BERLIN (AFP) — Il fallait oser, à l'heure où les paparazzi n'ont pas bonne presse: la fondation Helmut Newton à Berlin rend hommage à ces photographes de l'instant volé, ceux de la vieille école, plutôt artistes que fouineurs. "Helmut était fasciné par les paparazzi, car il n'avait aucun contrôle sur la situation, ce que lui même était incapable de faire," confie June Newton, la veuve du photographe décédé en 2004 après avoir créé une fondation à Berlin --ville où il est né--, à laquelle il a légué ses œuvres. Jeune photographe australien, il obtient son premier travail dans un journal de Singapour. Et fait un ratage dès la première sortie. "Il m'a dit: le temps de regarder dans l'appareil et de le régler, l'évènement était déjà terminé," raconte June à l'occasion de l'ouverture jeudi d'une exposition intitulée "Pigozzi et les paparazzi". Contrairement à Helmut, qui modelait selon son imagination situations et sujets, son ami Jean Pigozzi, 56 ans, dont le travail est au coeur de l'exposition, est un féru des surprises du réel, un acharné de bains de stars dont il saisit le naturel au détour d'un couloir. "J'aime prendre les photos, mais je ne suis pas très intéressé par le résultat", confie-t-il à des journalistes. Le défi est de "vraiment voir l'instant, et très souvent vous le manquez". Une particularité de Pigozzi est de se prendre souvent lui-même en photo à côté des stars: Clint Eastwood, Lenny Kravitz, Andy Warhol, Mel Brooks, Carla Bruni et tant d'autres apparitions pailletées. "J'ai de longs bras (pour me photographier moi-même) et je ne me suis jamais poursuivi en justice", s'amuse cet Italien, homme d'affaires et collectionneur d'art africain, qui photographie par pur plaisir. Surtout, c'est un moyen d'esquiver le côté agressif et intrusif du reporter people. Car pour lui comme pour June, il y a un monde entre paparazzi d'alors et d'aujourd'hui: "l'évolution de l'équipement avec l'arrivée de la photo digitale a changé la manière d'agir, ils sont devenus des chasseurs impitoyables au service d'un public qui veut des photos de plus en plus embarrassantes". Rien de tel avec un Tazio Secchiaroli (1925-1998), ami personnel de Federico Fellini qui immortalisa l'Italie glamour des studios de Cinecittà, ni avec son équivalent sur la Côte d'Azur l'Irlandais Edward Quinn (1920-1997) ou le Français Daniel Angeli (né en 1943), un acharné du festival de Cannes qui, boîtier en bandoulière, écumait les soirées pour sympathiser avec des "mythes" tels qu'Onassis, Brel ou Piaf. La Fondation Newton rend aussi hommage à Ron Galella, qui comme les autres savait entretenir des rapports amicaux avec ses sujets de la vie mondaine new yorkaise des années 60-70, en particulier Andy Warhol. L'exposition accorde une place de choix aux ancêtres des chasseurs d'images: l'Américain Weegee (1899-1968), témoin inégalé de la vie nocturne new-yorkaise des années 30 et 40, pas celle des stars, celle du vice et des accidents, et Erich Salomon, (né à Berlin en 1886, mort en 1944 à Auschwitz), spécialiste d'instants volés interdits, dans les cours de justice, au parlement ou lors de rencontres politiques. La nouvelle génération elle, n'est pas représentée. Peut être parce que, selon les termes de Pigozzi, "ils chassent avec des canons alors qu'à l'époque les paparazzi chassaient avec des flèches."
Jean Pigozzi (photographe paparazzo) en jaune