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Jours tranquilles à Paris
abdelaziz bouteflika
16 mars 2019

En Algérie, un mouvement rétif à toute forme de « structuration »

Par Zahra Chenaoui, Alger, correspondance, Frédéric Bobin, Tunis, correspondant

Trois semaines après sa naissance, la mobilisation des Algériens est dirigée autant contre le régime que contre les organisations politiques et syndicales traditionnelles.

Ils sont réunis autour d’une petite table ronde en métal, en terrasse d’un café d’Alger, jeudi 7 mars. Dans un sac plastique, plusieurs mètres de tissu vert. « On y va, on va faire les brassards », lance une jeune femme.

L’idée de ce groupe des « brassards verts » est née la semaine précédente, après la manifestation du 1er mars. Près de l’hôtel Saint-Georges, des manifestants font face aux forces de l’ordre et s’en suit un immense mouvement de foule. « On a eu l’impression qu’on allait étouffer. On a cru que des gens étaient morts », explique Adila, 34 ans.

Ce jour-là, un homme est décédé dans la manifestation après un arrêt cardiaque. Autour de la table de métal, Adila, certains de ses amis, mais aussi d’autres jeunes qui ont eu vent de l’initiative via les réseaux sociaux, débattent du texte qu’ils vont publier sur Internet « pour que tout le monde puisse participer et partager les bons réflexes » : ramasser les déchets, avoir des compresses et du désinfectant pour aider d’éventuels blessés et du vinaigre en cas d’utilisation de gaz lacrymogène, et éviter les bousculades.

Une dimension horizontale

Le lendemain, vendredi 8 mars, la foule est encore plus massive que la semaine précédente. Dans le quartier du Sacré-Cœur, le parc de la Liberté (ex-parc de Galland) est une zone sensible. Ici, chaque vendredi, les forces de l’ordre empêchent les manifestants de monter vers le quartier d’El Mouradia où se trouve la présidence.

Ce jour-là, après des affrontements dans la soirée, le Musée national des antiquités et des arts islamiques a été dégradé, une école a également été touchée. Sur les marches du parc, des habitants se sont rassemblés. « On ne veut pas que notre quartier soit cassé. Si vous voulez aller casser, allez casser chez vous », lance un homme, la quarantaine.

Un comité de quartier a été recréé à cette occasion : « Il fallait qu’on fasse quelque chose », explique un jeune homme en survêtement noir. Décision a été prise de nettoyer les rues la veille de la manifestation du 15 mars, « pour pas que des gens puissent utiliser des pierres qui traînent ou des poubelles pour les lancer sur quelqu’un ». Les habitants veulent aussi « s’organiser en groupe ». « Si on voit des groupes de jeunes étrangers au quartier le soir, on doit les faire partir », lâche un résident. Un voisin est dubitatif : « Je me demande si ça ne va pas créer plus de violence. »

Trois semaines après le début de la mobilisation des Algériens contre le cinquième mandat du président Bouteflika, puis contre le « système » qu’il incarne, la question de la structuration du mouvement est épineuse. Née des réseaux sociaux, l’effervescence a d’emblée pris une dimension horizontale, en rupture avec les modèles classiques d’organisation militante. Une multitude d’initiatives éclosent, mais à une échelle locale ou sur un créneau technique, relevant surtout d’une offre de services ou d’entraide.

Réticents à la médiatisation

A titre d’exemple : un site Internet qui recense les propositions de changement, un professeur de droit qui propose des cours gratuits sur la Constitution, une enseignante qui vulgarise le rôle des institutions et le lien qu’elles doivent avoir avec les citoyens, un maire qui organise des transports collectifs pour que ses administrés puissent aller manifester dans le chef-lieu de la préfecture, des étudiants en informatique qui se constituent en organisation – estimant que les syndicats étudiants ne les représentent pas correctement – ou encore un jeune chef d’entreprise qui orchestre un débat en plein centre-ville.

Tous sont réticents à la médiatisation, de peur qu’ils ne soient instrumentalisés par les autorités ou par des partis d’opposition, voire des organisations de la société civile dans lesquels ils ne se reconnaissent pas. Ils demandent aussi à ce que leurs noms ne soient pas mis en avant, par crainte d’être la cible de mesures de rétorsion.

Dans la ville d’Oran, une discussion a été organisée en plein air, dans un parc, à quelques jours de la manifestation du 8 mars. A l’origine de l’événement, plusieurs jeunes trentenaires, membres de la société civile de la ville. « Nous voulions organiser nos revendications pour avoir plus d’impact et surtout sortir de ces groupes Facebook dans lesquels nous discutions depuis le début du mouvement », explique Safia (le prénom a été modifié), l’une des participantes.

S’inspirant des règles qu’ils utilisent dans leurs propres associations, les organisateurs écrivent une charte, où il est précisé que la parole doit être respectueuse ou qu’il ne doit pas y avoir d’insulte, et mettent en place des boîtes à idées, pour que chacun puisse, au-delà de son temps de parole, partager une initiative. Le débat réunit plusieurs dizaines de personnes, principalement des étudiants, sous l’œil de la police qui laisse faire. La parole des participants, assis en cercle, se dénoue.

Territoire citoyen totalement inédit

« On a commencé par demander comment les gens se sentaient, les gens ont échangé sur les différentes manières de se mobiliser », explique une participante. Les propositions glissées dans les boîtes à idées sont ensuite publiées sur les réseaux sociaux par les organisateurs. « On nous a demandé de recommencer, explique Safia. Alors on a décidé, qu’à la place, on allait organiser des formations d’animation de débat, pour que des événements comme ça puissent être reproduits par tous. »

Toutes ces initiatives relèvent d’une forme d’auto-organisation à la base, territoire citoyen totalement inédit, s’ajoutant à la mise en mouvement de structures plus classiques, telles que les organisations professionnelles déjà plus ou moins constituées (avocats, juges, enseignants, journalistes, artistes, etc.).

Pour l’heure, le mouvement se montre rétif à toute idée de verticalité. « Il y a une prolifération d’initiatives éparpillées, mais qui ne se fédèrent pas encore, explique Athman Bessalem, un avocat activiste de Tizou-Ouzou. Ou alors, on n’en est qu’au stade des prémices. »

A mesure que le mouvement prendra corps, se posera la question de sa représentation, surtout si un dialogue doit s’instaurer sur une sortie de crise.

Parmi les têtes d’affiche les plus citées comme éventuels porte-parole, figure l’avocat Mustapha Bouchachi, ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) et ex-député affilié aux Front des forces socialistes (FFS). Interrogé par Le Monde, M. Bouchachi estime qu’« il est prématuré que le mouvement se structure ». « Il n’est pas dans l’intérêt de ce mouvement d’être encadré, précise-t-il. Il faut le laisser suivre son cours ». Et dans l’avenir ? « Quand nous serons saisis de propositions sérieuses, et sans ce pouvoir, alors les gens se structureront naturellement. »

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12 mars 2019

Entretien « Le régime algérien ne veut pas voir la transition lui échapper »

Par Frédéric Bobin, Tunis, correspondant

Selon la chercheuse Amel Boubekeur, le renoncement d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel ne mettra pas fin au mouvement de protestation.

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, cible d’un mouvement de contestation inédit en 20 ans de pouvoir, a renoncé lundi 11 mars soir à briguer un cinquième mandat et reporté sine die la présidentielle du 18 avril, tout en restant au pouvoir et en prolongeant de fait son actuel mandat.

Amel Boubekeur est chercheuse en sociologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), auteure d’études sur l’islamisme algérien, elle a aussi travaillé sur les musulmans de France, signant notamment Le voile de la mariée : Jeunes musulmanes, voile et projet matrimonial en France (L’Harmattan, 2004).

Comment interpréter l’annonce du retrait de la candidature du chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika à l’élection présidentielle initialement prévue le 18 avril ? Est-ce une victoire de la rue ou une manœuvre dilatoire du régime ?

Amel Boubekeur : Il ne s’agit pas d’une grande surprise. Ce scénario était très attendu et même craint dès le début chez les manifestants hostiles à son cinquième mandat. Il y avait eu des mises en garde sur une énième tentative d’un coup d’Etat transitionnel comme cela s’était déjà produit. Ce n’est pas une configuration nouvelle en Algérie. Il y avait la conscience très présente du risque d’une instrumentalisation des demandes de changement pour faire durer le régime.

Mais paradoxalement, cette annonce de M. Bouteflika renforce le sentiment chez les Algériens et les manifestants qu’il s’agit d’une victoire, qu’une telle concession n’aurait pas été imaginable avant les manifestations. Le régime faisait comme si le peuple n’existait pas. Ce lundi soir, les Algériens éprouvent une satisfaction car ils perçoivent une inflexion du régime au regard de son attitude d’il y a un mois. Le pouvoir a finalement été obligé de reconnaître l’existence de cette demande de participation politique indépendante. Mais cela va déterminer les manifestants à continuer leur mouvement pour entrer dans une vraie négociation. C’est maintenant que ça commence.

Qu’est-ce qui semble aux protestataires le plus contestable dans le « message » adressé lundi aux Algériens par le chef de l’Etat ?

Il s’agit des récits habituels du régime sur la réforme par une révision constitutionnelle. Car le problème n’est pas de mettre en œuvre une nouvelle Constitution mais de respecter déjà les lois qui existent, la Constitution en vigueur. L’annonce présidentielle elle-même n’est pas constitutionnelle. C’est déjà un mauvais départ. Et puis le personnel politique est le même. Le ministre de l’intérieur [Noureddine Bedoui] qui était chargé de la supervision des collectivités locales lors des élections du 18 avril se retrouve premier ministre. La blague qui tourne en ce moment sur les réseaux sociaux est la suivante : M. Bouteflika, sachant qu’il ne pouvait briguer un cinquième mandat, a décidé de prolonger son quatrième. Finalement, cette annonce traduit un mouvement de panique à la tête du régime, la volonté de ne pas voir la transition échapper à son contrôle.

Pourquoi un mouvement de panique ?

Il faut savoir qu’au niveau local, il y a énormément d’initiatives, dans les universités ou les villes hors d’Alger, émanant de gens qui essaient depuis le 8 mars d’organiser des conseils locaux. Les universitaires donnent des conférences ouvertes sur l’accompagnement juridique des transitions. Et quand on voit que les employés de la Sonatrach [la société nationale des hydrocarbures], soit le cœur du système algérien de redistribution de la rente, se sont mis eux-mêmes en grève, c’est que la contestation a infiltré même les arcanes les plus « clientélisées » de ce système. Cela sonne comme une alarme pour le régime, la nécessité de reprendre le contrôle.

Comment décrypter le jeu des factions dans les coulisses du pouvoir ?

Pour l’armée, le véritable test sera la manière dont elle entérinera le caractère pacifique des manifestations de vendredi prochain [15 mars] car les gens sont en train d’appeler à continuer de manifester. Si l’armée accepte, si elle n’intervient pas, ce sera déjà un moment important qui va influencer la transition à venir. Maintenant, au-delà du mythe de la lutte des clans, ce qu’il faut bien regarder ce sont ces questions centrales : la redistribution de la rente, la réconciliation, la justice transitionnelle, autant de questions qui n’ont été abordées dans le projet de M. Bouteflika. Absolument pas. On voit donc bien qu’il y a toujours un régime cohérent qui fait front derrière l’impératif de perpétuer ses intérêts, de les proroger en tentant de prendre le contrôle de la transition.

Pourquoi qualifiez-vous de « mythe » la thèse d’une lutte des clans au sein du régime ?

Même si cette lutte existe, ce qui se déroule depuis le deuxième mandat de Bouteflika relève bien plus d’une politique de neutralisation mutuelle entre le clan présidentiel et l’armée – et les services de sécurité – que d’un réel affrontement. C’est le sens qu’il faut donner aux affaires de corruption qui émergent de temps à autre, ou aux poursuites visant les services de sécurité en relation avec les crimes de guerre des années 1990. Certes, Bouteflika a élargi sa clientèle. Il y a un certain nombre de petits partis, en fait des ersatz du Front de libération nationale (FLN) ou du Rassemblement national démocratique (RND) [partis membres de l’« alliance présidentielle »], qui ont été autorisés à se former depuis 2013 pour justement soutenir et élargir les franges de soutien au régime. Donc, l’idée en haut-lieu est : plus on corrompt de larges franges de la société, plus le système sera solide, et plus tous ces clans pourront se maintenir dans une neutralisation mutuelle.

En réalité, le système a été pris à son propre piège en institutionnalisant le concept d’un président civil pour mettre fin à la « décennie noire » des années 1990. Car la succession s’est révélée inimaginable au-delà et en dehors de la figure de M. Bouteflika. Maintenir ce dernier coûte que coûte était une option qui correspondait au maintien des intérêts de l’ensemble des clans, et pas seulement de ceux du clan présidentiel.

Qu’est-ce qui pourrait consacrer une victoire totale de la rue ?

Il faut bien séparer deux choses : le rôle de pression des manifestations ; et ce qui se construit en parallèle comme volonté de traduire cette mobilisation informelle dans les institutions formelles. Au-delà de la rue, l’enjeu aujourd’hui est de « reconnecter », c’est-à-dire de donner à ce mouvement un caractère politique officiel alors même que la vie publique officielle est parasitée et accaparée par le régime. Les réactions ce lundi soir à l’annonce présidentielle le montrent bien. Et on en perçoit le prélude depuis quelques jours, notamment avec la mobilisation des étudiants et des professeurs qui ont décidé de rejeter la décision du ministre de l’éducation nationale d’avoir des vacances anticipées et de fermer les universités et des campus.

En fait, il s’agit chez les manifestants d’une espèce de tentative de réappropriation de l’Etat, et de ses institutions. C’est cela l’enjeu aujourd’hui en Algérie : capitaliser sur des techniques de résistance accumulées sur un temps long pour annuler le parasitage politique du régime sur la vie des Algériens. Il s’agit d’un processus de transition de longue haleine qui ne fait que commencer. Ce processus passe, d’une part, par une négociation entre la rue et le système. Sous la pression, il est très probable que ce dernier propose de nouvelles portes de sortie. D’autre part, la négociation met aux prises les Algériens eux-mêmes. Ceux-ci essaient d’apprendre à parvenir à un consensus ou du moins à un dissensus démocratique et dénué de violence. Il s’agit d’inventer notre propre modèle de transition. Il est encore trop tôt pour savoir quel sera-t-il. Ce qui est sûr, c’est que ni le report des élections, ni le remplacement d’hommes du système par d’autres hommes du système sans une vraie réforme des institutions, ne satisfera la rue.

12 mars 2019

Abdelaziz Bouteflika

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11 mars 2019

Renoncement d'Abdelaziz Bouteflika et report de l'élection présidentielle

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Confronté à une contestation inédite en vingt ans de pouvoir, Abdelaziz Bouteflika, le président algérien, a annoncé dans un message adressé à la nation, lundi 11 mars, le report de l'élection présidentielle prévue le 18 avril 2019, et sa décision de ne pas briguer un 5e mandat à la magistrature suprême. Il précise que la présidentielle aura lieu "dans le prolongement" d'une conférence nationale chargée de réformer le système politique et d'élaborer un projet de Constitution d'ici fin 2019. Suivez la situation dans notre direct.

Pas de cinquième mandat. "Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l’assise des fondations d’une nouvelle République", écrit dans son message à la nation Abdelaziz Bouteflika. "Cette nouvelle République et ce nouveau système seront entre les mains des nouvelles générations d’Algériennes et d’Algériens", poursuit-il.

La présidentielle reportée sine die. "Le report de l’élection présidentielle qui a été réclamé vient donc pour apaiser les appréhensions qui ont été manifestées", fait valoir Abdelaziz Bouteflika, qui ne précise aucune date quant à la tenue de l'élection ainsi reportée.

Une conférence nationale mise sur pied pour élaborer une nouvelle constitution. Le président algérien annonce la création d'une "conférence nationale inclusive et indépendante (...) dotée de tous les pouvoirs nécessaires à la discussion, l’élaboration et l’adoption de tous types de réformes" pour la "transformation de notre Etat-nation". Cette conférence nationale doit accoucher d'un projet de constitution qui sera soumis à un référendum populaire. La conférence nationale sera aussi chargée de fixer la date de l’élection présidentielle.

Le ministre de l'Intérieur remplace le premier ministre. Peu après les annonces d'Abdelaziz Bouteflika, le premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, a présenté sa démission, et Noureddine Bedoui, ministre de l'Intérieur dans le gouvernement sortant, a été nommé à sa succession. Il ets maintenant chargé de former un nouveau gouvenement, selon l'agence de presse officielle APS.

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11 mars 2019

En Algérie, la contestation reste forte après le retour du président Bouteflika

Par Ali Ezhar, Annaba, correspondance, Zahra Chenaoui, Alger, correspondance, Amir Akef, Alger, correspondance

Le chef de l’Etat, dont la candidature pour un cinquième mandat a déclenché le mouvement de protestation, était hospitalisé en Suisse. Le pouvoir reste muet face aux manifestations et aux grèves.

Le président Abdelaziz Bouteflika a regagné l’Algérie, dimanche soir 10 mars, après deux semaines d’hospitalisation en Suisse. Les Algériens qui attendaient d’en savoir plus au journal de 20 heures de la télévision publique n’ont finalement eu droit qu’à la lecture d’un communiqué laconique, sans autre image qu’un portrait du président.

« Tout au long de ces treize jours [d’absence à Genève], M. Bouteflika, candidat à la prochaine présidentielle du 18 avril, est resté très à l’écoute du mouvement populaire », a assuré de son côté le journal gouvernemental El Moudjahid.

Seul le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd-Salah, s’est à nouveau exprimé, sur un ton de plus en plus conciliant, assurant que l’armée « s’enorgueillit de son appartenance à ce peuple brave et authentique, et partage avec lui les mêmes valeurs et principes ». Contrairement aux habitudes, il n’a évoqué ni le président Bouteflika, ni l’élection présidentielle à venir.

Autre élément inhabituel : la télévision publique a organisé dans la soirée un débat où la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat a été ouvertement présentée comme « la cause de la crise ». Ce discours reste cependant largement dans la tendance qui consiste à incriminer le gouvernement, les hommes d’affaires et les partis du pouvoir. Elle était déjà présente dans les chaînes de télévisions privées dont Ennahar, pendant longtemps canal privilégié du clan présidentiel.

Les étudiants mis en vacances

En réalité, plus de trois semaines après le début du mouvement de contestation, le pouvoir algérien n’a encore donné aucune réponse aux manifestants. L’effervescence s’est donc poursuivie ce dimanche (premier jour de la semaine en Algérie) avec notamment une grève générale, diversement suivie à travers le pays, et qui ne fait pas l’unanimité parmi les contestataires.

Dans le centre de la capitale, de nombreux commerces étaient fermés. « Les gens paniquent un peu », raconte Yasmine qui a dû marcher quelques minutes de plus que d’habitude pour trouver du pain, tandis que des centaines de lycéens ont défilé en scandant des slogans pour un changement de système politique face aux forces antiémeutes.

La contestation la plus importante est venue des étudiants. La veille, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avait annoncé que les vacances de printemps débuteraient ce dimanche pour 1,7 million d’étudiants, alors qu’elles étaient initialement prévues du 23 mars au 4 avril.

Dans les allées de l’université des sciences et de la technologie Houari-Boumédiène (UTSHB) d’Alger, la plus grande du pays avec 42 000 personnes, l’assemblée générale de la matinée a réuni beaucoup de monde. La colère y était palpable. « C’est une décision politique, pour affaiblir le mouvement qui est majoritairement étudiant. Sauf que ça va pousser les jeunes à manifester encore plus », dénonçait Arslan, 22 ans. « Ils voulaient réduire l’importance des cortèges. Les étudiants vont avoir encore plus le temps de manifester ! Que ce soit à Alger ou dans leurs régions d’origines », sourit Ilhem, 20 ans. « Ça prouve juste que le pouvoir a peur de nous », estime Sarah.

« Cette grève, c’est la continuité de la marche »

A l’étage d’un bâtiment de béton, plusieurs enseignants sont réunis dans leur bureau, tout aussi remontés. « Je me suis senti insulté. Mettre tout un campus en vacances du jour au lendemain pour satisfaire la volonté d’une certaine intelligentsia, ça n’est pas normal ! », témoigne Riad, 42 ans. « On se croirait à l’époque du parti unique. Cette décision prouve le gouffre entre ceux qui prennent ces décisions et nos étudiants », lance Mouloud, son collègue.

Ces enseignants témoignent du même sentiment d’être méprisés par l’administration. « On voyait le ras-le-bol des étudiants arriver. Mais leur mobilisation nous a tous surpris. Nous les sous-estimions. Ce sont eux qui nous ont donné une leçon », explique Souhila, 33 ans. Tous sont prêts à venir assurer leurs cours le lendemain.

A Annaba, dans l’extrême est du pays, l’appel à la grève a également été suivi. Le centre-ville, habituellement si animé, était méconnaissable. Dans la quatrième métropole d’Algérie, la quasi-totalité des magasins et supérettes de l’hypercentre sont restés fermés toute la journée ou quelques heures. Les employés des établissements bancaires et publics tels que l’Hôtel de ville, la succursale d’Air Algérie ou encore la bibliothèque centrale, ne sont pas allés travailler. Dans la matinée, les fonctionnaires de la direction régionale du Trésor public ont fait un sit-in devant leur bâtiment pour dire « non au cinquième mandat de Bouteflika ». « Ce n’est pas rien, raconte Nadir, un agent de 35 ans. Le Trésor public, c’est le noyau de l’administration. »

En laissant les rideaux métalliques abaissés, les Bônois (habitants d’Annaba) continuent à mettre la pression sur le gouvernement. « Cette grève, c’est la continuité de la marche », explique un épicier d’une cinquantaine d’années.

Rumeurs sur un report de la présidentielle

« Mais elle n’a rien d’officiel, tient à préciser un jeune vendeur d’un magasin de téléphones. Ce matin, j’ai voulu ouvrir mais comme j’ai vu que les autres étaient restés fermés, alors j’ai fait comme eux, je suis le mouvement. C’est ce que veut le peuple. » Finalement, il a repris ses obligations dans l’après-midi « parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire », assure-t-il.

Ces commerçants pensent que cette interruption du travail est un mal nécessaire pour faire définitivement plier le pouvoir. Ils ont conscience de perdre de l’argent mais « le pays d’abord », répètent-ils. D’autres – ils sont rares – ont fait le choix de ne pas suivre ce mouvement : la grande poste, la plupart des pharmacies, des gargotes, quelques épiciers et pâtisseries. « Tout le monde fait comme il veut, mais ce n’est pas Bouteflika qui va me payer », argue l’un d’eux qui tient un café sur le cours de la Révolution. Les commerçants devraient reconduire leur mouvement de cette manière jusqu’au jeudi 14 mars.

A Alger, le pouvoir ne donne aucune indication claire sur ses intentions, mais les rumeurs vont bon train sur un éventuel report de l’élection présidentielle et la formation d’un gouvernement d’union nationale.

Sur la radio publique, un constitutionnaliste a souligné que si aucune disposition légale ne permet le report des élections, ceux qui ont la charge de garantir le respect de la Constitution peuvent l’envisager « pour répondre à la demande sociale ».

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10 mars 2019

Abdelaziz Bouteflika est rentré en Algérie après une hospitalisation de deux semaines à Genève

L'appareil avait quitté dans l'après-midi l'aéroport de Genève, où Abdelaziz Bouteflika était hospitalisé depuis fin février.

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika est rentré en Algérie, dimanche 10 mars, à l'issue de deux semaines d' hospitalisation à Genève (Suisse) pour des "contrôles médicaux périodiques", a annoncé la présidence algérienne dans un communiqué cité par l'agence de presse officielle APS. Le président Bouteflika, 82 ans, affaibli depuis 2013 par les séquelles d'un AVC, est confronté depuis le 22 février en Algérie à une contestation sans précédent depuis sa première élection à la tête de l'Etat en 1999.

L'avion aux couleurs du gouvernement algérien, qui ramenait de Genève le chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika, a atterri dimanche 10 mars à la base militaire aérienne de Boufarik, à une quarantaine de kilomètres au sud d'Alger, avaient annoncé un peu plus tôt plusieurs chaînes algériennes d'information.

Hospitalisé à Genève le 24 février

Confronté depuis le 22 février à une contestation sans précédent depuis sa première élection en 1999, le président Bouteflika, 82 ans, affaibli depuis 2013 par les séquelles d'un AVC, avait été hospitalisé le 24 février à Genève (Suisse) pour des "examens médicaux périodiques".

L'appareil, un Gulfstream 4SP jet blanc aux couleurs de la République algérienne démocratique et populaire, est arrivé à l'aéroport de Genève dimanche matin et en a redécollé vers 16 heures, peu après l'arrivée d'un important convoi en provenance de l'hôpital où le président algérien avait été traité.

Le président ne s'est pas exprimé en public depuis son accident vasculaire cérébral de 2013 et son retour annoncé ne semble pas devoir affecter la détermination des protestataires. Alors que les Algériens restent mobilisés pour dire "non à un cinquième mandat", le chef d'état-major de l'armée, le général Gaïd Salah, a assuré dimanche que l'armée et le peuple avaient "la même vision de l'avenir", selon des propos rapportés par la télévision d'Etat. Il n'a pas mentionné explicitement les manifestations contre Bouteflika.

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9 mars 2019

L’opposant algérien Rachid Nekkaz arrêté après avoir fait irruption dans l’hôpital de Bouteflika à Genève

L’opposant voulait vérifier la présence du président algérien dans l’établissement hospitalier. « Le monde entier, et l’Algérie toute entière, sait qu’il n’est plus de ce monde » a-t-il déclaré.

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Rachid Nekkaz devant les Hôpitaux universitaires de Genève où il a tenté de s’introduire vendredi 8 mars. FABRICE COFFRINI / AFP

L’opposant et homme d’affaires algérien Rachid Nekkaz, qui a tenté d’être candidat à l’élection présidentielle en Algérie, va être déféré samedi 9 mars devant un procureur à Genève pour « violation de domicile », après avoir fait irruption dans l’hôpital où est soigné le président Abdelaziz Bouteflika, a annoncé la police genevoise.

Rachid Nekkaz restera en garde à vue la nuit de vendredi à samedi. Il lui est également reproché d’avoir essayé de s’opposer à son éviction de l’établissement hospitalier, tout comme d’avoir fait fi de l’interdiction qui lui avait été signifiée d’entrer dans l’hôpital, a précisé la police.

La porte-parole de la police genevoise, Joanna Matta, avait expliqué un peu plus tôt que la direction des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) avait porté plainte après l’entrée de M. Nekkaz dans l’hôpital malgré plusieurs mises en garde.

Homme d’affaires né en France, Rachid Nekkaz, 47 ans, avait organisé en fin de matinée une manifestation avec des dizaines de ses partisans devant les HUG, où a été admis le 24 février le chef de l’Etat algérien âgé de 82 ans, pour des examens médicaux.

« Quarante millions d’Algériens veulent savoir »

« J’ai décidé de venir ici à Genève devant l’hôpital où est censé être hospitalisé le président et candidat algérien Abdelaziz Bouteflika (…) alors que le monde entier, et l’Algérie toute entière, sait qu’il n’est plus de ce monde », a-t-il affirmé. « Il y a 40 millions d’Algériens qui veulent savoir où est le président », a-t-il poursuivi. « Le peuple algérien ne veut plus être manipulé par un pouvoir mafieux qui instrumentalise le nom du président, qui instrumentalise l’image du président, pour pérenniser son pouvoir et pérenniser leurs privilèges. »

M. Bouteflika a subi un grave AVC en 2013 et est depuis très diminué. L’annonce de sa candidature pour un cinquième mandat a déclenché des manifestations de protestation dans toute l’Algérie.

Une marée humaine a ainsi de nouveau envahi vendredi les rues d’Alger et des grandes villes d’Algérie, demandant au président Abdelaziz Bouteflika de renoncer à ce cinquième mandat. A Alger notamment, la mobilisation a été très largement supérieure à celles des deux précédents vendredis, déjà très importantes.

M. Nekkaz, omniprésent sur les réseaux sociaux – il filme en direct sur son compte Facebook toutes ses interventions – avait annoncé la veille qu’il voulait aller se rendre compte lui-même de la présence du président algérien au huitième étage des HUG, réservé aux VIP. Vers 12 h 30, heure locale, il a brusquement quitté le groupe de ses partisans et s’est précipité à l’intérieur de l’hôpital, tout en continuant à se filmer. La vidéo s’est interrompue lorsqu’il s’est présenté à l’accueil de l’établissement.

Candidat à l’élection présidentielle via son cousin

L’homme d’affaires sulfureux, qui a fait fortune dans les start-up et l’immobilier, draine de jeunes enthousiastes partout où il passe en Algérie. Mais son dossier de candidature à l’élection présidentielle du 18 avril a été rejeté car il a possédé jusqu’à encore récemment la nationalité française. Or la loi prévoit notamment qu’un candidat ne doit jamais « avoir possédé une autre nationalité » qu’algérienne.

Il a trouvé un subterfuge en présentant à sa place son cousin mécanicien, qui vit en Algérie et possède les mêmes nom et prénom. Ce subterfuge passe mal et a écorné sa popularité, notamment parmi ceux qui lui avaient donné leur parrainage. Des manifestants ont hué son nom lors de récentes manifestations passant sous les fenêtres de sa permanence de campagne à Alger.

Rachid Nekkaz s’est dit vendredi confiant que « le pouvoir algérien et le Conseil constitutionnel vont réfléchir très sérieusement à l’idée de valider ou d’invalider la candidature du président Bouteflika ».

« Aucune inquiétude » pour le directeur de campagne de Bouteflika

Interrogé sur son propre avenir politique au cas où son cousin serait élu, il a expliqué que « le lendemain, nous créerons le poste de vice-président grâce à une assemblée extraordinaire ». « Je deviendrai donc vice-président, et le jour même le président élu démissionnera, me permettant ainsi de devenir le président de la République algérienne », a-t-il soutenu.

« Tout le monde sait qu’au minimum, (Bouteflika) est malade, et qu’au maximum il est mort, il est évident que c’est impossible de continuer de cautionner l’élection avec un candidat qui est mort », a poursuivi M. Nekkaz. « On a déjà vu des morts voter au Parlement. On n’a jamais vu un mort être candidat à une élection présidentielle. »

La santé du président algérien n’inspire « aucune inquiétude » et les examens médicaux périodiques pour lesquels il est hospitalisé « sont en voie d’achèvement », a rétorqué jeudi Abdelghani Zaalane, le directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika.

8 mars 2019

Algérie : un nombre inédit d'opposants à Bouteflika dans les rues pour ce troisième vendredi de manifestations

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A 82 ans et au pouvoir depuis deux décennies, Abdelaziz Bouteflika est candidat à la présidentielle algérienne, alors qu'il est très affaibli depuis un AVC en 2013.

Des centaines de milliers de manifestants, voire des millions ? Des opposants à Abdelaziz Bouteflika sont descendus dans les rues, vendredi 8 mars, en Algérie. A Alger, la mobilisation, immense et difficile à évaluer, est largement supérieure à celle des manifestations des deux derniers vendredis. A Oran et Constantine, respectivement deuxième et troisième villes du pays, la mobilisation est également très supérieure à celle des deux vendredis précédents. Suivez la situation dans notre direct.

 De nombreuses villes mobilisées. Des manifestations d'ampleur ont été signalées dans un grand nombre de villes à travers le pays, sans incident notable en province. A Alger, la police a fait usage de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes devant une artère remontant vers la présidence. Les autorités ne donnent aucune évaluation du nombre de protestataires.

 A Paris aussi. Plusieurs centaines de personnes ont manifesté, vendredi, devant la tour Eiffel à Paris, pour dire "non" à un cinquième mandat du président algérien, en soutien aux manifestations en Algérie mais aussi à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

 Rachid Nekkaz interpellé en Suisse. L'opposant algérien a été arrêté à Genève, vendredi, après avoir tenté de pénétrer dans l'hôpital où se trouve Abdelaziz Bouteflika. "Il y a 40 millions d'Algériens qui veulent savoir où est le président algérien", avait-il lancé, jeudi.

 Bouteflika refuse de céder. Jeudi, Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, hospitalisé depuis plus de dix jours et dont le retour en Algérie n'a toujours pas été annoncé, a agité le spectre du "chaos" et de la division et dénoncé, sans les nommer, les ennemis "insidieux" de "l'intérieur et de l'extérieur" et ceux "qui conspirent" contre l'Algérie.

 

8 mars 2019

Algérie : "Pas de révolution sans femmes"

8 mars 2019

En Algérie, le front du « cinquième mandat » se fissure

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Par Amir Akef, Alger, correspondance - Le Monde

Anciens combattants, patrons, syndicalistes… Les défections se multiplient parmi les soutiens traditionnels du président Abdelaziz Bouteflika.

Les Algériens se préparent à manifester de nouveau, vendredi 8 mars, contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, absent du pays depuis le 24 février, et des défections significatives sont enregistrées parmi les organisations liées au régime. Les soutiens du chef de l’Etat, très présents au cours des derniers mois, font désormais profil bas ou quittent le navire avec fracas.

Le retournement le plus spectaculaire vient des rangs des anciens combattants de la guerre d’indépendance, qui, il y a encore quelques semaines, disaient leur soutien « indéfectible » à leur « compagnon d’armes ». La très influente Organisation nationale des moudjahidine (ONM) a ouvert le bal, mardi 5 mars, en saluant des manifestations populaires au « comportement civilisé » et en dénonçant des institutions loin d’être « à la hauteur des aspirations légitimes de notre peuple ».

L’organisation a violemment chargé l’alliance « contre-nature » entre des membres influents du pouvoir et de « présumés investisseurs » à qui l’on a ouvert les portes « pour s’accaparer des deniers publics sous le prétexte d’encourager les investisseurs nationaux ». Des affairistes qui, « grâce à leurs liens au sein de la hiérarchie du pouvoir, ont pu accumuler des fortunes considérables en des temps records », a indiqué l’ONM.

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« Un système qui a atteint ses limites »

Les Algériens devinent sans difficulté que les anciens combattants visent des oligarques membres du Forum des chefs d’entreprises (FCE), organisation patronale dirigée par Ali Haddad, un proche de Saïd Bouteflika, le frère du chef de l’Etat.

Plusieurs patrons membres du FCE ont d’ailleurs annoncé leur ralliement à la contestation populaire. Neuf d’entre eux, qui se présentent comme le FCE « originel », dont deux prédécesseurs d’Ali Haddad, ont affirmé ne « pouvoir rester sourds à l’expression populaire à laquelle ils adhèrent complètement ».

Ali Haddad a fini par réagir jeudi en assurant que le soutien du FCE au cinquième mandat a été décidé « à l’issue d’une réunion du Conseil exécutif, cette position a été approuvée par l’Assemblée générale élective tenue en date du 15 décembre 2018 » et que « depuis aucune opposition ni réserve n’ont été enregistrées »

Une autre défection de poids est venue de l’association des anciens du ministère de l’armement et des liaisons générales (MALG), l’ancêtre des services de renseignements algériens durant la guerre d’indépendance. L’association, dirigée par Dahou Ould Kablia, ministre de l’intérieur de 2010 à 2013, affirme que le peuple a « déjà voté le rejet pur et simple du cinquième mandat et de tout ce qui va avec ». « Il n’y a plus de place aux atermoiements et aux manœuvres dilatoires pour perpétuer un système qui a atteint des limites et qui risque de mener le pays à l’aventure et aux plus graves périls », a ajouté l’association.

Alors que la capacité du président Bouteflika à exercer la charge présidentielle est mise en cause, le conseil de l’Ordre des médecins a publié de son côté un communiqué pour mettre en garde contre la délivrance de faux certificats médicaux aux candidats à la présidentielle. Il a rappelé au Conseil constitutionnel que les auteurs de ces certificats doivent être inscrits au « tableau de l’Ordre des médecins, conformément aux règles de déontologie médicale ».

Même l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), syndicat totalement mis au service du cinquième mandat par son secrétaire général Abdelmadjid Sidi-Saïd, connaît des défections et des appels à soutenir la contestation populaire.

Disqualifier l’élection présidentielle

Ces revirements sont un signe que l’abandon de l’option de la candidature de Bouteflika commence à être envisagé au sein du régime. Le chef de l’Etat, toujours absent du pays, a affiché sa « présence » en faisant lire par la ministre de la poste, Houda Feraoun, une lettre à l’occasion de la journée des droits des femmes, dans laquelle il loue la « maturité » des manifestants sans aborder la cause de ces mobilisations. Le message évoque la manifestation prévue ce vendredi en mettant en garde contre une « éventuelle infiltration de cette expression pacifique par une quelconque partie insidieuse, de l’intérieur ou de l’extérieur, qui pourrait (…) susciter la fitna [discorde] et provoquer le chaos avec tout ce qu’ils peuvent entraîner comme crises et malheurs ».

Un autre passage parle des « haineux à l’étranger » qui n’auraient pas apprécié que l’Algérie « traverse paisiblement et sereinement, la déferlante du printemps arabe ». Ces cercles « n’ont jamais cessé de conspirer contre notre pays », a-t-il ajouté, assurant que ses « assertions » ne relèvent pas d’une « logique d’intimidation » mais d’un « sens des responsabilités ».

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Pour l’heure, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la défense, est le seul responsable à s’exprimer. Mardi, il a mis en garde contre « certaines parties » non identifiées qui cherchent, selon lui, à ramener le pays « aux années de braise et de douleurs vécues par le peuple algérien et au cours desquelles il a payé un lourd tribut ». Mercredi, il a assuré que l’armée et les forces de sécurité étaient « résolument engagées à garantir » la sécurité de l’élection présidentielle, le 18 avril.

Les observateurs relèvent que le chef de l’armée n’a pas, contrairement à son habitude, cité le « moudjahid Abdelaziz Bouteflika », mais qu’il a surtout mis l’accent sur la tenue du scrutin. Une insistance qui fait écho aux appels de l’opposition et de membres de la société civile à disqualifier l’élection présidentielle pour forcer le régime à négocier une vraie transition.

Le mouvement Mouwatana (« citoyenneté »), qui a accusé Ahmed Gaïd Salah de « se conduire comme un soldat au service d’un clan de prédateurs », a appelé mercredi à une transition pour préparer une nouvelle République et engager « des élections dignes de ce nom ». Dans un souci de donner une forme d’organisation à la contestation populaire, Mouwatana a appelé « toutes les corporations à se donner librement des représentants » et à créer des « coordinations ».

Une « situation révolutionnaire pacifique »

La pression s’accentue sur le général Ali Ghediri, seul candidat de poids à avoir déposé son dossier de candidature, pour qu’il se retire de la course afin de ne pas servir d’alibi. Certains l’accusent d’être devenu le « plan B » du régime, en remplacement de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika devenue « intenable ».

Ali Ghediri a annoncéqu’il ne compte pas se retirer de la course et qu’il ne sert aucun

« clan ». Ses soutiens l’abandonnent néanmoins. Zoubida Assou, qui, en se ralliant à sa candidature, avait provoqué une crispation au sein de Mouwatana – dont elle était la porte-parole –, a décidé de lui retirer son soutien.

La plus grosse défection vient de son directeur de campagne, Mokrane Aït Larbi, un militant respecté des droits de l’homme, qui a annoncé mercredi son retrait du processus électoral, tout en déclarant respecter le choix que fera Ali Ghediri.

L’avocat a estimé que le pays vivait une « situation révolutionnaire pacifique ». « Cette phase historique ne peut réaliser la rupture par la voie électorale, dont la fraude a déjà commencé au sein du Conseil constitutionnel, et devant l’opinion nationale et internationale », a-t-il commenté.

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