes ratés ces dernières semaines (dont un la veille), Boris Johnson a finalement réussi à décrocher la tenue d’élections générales anticipées. Elles devraient avoir lieu le 12 décembre, comme il le souhaitait. Si les Lords vont dans le même sens que les députés, ce qui est probable – ils doivent examiner la proposition gouvernementale mercredi 30 octobre –, les Britanniques seront donc appelés aux urnes pour la troisième fois en trois ans (après le référendum de 2016, et les élections générales de 2017).

Le premier ministre tenait à cette date du 12 décembre : elle tombe un jeudi, traditionnel jour de scrutin au Royaume-Uni. Il s’agissait surtout d’une des seules disponibles pour une élection avant Noël, étant donné que le Parlement britannique doit être dissous au plus tard vingt-cinq jours avant la tenue du vote, que Westminster a besoin d’encore quelques jours pour expédier les affaires courantes, et qu’au-delà de mi-décembre, les lieux publics (écoles, etc.) disponibles pour aller voter sont mobilisés par les fêtes de fin d’année.

Sortir de l’ornière

Cela fait près d’un siècle que les Britanniques n’ont pas voté à cette saison : le précédent remonte aux élections générales de 1923, organisées un 6 décembre. D’habitude, les scrutins ont lieu à la fin du printemps : les commentateurs politiques ont répété ces jours derniers à quel point l’hiver britannique (l’humidité et le manque de soleil) risquait de peser sur le taux de participation. Que le 12 décembre coïncide avec le premier jour d’un Conseil européen à Bruxelles, ayant probablement du Brexit au programme, n’a en revanche suscité aucun commentaire, ni à Westminster, ni dans les médias du pays tout entiers tournés vers cet enjeu de politique intérieure.

Boris Johnson, lui, risquait la paralysie totale : sans majorité parlementaire, et avec un accord de divorce fraîchement renégocié mais suscitant de plus en plus de résistances chez les députés. Ces élections, dont son conseiller spécial Dominic Cummings se faisait l’avocat depuis des semaines, lui permettent de sortir de l’ornière. Vont-elles pour autant l’aider à regagner cette majorité absolue que les conservateurs ont perdue lors du scrutin de 2017 ? Surtout : vont-elles aider le pays tout entier à sortir de l’impasse du Brexit ?

S’il gagne son pari, l’actuel locataire du 10 Downing Street pourra retenter une ratification de son accord de divorce au Parlement britannique. Peut-être même avant le 31 janvier 2020, la nouvelle « deadline » du Brexit formellement acceptée par les Européens mardi.

Si c’est Jeremy Corbyn, le leader des travaillistes (deuxième force du pays), qui l’emporte, ce dernier a promis d’aller renégocier à Bruxelles le traité, puis de le soumettre à un deuxième référendum. Les libéraux-démocrates proposent, eux, d’annuler purement et simplement le divorce avec l’Union européenne, mais ils n’ont quasiment aucune chance de l’emporter dans un scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Un pays profondément divisé et lassé du Brexit

Déjà en campagne, Boris Johnson a proposé, mardi soir, à dix élus conservateurs modérés exclus du parti début septembre de revenir dans le giron tory, après avoir, pendant deux mois, choisi de diriger en flattant l’aile droitière et « brexiter » dure de la formation. Le Labour, lui, inondait les réseaux sociaux de clips de campagne : « Le changement arrive ».

Mais rien n’est joué d’avance, dans un pays profondément divisé et lassé du Brexit. Pour l’instant, selon le Financial Times, qui a compilé de récents sondages, les conservateurs sont crédités de 36 % des voix, contre 25 % aux travaillistes. Mais « les Britanniques sont de plus en plus enclins à changer de parti, la volatilité de l’électorat est désormais considérable », prévient Simon Usherwood, politologue à l’université du Surrey.

Charismatique, positif, dynamique : Boris Johnson est un homme de campagnes électorales. Mais Jeremy Corbyn n’est pas mauvais non plus quand il s’agit de mobiliser les électeurs, même si son leadership est contesté en interne et qu’il est à la tête d’un parti très divisé sur le Brexit. Il est pugnace, et il compte bien pousser l’agenda travailliste – fin de l’austérité, de la crise du logement, etc.

Car tout le monde parie sur une élection centrée autour du Brexit. Mais qui sait ? « J’en suis à ma septième élection. C’est toujours la même chose. Au début, on pense que ce sera sur une thématique, et cela dévie très vite sur une autre. Theresa May, en 2017, pensait à une élection sur le thème du Brexit. Mais on a eu des attentats terroristes et on a abouti à tout autre chose », racontait, mardi, l’élu travailliste David Lammy, lors d’une conférence de presse en faveur d’un deuxième référendum.

Le cauchemar serait que le 13 décembre au matin, les Britanniques se réveillent de nouveau avec un « hung Parliament » (sans majorité). « Que ferons-nous si nous nous retrouvons dans cette situation ? Est-ce que nous saurons nous engager à trouver un consensus entre nous [sur le Brexit], ou est-ce que nous allons continuer à nous diviser comme cela pour l’éternité ? », a demandé la député travailliste Jess Phillips à ses collègues, mardi, depuis la Chambre des communes. Sans recevoir de réponse.

24 octobre 2019

Thierry Breton, le nouveau choix de Macron pour la Commission européenne

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L’ex-ministre de l’économie sous Chirac prend la suite de Sylvie Goulard, dont la candidature pour le poste de commissaire a été rejetée.

Deux semaines après le rejet de la candidature de Sylvie Goulard, Emmanuel Macron a proposé Thierry Breton, 64 ans, actuel PDG du groupe Atos et ex-ministre de l’économie, comme nouveau membre français de la Commission européenne, a annoncé l’Elysée, jeudi 24 octobre.

Principal enjeu pour Paris, le vaste portefeuille obtenu pour le commissaire français – politique industrielle, marché intérieur, numérique, défense et espace – restera bien inchangé. Emmanuel Macron en a obtenu l’assurance d’Ursula von der Leyen, a précisé la présidence. « Ce qui m’importe, c’est le portefeuille ! Je me suis battu pour un portefeuille », s’était écrié le chef de l’Etat, apprenant avec agacement l’éviction de Sylvie Goulard, le 10 octobre, vécue comme un camouflet infligé par le Parlement européen.

La candidature de l’éphémère ministre des armées d’Emmanuel Macron, gênée par l’affaire des emplois présumés fictifs du MoDem et par son poste de « consultante » pour l’Institut Berggruen alors qu’elle siégeait à Strasbourg, a été rejetée par les eurodéputés.

La future présidente de la Commission a déjà approuvé le nouveau choix du président français. Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen « se sont mis d’accord sur ce profil après une discussion en amont. Si nous proposons ce candidat, c’est qu’il convient », commente l’Elysée.

Parcours qui mêle public, privé et politique

Avec son parcours qui mêle public, privé et politique, ainsi que sa connaissance de l’industrie, cet ami de Jacques Chirac coche en effet de nombreuses cases. « Thierry Breton a des compétences solides dans les domaines couverts par ce portefeuille, en particulier l’industrie et le numérique, car il a été ministre de l’économie [sous Jacques Chirac] entre 2005 et 2007, avec tutelle sur l’industrie. Il a aussi été PDG de grands groupes industriels et du secteur de la défense (Thomson, France Télécom, Atos) et bénéficie d’une réputation solide d’homme d’action », fait valoir la présidence. C’est lui qui, appelé à la tête de France Télécom lourdement endetté, avait redressé le groupe en réduisant ses coûts et avait conduit à sa privatisation.

Il est aussi Macron-compatible, « aligné » avec les positions du chef de l’Etat. Il s’était rallié à sa candidature dès avant le premier tour, après le retrait d’Alain Juppé. « C’est aussi un européen convaincu, qui a conduit de nombreux projets franco-allemands », ajoute l’Elysée, en particulier à la tête d’Atos, qui a un siège en France et un à Munich. Thierry Breton est un ardent défenseur du développement en Europe de supercalculateurs capables de rivaliser avec la Chine et les Etats-Unis. En prime, il connaît Ursula von der Leyen, avec qui il a travaillé lorsqu’elle était ministre de la défense, sur la création d’un fonds européen de la défense et de la sécurité, pour doper les investissements européens dans ces domaines.

C’est, enfin, un ancien élu de terrain, qui a été conseiller régional de Poitou-Charentes de 1988 à 1992.

Préparation des auditions

Thierry Breton se « consacre dès à présent à la préparation des auditions auprès des commissions compétentes du Parlement européen », a-t-il indiqué jeudi dans une déclaration transmise à l’Agence France-Presse. « Je suis très honoré de la confiance qui m’est accordée par le président de la République M. Emmanuel Macron et par la présidente élue de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen », a-t-il ajouté. « Je mesure, pour l’Europe et pour tous nos concitoyens européens, l’importance des enjeux associés à ce portefeuille pour l’avenir de notre continent. »

D’ici fin novembre, le candidat doit convaincre des eurodéputés particulièrement soucieux de transparence. Il devra d’abord passer devant la commission parlementaire des affaires juridiques, chargée de se prononcer sur les éventuels conflits d’intérêts des futurs commissaires, qui a déjà évincé le Hongrois Laszlo Trocsanyi et la Roumaine Rovana Plumb. Puis il sera soumis, comme avant lui Sylvie Goulard, à l’audition des eurodéputés qui doivent donner leur aval.

Atos a d’ores et déjà annoncé jeudi que M. Breton serait remplacé à partir du 1er novembre comme directeur général par l’actuel directeur général délégué Elie Girard.

24 octobre 2019

Brexit. Visibilité nulle pour les pêcheurs

Article de Florence Autret

Quels seront les droits de pêche des Européens dans les eaux britanniques l’an prochain ? Resteront-ils valables toute l’année ? À l’heure qu’il est, la seule certitude est que rien n’est certain.

De notre correspondante à Bruxelles.Les députés européens ont mis à jour mardi les « mesures d’urgence » votées au printemps dernier alors que le spectre d’un Brexit dur se profilait. L’offre faite à Londres d’assurer un accès réciproque aux eaux britanniques et européennes, valable jusqu’à fin 2019, a été prolongée d’un an. Sans surprise, l’ensemble les 24 députés britanniques du Brexit Party présents ont voté contre, tous les autres ou presque en faveur (574 voix) de ce texte présenté en septembre par la Commission européenne.

Pour autant, l’Union européenne n’est en mesure d’offrir aucune garantie aux pêcheurs puisque cet accès supposerait une proposition similaire des Britanniques. Or, depuis l’engagement verbal pris il y a un an par Michael Gove, à l’époque secrétaire d’État en charge du secteur de la pêche, aucun signal tangible n’est arrivé de Londres.

Le flou quel que soit le scénario

Les choses s’annoncent tout aussi incertaines et aléatoires dans les deux autres scenarii possibles : le retrait ordonné dans les jours qui viennent ou un nouveau report. Dans le premier cas, « le Royaume-Uni sera toujours associé aux négociations » qui se finiront en décembre au sujet des droits de pêches de 2020, confirme une source française. Il devra appliquer toute la politique de la pêche et garantir l’accès à ses eaux. Sauf qu’il sera en même temps en train de négocier au pas de course un futur accord de pêche et le reste du futur accord commercial avec l’Union européenne. De quoi « polluer » les discussions de fin d’année, estime une source à Bruxelles.

En cas de report, c’est encore pire. Le Royaume-Uni, toujours membre de l’Union, participera pleinement, avec droit de vote, aux négociations des droits de pêche pour 2020… sans que le reste de l’Union n’ait de garantie sur ce qui pourrait se passer quand le nouveau délai, par exemple au 31 janvier 2020 comme le souhaite une majorité de députés britanniques, aura expiré.

Des enjeux qui dépassent la pêche

Certains auraient aimé que Londres prenne dès à présent l’engagement d’appliquer pendant tout 2020, quoi qu’il arrive, ce qui sera décidé en décembre. Mais le négociateur européen, Michel Barnier, a été très clair : il n’y aura pas de « mini-deal » pour la pêche car ce serait affaiblir la position de l’Union européenne dans la négociation plus vaste qui doit s’ouvrir.

En somme, pour les pêcheurs, à l’heure qu’il est, la visibilité pour 2020 est proche de zéro.

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