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Jours tranquilles à Paris
gilets jaunes
5 janvier 2019

A quoi va ressembler l'"acte 8" des "gilets jaunes" ?

Stop ou encore ? Alors qu'un débat national est en cours, de nombreux "gilets jaunes" souhaitent maintenir la pression sur le gouvernement et le chef de l'Etat. Plusieurs rassemblements sont d'ores et déjà prévus en France, samedi 5 janvier.

Premier grand test de l'année pour les "gilets jaunes". Ces derniers préparent un "acte 8", samedi 5 janvier, après un fléchissement de la mobilisation durant les vacances. Reste à connaître l'ampleur des manifestations, alors qu'une majorité de Français interrogés (55%) souhaite que le mouvement se poursuive, selon un sondage Odoxa Dentsu Consulting pour franceinfo. Dans une lettre, plusieurs participants ont d'ores et déjà affiché leur défiance à l'égard de la future consultation nationale voulue par Emmanuel Macron.

Des rassemblements à Paris

Le groupe de "gilets jaunes" dénommé "La France en colère", qui refuse de participer au débat national, demande notamment la nomination d'une "personnalité respectable" pour "commencer les discussions (...) autour de la reprise de souveraineté du peuple". Une marche est prévue à Paris à 14 heures, au départ de l'Hôtel de ville, où une allocution est prévue "en réponse aux vœux du président". Le cortège doit ensuite rejoindre l'Assemblée nationale en passant par l'île de la Cité et le musée d'Orsay, à l'appel de ce groupe mené notamment par Priscillia Ludosky et Eric Drouet.

Un autre groupe, les "gilets jaunes citoyens", appelle à un rassemblement au Trocadéro et place de la République, tout en annonçant que d'autres points de rendez-vous seront dévoilés au dernier moment. Une manifestation de femmes "gilets jaunes" est également annoncée dimanche dans la matinée, à 11 heures.

Des "places symboliques" en région

De nouveaux appels à manifester sur "les places symboliques" à Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Clermont-Ferrand ou Nice ont été lancés ces derniers jours sur les réseaux sociaux. A Toulouse, des mesures préventives ont été prises, dont le report à dimanche du match de Coupe de France entre Toulouse et Nice, initialement prévu samedi en fin d'après-midi. Le maire, Jean-Luc Moudenc, a regretté sur BFMTV l'organisation d'une "énième manifestation" susceptible "d'ouvrir des portes d'entrée pour la violence".

Certains "gilets jaunes" veulent organiser des marches en mémoire des onze personnes mortes en marge du mouvement, comme à Firminy (Loire), signale Le Progrès.

Toujours des blocages

Dans un courrier adressé aux préfets fin décembre, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, avait demandé la "libération complète et définitive" de la centaine de ronds-points encore occupés. Certains "gilets jaunes" ont tout de même choisi de célébrer la nouvelle année sur des campements, et des blocages se forment à nouveau ici et là, bien qu'il soit difficile d'évaluer leur nombre. La colère ne semble pas être totalement retombée sur les péages autoroutiers. En témoigne l'interpellation de manifestants au péage des Lèches (Dordogne), jeudi soir, alors qu'ils démontaient les barrières.

Un "acte 9" déjà en préparation

Le groupe "La France en colère" a lancé un événement sur Facebook pour organiser un rassemblement dans la ville de Bourges, qualifiée de "centre de la France". Difficile, là aussi, de savoir si cet appel sera réellement suivi dans les faits. La page Facebook "La France énervée" propose également un rassemblement sur le parvis de la Défense, près de Paris.

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5 janvier 2019

La chaîne RT surfe sur le mouvement des « gilets jaunes »

Par Alexandre Berteau, Alexandre Piquard - Le Monde

Alors que les contestataires se défient des médias traditionnels – BFM-TV en tête –, la déclinaison française de l’ex-Russia Today est l’un des médias qui trouvent grâce à leurs yeux.

« Après avoir protesté devant le siège de France Télévisions à Paris, les manifestants “gilets jaunes” ont croisé l’équipe de RT et continué à marcher dans la rue en scandant “Merci RT !” » La chaîne publique russe ne s’est pas privée de mettre en ligne, avec cette description, la courte vidéo filmée par l’un de ses journalistes, samedi 29 décembre. Alors que les contestataires se défient des médias traditionnels – BFM-TV en tête –, la déclinaison française de l’ex-Russia Today est l’un des médias qui trouvent grâce à leurs yeux.

« Quand j’ai dialogué avec des “gilets jaunes” venus manifester devant BFM-TV, cela m’a frappée qu’ils citent RT parmi leurs références, raconte Céline Pigalle, directrice de la rédaction de la chaîne d’information. A la faveur de ce mouvement, un média qui a tout juste un an émerge, en se mettant un peu dans leur roue. »

De fait, RT France revendique un quadruplement de ses vidéos vues sur Facebook au cours du premier mois de mobilisation, à 22 millions, et un triplement sur YouTube. Seulement diffusé sur Internet et les Freebox, le média n’a pas la puissance d’une antenne hertzienne comme BFM-TV, qui, elle aussi, bat des records. « Mais RT comprend parfaitement l’ADN des réseaux sociaux, analyse un journaliste d’une chaîne traditionnelle, mi-inquiet mi-fasciné. Elle ne touche pas le plus grand nombre, mais accompagne une communauté. »

« Délégitimer les démocraties libérales »

« Sur le terrain, dès que je sors mon micro RT, les “gilets jaunes” viennent me saluer », narre le reporter Lucas Léger. Une sympathie que la chaîne ne manque pas de mettre en scène, en republiant par exemple un extrait dans lequel un « gilet jaune » souhaite un bon rétablissement à « Nadège », une journaliste blessée dans une manifestation. La chaîne nie toutefois être complaisante. « Si les “gilets jaunes” nous apprécient, c’est parce qu’on leur donne la parole, pas parce qu’on est gentils avec eux », assure Xenia Fedorova, la directrice de RT France.

Le succès récent de RT est avant tout celui d’un format : le live, en direct des manifestations, diffusé parfois jusqu’à dix heures durant sur Internet. Ce flux suggère que « rien n’est coupé » et que « le journaliste n’est pas censuré », note sur Twitter le journaliste de Libération Vincent Glad, qui cite comme autres références médiatiques des « gilets jaunes » Rémy Buisine, producteur de live pour Brut, et Vincent Lapierre, ex-vidéaste pour Egalité et Réconciliation, le mouvement du polémiste antisémite Alain Soral.

Avec ses images d’immersion au cœur des manifestations, RT est parfois accusée de sensationnalisme. « C’est un argument facile pour nous connecter à je ne sais quelle puissance étrangère, balaie Xenia Fedorova. Mais les images de violences sur BFM-TV sont les mêmes. » Reste que RT a toujours couvert activement les mouvements sociaux : manifestations contre la loi travail en France, pour l’indépendance en Catalogne, « Occupy Wall Street » aux Etats-Unis… « Le “soft power” pratiqué par la Russie avec RT ne consiste pas à rendre ce pays plus attractif aux yeux des Occidentaux, mais à délégitimer les démocraties libérales en surmédiatisant les divisions de leur société », estime Maxime Audinet, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

La bienveillance des « gilets jaunes » envers RT est aussi liée au casting des invités. Des manifestants ont ainsi reproché à BFM-TV de ne pas accueillir certaines figures du mouvement, dont Etienne Chouard, cet enseignant connu pour sa défense du référendum d’initiative populaire, mais aussi pour sa dérive conspirationniste ou son soutien à Alain Soral. BFM-TV a pris contact avec M. Chouard, en vue d’un portrait. RT, elle, l’avait déjà invité longuement le 10 décembre, puis le 31 décembre.

« Télé-Poutine »

« Les “gilets jaunes” savent aussi que nous ne sommes pas bien vus par Emmanuel Macron », dit en souriant Mme Fedorova. En mai 2017, le président français avait qualifié RT et Sputnik « d’organes de propagande mensongère », notamment parce que l’agence russe Sputnik a relayé des rumeurs sur sa vie privée. Visée par la récente loi sur la manipulation de l’information, RT France conteste diffuser des infox (informations fallacieuses) et a déposé un recours contre la mise en demeure prononcée en juin par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour manquement « à l’honnêteté, à la rigueur de l’information et à la diversité des points de vue » dans un sujet sur la Syrie.

Avec l’Elysée, les relations restent tendues : la chaîne se plaint de ne pas obtenir d’accréditation presse, hormis lors de la venue de Vladimir Poutine à Paris, le 11 novembre dernier. Les ministres restent aussi absents de ses plateaux, même si des députés du parti d’Emmanuel Macron interviennent désormais parfois.

Dans ce contexte, le succès de la couverture des « gilets jaunes » par RT favorise son travail de dédiabolisation. Après avoir nommé à son comité d’éthique l’ex-président de Radio France Jean-Luc Hees, la chaîne a séduit Frédéric Taddeï en juillet. Depuis, l’émission de débats de l’ex-animateur de France 2 attire de nouveaux invités, comme Daniel Schneidermann, le fondateur d’« Arrêt sur images », pourtant critique de la chaîne russe. « Aller sur RT, c’est bien sûr participer à légitimer RT mais, sur les chaînes françaises, le débat d’idées est réduit à Ruquier et Ardisson », se justifie le journaliste. Ce dernier tient toutefois à préciser qu’il a profité de son passage sur « télé-Poutine » pour regretter que sa couverture des « gilets jaunes » contienne trop de « scènes de castagne ».

5 janvier 2019

Les « gilets jaunes » tentent de remobiliser pour l’« acte VIII », premier test de l’année 2019

Beaucoup de manifestants espèrent que la récente interpellation d’Eric Drouet, l’une des figures de la contestation, permettra de faire repartir le mouvement samedi.

Après une fin d’année marquée par un recul de la mobilisation, les « gilets jaunes » appellent samedi 5 janvier à une reprise du mouvement, espérant capitaliser sur l’interpellation médiatisée d’un des leurs, Eric Drouet, mercredi à Paris, pour relancer leur bras de fer avec le pouvoir. Certains de ses sympathisants, interpellés en marge de l’arrestation de M. Drouet mercredi soir à Paris alors qu’ils se rendaient place de la Concorde, ont demandé au Défenseur des droits d’ouvrir une enquête sur ces « atteintes à la liberté » destinées selon eux à « bâillonner » la contestation, ont indiqué samedi leurs avocats à l’Agence France-Presse (AFP).

Sur Facebook, les différents groupes de « gilets jaunes » appellent à tenir leur huitième samedi de mobilisation – l’« acte VIII » – sur les « places symboliques » des villes françaises (places des Brotteaux et Bellecour à Lyon, place de la Bourse à Bordeaux, places du Capitole et Wilson à Toulouse…).

A Paris, la Préfecture de police a annoncé vendredi avoir reçu deux déclarations de manifestation. La première concerne un rassemblement sur les Champs-Elysées suivi d’un déplacement vers la place de la Bourse. La seconde est une manifestation de la place de l’Hôtel-de-Ville jusqu’à l’Assemblée nationale, pour la première fois déclarée par le collectif « La France en colère », constitué autour de deux figures du mouvement, Priscillia Ludosky et Eric Drouet. Beaucoup de manifestants espèrent d’ailleurs que l’interpellation et la garde à vue de ce dernier, mercredi à Paris, permettront de remobiliser.

L’interpellation d’Eric Drouet est aussi vue par de nombreux de « gilets jaunes » comme un signal dissuasif envoyé par les autorités pour éviter les manifestations non déclarées. Face à cette « répression », « La France en colère » suggère à ses sympathisants de retirer leurs gilets jaunes pour « se présenter dans les rues, sur les places, comme les simples citoyens qu’ils sont ».

« La colère va se transformer en haine si vous continuez »

Discrétion ou démobilisation ? Vendredi en début d’après-midi, moins de 1 000 personnes s’étaient désignées comme « participants » sur l’événement Facebook créé par ce collectif. Samedi, des membres de « La France en colère » liront une « lettre ouverte citoyenne », diffusée depuis jeudi soir, pour répondre aux vœux d’Emmanuel Macron du 31 décembre.

« La colère va se transformer en haine si vous continuez, de votre piédestal, vous et vos semblables, à considérer le petit peuple comme des gueux », préviennent-ils notamment. « Changez d’attitude et accueillez-nous autour d’une table pour discuter », lancent-ils, rejetant par avance le grand débat national voulu par le président, « un piège politique ». « Nous ne sommes pas résignés [et] nous irons plus loin. (…) Ne vous pensez pas au-dessus des lois et de la volonté du peuple de France », affirment-ils, invoquant la révolution ukrainienne de 2013-2014 qui avait débouché sur la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch.

Des marches de « femmes gilets jaunes » sont également prévues dimanche. Sur l’événement Facebook du défilé parisien, les organisatrices qui s’affirment comme « complémentaires et solidaires aux hommes » promettent « une action coup de poing ». « Ce n’est pas une lutte féministe mais féminine », peut-on encore lire dans le texte de présentation.

Pour Griveaux, le mouvement « est devenu le fait d’agitateurs »

Depuis les mesures annoncées par Emmanuel Macron le 10 décembre pour gonfler le pouvoir d’achat, l’exécutif réclame un retour à « l’Etat de droit » et à « l’ordre républicain ». « Force doit rester à la loi », a déclaré vendredi le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, fustigeant les « gilets jaunes » qui poursuivent leurs actions malgré les annonces présidentielles.

Le mouvement, « pour ceux qui restent encore mobilisés, est devenu le fait d’agitateurs qui veulent l’insurrection et, au fond, renverser le gouvernement », a déclaré M. Griveaux. Le 29 décembre, le ministre de l’intérieur a demandé aux préfets de continuer « la libération complète et définitive » de la « centaine de points de rassemblements » subsistant en France, par tous les moyens légaux (recours à la force publique, contraventions…).

Très critiques, voire hostiles, envers les médias, les « gilets jaunes » entendent désormais les utiliser dans une guerre d’image face au gouvernement. Dans un Facebook Live jeudi soir à sa sortie de garde à vue, Eric Drouet s’est ainsi félicité d’avoir réussi un « coup de com’ » avec son interpellation devant les caméras.

« On a fait ça pour arriver là. On savait ce qu’ils [la police] ne voulaient pas qu’on fasse, même si c’était légal. (…) On savait un peu comment ça allait se passer », a-t-il expliqué. « Tout est une question d’image. Il va falloir jouer avec ça, a-t-il estimé. Il faut jouer des médias comme eux [le gouvernement] arrivent à jouer des médias. Ils essaient de nous faire passer pour des anarchistes, des casseurs. C’était la monnaie de leur pièce, il va falloir trouver d’autres idées comme ça. »

Autoroutes : le gouvernement demande aux concessionnaires un « geste » sur le prix des péages. L’équation est complexe, le calendrier périlleux. La ministre des transports, Elisabeth Borne, a reçu les sociétés d’autoroutes, vendredi 4 janvier, pour aborder les conséquences de la colère des « gilets jaunes » sur le réseau autoroutier et la hausse prochaine des tarifs des péages. Deux dossiers dont le télescopage pourrait faire des étincelles, alors que l’impact du prix des transports sur le pouvoir d’achat est l’un des premiers moteurs de la protestation. D’un côté, « les dégradations et les perturbations » que subit le réseau autoroutier depuis le début du mouvement. Selon les sociétés d’autoroutes, les dommages sur les barrières de péage et les pertes d’exploitation lors des opérations de péage gratuit se chiffrent en dizaines de millions d’euros. De l’autre, la révision des prix des péages au 1er février 2019. La ministre a appelé les concessionnaires à des gestes commerciaux.

3 janvier 2019

Gilets Jaunes

"Tout ce qui se passe ici est politique", dénonce le "gilet jaune" Eric Drouet à la sortie de sa garde à vue

Le chauffeur routier de Seine-et-Marne avait été interpellé mercredi à Paris pour "organisation d'une manifestation sans déclaration préalable".

"Tout ce qui se passe ici est politique". Interpellé mercredi soir à Paris, le "gilet jaune" Eric Drouet est sorti de garde à vue, jeudi 3 janvier. Accompagné de son avocat, le chauffeur routier de Seine-et-Marne a estimé : "La façon dont c'est fait c'est politique, même eux n'ont pas l'habitude que ça se déroule comme ça". L'homme a précisé : "Que des hauts gradés assistent à l'audition, que ça soit eux-mêmes qui posent des questions c'est du jamais-vu, c'est complètement politique (..) on a été auditionnés au moins quatre ou cinq fois sur les mêmes sujets."

On cherche à nous mettre des responsabilités sur le dos alors qu'il n'y en a pas du tout.

Eric Drouet à BFMTV

Placé en garde à vue pour "organisation d'une manifestation sans déclaration préalable", Eric Drouet, figure controversée du mouvement, a été interpellé la veille au soir près des Champs-Elysées, où il avait appelé à mener une "action" et à "choquer l'opinion publique". "Avec ou sans moi ça continuera", a prévenu le "gilet jaune".

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Arrestation du "gilet jaune" Éric Drouet : "Un pouvoir en panique"

L'interpellation d’Éric Drouet, leader des "gilets jaunes", fait réagir la classe politique. Jean-Luc Mélenchon dénonce "une police politique" alors que la majorité parle d'un "retour à l'ordre républicain".

Évacuations de ronds-points, destructions de camps... Depuis maintenant une dizaine de jours, le gouvernement affiche sa fermeté envers le mouvement des "gilets jaunes". Partout en France, les manifestants sont délogés et parfois arrêtés pour "manifestation illicite" comme Éric Drouet, mercredi 2 janvier. Le lendemain matin sur France Inter, Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, assume ce changement de ton.

"Scandaleuse arrestation"

Après cette arrestation, le Rassemblement national et La France insoumise dénoncent une instrumentalisation politique des forces de l'ordre. "Cette arrestation est scandaleuse. Ce pouvoir est en panique", estime le député RN Gilbert Collard joint au téléphone par France 2. Le 29 décembre, Christophe Castaner avait demandé aux préfets la libération complète et définitive de tous les lieux de blocage.

3 janvier 2019

Gilets Jaunes

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3 janvier 2019

Jean-François Kahn : « Sur le traitement des “gilets jaunes”, une autocritique des médias s’impose »

Par Jean-François Kahn, essayiste, ancien directeur de L'Evénement du jeudi et de Marianne

L’essayiste et ex-journaliste Jean-François Kahn estime, dans une tribune au « Monde », que le temps est venu pour chaque grand média de « mettre ses erreurs sur la table » à propos du traitement d’un mouvement qui « charriait le pire à côté du meilleur ».

Pas de faux procès : non, Le Monde, au-delà des ambiguïtés esthétiques, n’a jamais voulu comparer Macron à Hitler. Pas de faux-semblant non plus : non, concernant le phénomène « gilets jaunes », il n’y a pas eu dérive de dernière minute.

Depuis le début, pour qui l’a observé de près de rond-point en rond-point, le mouvement des « gilets jaunes », en partie, mais en partie seulement, spontané, non pas apolitique (ce qui ne veut rien dire), mais expression des colères et aspirations ambivalentes du pays profond, amplifié d’abord par les extrêmes droites puis, rapidement, grossi par l’extrême gauche, portait à la fois le pire et le meilleur, le rouge et le noir, une générosité ouverte et des rancœurs fermées, un lumineux besoin de communion et la haine assassine du hors-communion, le « sublime et l’abject » comme l’a fort bien exprimé Christiane Taubira, ou plutôt le poignant et le poisseux, le vécu et le fantasmé. (Macron, rageusement exécré, étant trop fréquemment rhabillé, non seulement en agent des riches, mais aussi en homosexuel, en juif et en franc-maçon !)

Depuis le début… Simplement il y eut, pendant quatre semaines, une obligation, que certains médias, de tous bords, se firent à eux-mêmes, d’occulter la part du réel qui les dérangeait. Le Monde ne nous offrit-il pas une description idyllique de la belle « fusion », sur certains ronds-points, de militants lepénistes et mélenchonistes ?

Un mouvement effectivement et réellement populiste émerge

On aimerait, en conséquence, qu’on nous explique. Hier – et ce fut une grave faute que l’on paye très cher – on qualifiait de « populiste » tout ce qui dérangeait, tout ce qui n’était pas conforme à la conception que les « qualifiants » avaient de l’ordre établi. De leur ordre établi. Concept-valise, paresseux, dans lequel on pouvait enfourner n’importe quoi, n’importe qui, et qui donnait à croire que c’est la racine « peuple » qui rendait le qualificatif diabolisant. Le lepénisme en fit ses choux gras.

Or, voilà que, soudain, un mouvement effectivement et réellement populiste émerge. Et – ô surprise ! – ceux-là mêmes qui usaient et abusaient de cet étiquetage infamant (Le Monde ne fut pas le seul à en être) applaudirent, au moins dans un premier temps, à tout rompre. Le « peuple », comme le proclamait également l’hebdomadaire Marianne, s’ébrouait, et ne pas jouer du violon sous son balcon, ou plutôt sur ses ronds-points, faisait de vous un ennemi du peuple. On sait comment on traite, généralement, les « ennemis du peuple ».

J’ai marqué, à ce sujet, mon désaccord avec et dans un journal qui m’est cher. On me permettra de le réitérer avec et dans un journal qui me fut si longtemps très cher.

Depuis des décennies, à gauche, dans les médias de gauche, on traquait tout ce qui pouvait apparaître comme une simple ambiguïté à l’égard de l’extrême droite : abordait-on la question de la sécurité, se refusait-on à tout déni du réel à propos des réactions suscitées par l’ampleur des flux migratoires… on était illico lepénisé. Ce dont le Rassemblement national (ex-Front national), à qui on livrait ainsi tout cru des électeurs, ne pouvait que se réjouir.

Une vague en partie initiée par les différentes extrêmes droites

Or, le pays a été secoué par une vague protestataire en partie initiée par les différentes extrêmes droites, dont seules, tout naturellement, ces extrêmes droites raflent les dividendes (la droite, l’extrême gauche et la gauche perdant, elles, toutes leurs mises) et – stupéfaction ! –, ceux-là mêmes qui dressaient des listes d’intellectuels suspects d’être récupérables par le Rassemblement national firent assaut d’enthousiasme laudateur.

Analyser la radicale singularité d’un mouvement qui, hors de tout cadre institutionnel, fût-il syndical ou associatif, exprimait des rages et souffrances qui remontaient des tréfonds, s’imposait et on ne fut, à cet égard, privé d’aucun commentaire de philosophes ou, surtout, de sociologues, de préférence d’extrême gauche, tirant à eux tous les fils des chasubles couleur colza. Mais, une radicale singularité, il y en avait une autre, qui eut mérité, elle aussi, qu’on lui consacrât des articles analytiques, c’est que, pour la première fois depuis la Libération, la gauche radicale, entraînant la gauche pépère dans son sillage, s’est ralliée à une entreprise d’abord relayée et boostée par l’extrême droite, allant ici et là (et pas seulement sur les ronds-points) jusqu’à fusionner avec elle. Au point que, sur les réseaux sociaux, on ne sait plus qui est qui.

C’est précisément une telle convergence qu’assuma le Parti communiste stalinien allemand, au début des années 1930, dont le chef Ernst Thälmann écrivait « la social-démocratie, en évoquant le spectre du fascisme, tente de détourner les masses d’une action vigoureuse contre la dictature du capital ». Cela n’eût-il pas mérité une prise de position ? L’affichage d’une opinion ? Doit-on se résoudre à l’émergence, demain – pourquoi pas ? -, d’un fascisto-néobolchevisme comme certains propos entendus y renvoient ? Se résoudre à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite (toutes les enquêtes d’opinion la rendent possible) en s’imaginant, vieille illusion, que cela permettrait à la gauche de se refaire ? Après avoir excommunié, à tort, le concept même d’identité, devait-on manifester à côté des identitaires ?

Ces toasts de haine beurrés de haine

Dès lors, que reste-t-il des appels à élever, face aux menaces extrêmes droitières, des barrages de type « front républicain » ? Plus rien ! Que reste-t-il de la dénonciation des complaisances supposées de la droite avec l’extrême droite ? Plus rien ! Effondrement rhétorique et tactique qui risque de déboucher sur une catastrophe stratégique. Cela ne méritait pas d’être pointé ?

Fallait-il, comme grisés par des relents de romantisme révolutionnaire post-adolescent, attendre si longtemps avant de prendre la mesure de ce que ce mouvement charriait de pire à côté du meilleur, du plus navrant à côté du plus enthousiasmant ? Le meilleur a tellement, et si bien, été souligné, avec raison, dans vos colonnes, que je n’y reviens pas. Le pire, minimisé en revanche, outre certains « dérapages », comme on dit, antisémites ou homophobes : l’intolérance à tout avis divergent ; ces toasts de haine beurrés de haine chaque matin en attendant la soupe de haine le soir ; l’ultraviolence verbale ouvrant le champ des intimidations et des exactions physiques (conséquence d’une convergence entre zadistes de gauche et zadistes de droite) ; rejet de la démocratie représentative ; hallucinations complotistes ; attaques réitérées contre les symboles du secteur public. Pour être représentant des « gilets jaunes » il fallait ne pas être syndiqué et n’avoir pas milité dans un parti. Ça n’interpellait pas ?

Cautionner la « manoeuvre »

Au demeurant, le meilleur aussi eût justifié certaines interrogations. En parcourant la France des « gilets jaunes » qu’entendait-on évoquer obsessionnellement ? Le « déni de démocratie » qui consista à faire passer, sans retour devant les électeurs, un traité constitutionnel qui avait été refusé par référendum. Or, tous les grands médias, dont Le Monde, cautionnèrent cette « manœuvre » en s’abstenant de la critiquer. Et ils incendièrent le premier ministre grec qui avait osé demander l’avis de son peuple.

Quel autre argument tournent-ils en boucle dans le milieu « gilets jaunes » ? La référence à ce crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et à ce « pacte de compétitivité » qui firent remise aux entreprises de 43 milliards d’euros sans aucun ciblage (les grandes surfaces en furent les grandes bénéficiaires) et, surtout, sans exigence de la moindre contrepartie en matière de création d’emplois.

Or, là encore, tous les grands médias, dont Le Monde, saluèrent ce tournant, qui signifiait approbation de l’idée que l’offre constituait le seul véritable moteur de la relance et que le quasi unique facteur de notre perte de compétitivité était le « coût du travail ». (Le travail qui cessa, dès lors, d’être considéré comme une nécessité sociale pour être réduit à un coût !) A quoi on ajoutera qu’on déclara incontournables les impératifs de Maastricht en matière de déficit budgétaire. On avait peut-être raison. (Personnellement, j’avais voté oui et j’estime peu responsable, critères de Maastricht ou pas, de dépasser, de façon répétitive, 3 % de déficit budgétaire.) Mais on ne peut sanctifier un mouvement qui rejette et même diabolise tout ce qu’on avait précédemment sanctifié. Ou bien on s’est trompé hier ou bien on se trompe aujourd’hui.

Tout le monde a commis et commet des bourdes. J’ai, entre autres, à propos de l’affaire DSK, proféré naguère une condamnable incongruité que Le Monde eut parfaitement raison de mettre en relief. J’ai aussitôt reconnu la lourde faute. Pourquoi, à l’occasion de cette crise, qui nous interpelle tous, chacun, grands médias compris, ne mettrait pas ses erreurs sur la table (le soutien à cette catastrophe que fut l’intervention en Libye par exemple ou la défense d’un scrutin électoral qui veut que 24 % des suffrages valent 70 % des députés) ?

Cette autocritique s’impose. Déjà les interpellations se font plus cinglantes et sont prétexte à de honteuses remises en question de la liberté de la presse et de la fonction médiatique. Si, une fois de plus, on s’en exonère, cela risque, cette fois, de faire des ravages.

Jean-François Kahn est un journaliste et écrivain, ancien directeur de « L’Evénement du jeudi » et de « Marianne », il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « M, La Maudite », (éd. Tallandier, 678 pages, 24,50 euros)

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