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Jours tranquilles à Paris
pedophilie
29 novembre 2019

Philippe Barbarin : « J’ai fait tout ce que je croyais pouvoir faire »

Par Pascale Robert-Diar 

Le cardinal comparaît à son initiative devant la cour d’appel de Lyon pour contester sa condamnation, en mars, à six mois d’emprisonnement avec sursis pour « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs ».

Il y a neuf mois, cinq prévenus dont Philippe Barbarin, cardinal de Lyon en exercice, un archevêque et un évêque étaient attraits devant le tribunal correctionnel de Lyon par l’association La Parole libérée pour « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs. » L’enjeu, revendiqué par les plaignants, était de faire de cette audience le réceptacle d’un débat de société sur le silence coupable de l’Eglise face à la pédophilie.

Jeudi 28 novembre, devant la cour d’appel de Lyon, c’est un homme seul, cardinal « en retrait » de ses fonctions, qui comparaît à son initiative pour contester sa condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis. Et ce n’est plus tout à fait le même procès.

barbarin

« Pourquoi faites-vous appel ? », lui demande le président Eric Seguy. « J’utilise un droit que la justice française me donne », répond Philippe Barbarin. Avec la motivation du jugement qui l’a condamné le 7 mars, le cardinal dispose d’un atout : il sait sur quoi il doit se battre et sur quoi il peut céder. De cette feuille de route, il ne s’écarte pas, se montrant plus humble sur certains points et plus offensif sur d’autres.

Le souci d’éviter le « scandale public »

Ainsi de son entretien, en mars 2010, avec Bernard Preynat. Les plaignants soutiennent que dès cette date, Philippe Barbarin a eu conscience de la gravité des faits reprochés à l’ancien aumônier scout et n’a rien dit.

« J’entends des bruits, des rumeurs. Bernard Preynat me dit qu’il y a eu des trucs mais me certifie qu’il ne s’est plus rien passé depuis 1991.

– Les rumeurs, les trucs, c’était quoi ? Qu’il leur apprenait à tricher au Monopoly ? ironise l’un des avocats des plaignants, Me Jean Boudot.

– Ce n’était pas clair. Personne ne m’a rien dit. Ni les parents, ni les autres prêtres qui savaient. Moi, je suis là depuis 2002, je ne vais pas refaire l’histoire avant 1991 ! »

Il reconnaît toutefois : « Je m’en veux de ne pas lui avoir posé de questions plus précises. Je n’ai pas eu le courage, à ce moment-là, de lui demander de nommer les faits. »

La concession ne présente pas grand risque. Si, dans son jugement du 7 mars, le tribunal avait suivi les parties civiles en estimant que le délit de non-dénonciation d’agressions sexuelles était bel et bien constitué à compter de mars 2010, il relevait que, concernant cette période, les faits sont prescrits.

L’enjeu du procès en appel porte bien davantage sur l’attitude de Philippe Barbarin en 2014, quand il reçoit les confidences d’Alexandre Hezez, et en 2015, quand ce dernier l’informe avoir connaissance d’autres victimes de l’ancien aumônier scout.

A l’appui de sa décision de condamnation, le tribunal avait en effet estimé que le souci d’éviter le « scandale public » avait été, pour lui, la « seule priorité qu’il convenait de servir. » Philippe Barbarin, indiquait le jugement, « a fait le choix en conscience » de ne pas transmettre au procureur les faits qui lui étaient rapportés, « pour préserver l’institution à laquelle il appartient » alors qu’il était « dans l’obligation de dénoncer ces faits. »

« Personne n’a bougé »

A la barre, Philippe Barbarin conteste vigoureusement cette interprétation. « Pourquoi attend-on de moi que je porte plainte, vingt ans après, alors que des paroissiens et des parents ne l’ont pas fait à l’époque ? C’est une question que l’on peut se poser. Personne n’a bougé. Aujourd’hui, je reçois des lettres de gens qui me demandent : “Mais pourquoi ça tombe sur vous ? Nous aussi, on savait et on n’a rien dit. On en parlait partout, à la boulangerie, à la boucherie.” Une quinzaine de familles au moins pourraient témoigner. Il y a même une victime qui m’a dit : “Je m’attaque à vous car je ne vais quand même pas attaquer mon père.” »

Alexandre Hezez, rappelle-t-il, lui avait précisé que les agressions sexuelles le concernant étaient prescrites. « Ni dans sa tête, ni dans la mienne, il n’y avait l’idée de porter plainte. Il m’a dit qu’il s’en voulait de ne pas l’avoir fait. »

Le cardinal poursuit : « Les consignes de l’Eglise [sur la dénonciation d’agressions sexuelles portées à sa connaissance] sont très claires pour des faits qui se passent dans le présent. Mais personne ne dit ce qu’il faut faire pour des faits qui se sont produits il y a vingt ans. »

« Considérez-vous que Rome est un supérieur auquel vous devez obéir ? lui demande la cour

– Je n’avais pas d’accès à la justice. Tandis qu’à Rome, j’en avais un. J’ai fait tout ce que je croyais pouvoir faire. »

« L’Eglise a changé, la société également »

Philippe Barbarin en dresse l’énumération : « J’ai parlé directement avec le pape, je lui ai demandé de recevoir les victimes ou de leur écrire, ce qui n’a pas été fait. J’ai obtenu la levée de la prescription canonique et j’ai donné la sanction maximale que je pouvais donner [contre Bernard Preynat].

Il dit surtout avoir encouragé Alexandre Hezez à trouver d’autres victimes susceptibles de porter plainte. Confronté au cardinal, celui-ci dément. « Je suis très embêté. C’est toujours difficile de penser qu’un évêque ment ou oublie. Mais Philippe Barbarin ne m’a jamais, jamais, demandé de trouver d’autres cas. On n’était pas du tout dans une démarche où lui s’occupait de Rome et moi de la justice. » Philippe Barbarin réaffirme, imperturbable : « Je lui ai dit : “On va en trouver d’autres.” » Il insiste : « J’ai fait tout ce que j’ai pu de l’endroit où j’étais. »

« Agiriez-vous différemment aujourd’hui ? lui demande le président de la cour.

– Evidemment.

– Vous avez donc changé ?

– L’Eglise a changé. La société également. »

Le réquisitoire de l’avocat général Joël Sollier est attendu ce vendredi matin. Comme en première instance, le parquet va requérir la relaxe de Philippe Barbarin.

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25 mars 2019

Enquête - Des catholiques atterrés veulent du changement

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Par Cécile Chambraud - Le Monde

L’idée que l’Eglise catholique traverse une crise profonde gagne du terrain parmi les catholiques engagés. Beaucoup expriment désormais la volonté d’agir pour changer l’institution.

Le refus par le pape François de la démission du cardinal Philippe Barbarin aura été le coup de grâce. En un mois, l’accumulation des informations liées à des scandales a laissé bien des catholiques groggy. Ils ont successivement appris que l’ancien cardinal américain Theodore McCarrick, accusé d’agression sexuelle sur un mineur, avait été défroqué ; la mise en cause du nonce dans une affaire d’atteinte sexuelle ; la sortie du film de François Ozon sur les victimes du père Preynat ; la publication du livre Sodoma sur l’homosexualité, pourtant peccamineuse aux yeux de l’Eglise, de nombre de ses hiérarques ; la diffusion d’un documentaire d’Arte montrant l’ampleur des viols de religieuses par des prêtres ; la condamnation à six ans de prison, en Australie, du cardinal George Pell, numéro trois du Vatican, pour agression sexuelle sur mineur.

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Déjà, l’été précédent, il avait fallu encaisser le décompte des enfants victimes de prêtre dans les diocèses de Pennsylvanie et d’Allemagne au cours des dernières décennies. « Accablement », « colère », « humiliation », « stupeur » : chacun cherche aujourd’hui à exprimer le sentiment qui domine après cette série.

Certes, des catholiques continuent de voir une volonté de nuire à leur Eglise derrière certaines révélations. Mais le réflexe obsidional cède de plus en plus souvent devant les faits. L’idée que l’Eglise catholique traverse une crise profonde gagne du terrain. Des comparaisons historiques sont tentées. On fait appel à l’époque pré-grégorienne, aux papes Borgia, au grand ébranlement de la Réforme.

Emerge la conviction que l’épreuve sera de longue durée. « J’ai clairement le sentiment que ce n’est pas moi qui verrai le renouveau de l’Eglise, explique l’essayiste et blogueur Erwan Le Morhedec, et peut être pas même mes enfants. Mais nous sommes à un moment historique que nous n’avons pas le droit de rater. » « L’Esprit mène l’Eglise vers la vérité tout entière, croit François Debelle, diacre à Marseille. Nous vivons une lame de fond qui va tout balayer, cette génération, ceux qui ont peur de se dévoiler, ceux qui continueront de se mettre en travers. » « Une perte de confiance dans la hiérarchie se répand », assure Guillaume de Prémare, délégué général de l’association Ichtus.

« On ne peut plus se cacher derrière son petit doigt »

Ces révélations sont douloureuses. « Avec ce martèlement des affaires, explique Erwan Le Morhedec, nos digues personnelles sont attaquées. » Certains sont touchés de près. « Plusieurs figures spirituelles qui m’ont conduit vers l’Eglise ont dérapé. Un prêtre qui m’a marqué a fait six ans de prison pour attouchements sexuels », témoigne Arnaud Bouthéon, un ancien de la Manif pour tous toujours très investi dans la vie chrétienne. François Debelle a jeté sa « colère » dans un glossaire de la pédophilie lorsqu’il a appris qu’un ami prêtre avait été condamné à de la prison pour viol d’enfant. A Versailles, avec d’autres mères de famille, Camille de Metz-Noblat, une fidèle qui a longtemps été « un pur produit clérical qui ne remettait pas en cause la hiérarchie », vient de fonder une association d’aide aux victimes d’abus, face à ce qu’elle estime être l’inertie du diocèse dans un cas qui l’a touché de près.

Au-delà de la consternation, commence à s’exprimer la volonté d’agir pour changer. Car l’idée que quelque chose, dans la configuration organisationnelle et doctrinale de l’Eglise, a contribué au désastre commence à infuser. Erwan Le Morhedec l’a résumé ainsi dans une chronique publiée par La Vie, le 14 mars : « Il n’est plus possible de laisser perdurer le système ecclésial actuel. (…) La révolte qui habite les cœurs et les entrailles des fidèles de toutes sensibilités ne peut pas rester lettre morte. » « On ne peut pas simplement se dire qu’on va passer à autre chose. On ne sait plus ce qui tient debout aujourd’hui », plaide l’essayiste. « Les révélations sont telles qu’on ne peut plus se cacher derrière son petit doigt », dit François Mandil, délégué national des Scouts et guides de France.

La difficulté, c’est que l’Eglise n’a pas la culture du débat. Sa structure verticale, qui met à part et en haut les hommes ordonnés (évêques et prêtres essentiellement), ne la favorise pas. Risquer une critique, formuler une proposition de réforme, c’est encourir le reproche de menacer la « communion » ecclésiale. Pourtant, les catholiques qui expriment l’urgence d’une réforme le font bien de l’intérieur. « Je ne suis pas dans la confrontation, je veux être dans une démarche ecclésiale, insiste Erwan Le Morhedec. Mais le sentiment qu’il n’est pas possible d’attendre que le mouvement vienne des évêques est largement partagé. » « On ne se parle pas, regrette Arnaud Bouthéon. Les évêques sont perdus, les prêtres sont perdus, les laïcs sont perdus et on ne se rencontre pas. » Les canaux du dialogue sont à inventer.

« Créer des lieux de dialogue »

« Que faire ? Il y a à l’évidence une réflexion profonde à mener sur le rapport au pouvoir, au service. La position du prêtre au-dessus de tout ne va pas pouvoir tenir », affirme François Mandil. « S’il vous plaît les chrétiens, cessez de nous appeler mon père, appellation infantilisante et de nous mettre ainsi nous, les prêtres, sur un piédestal », a conjuré sur Facebook Frédéric Ozanne, prêtre, « aumônier scout et salarié du bâtiment ». Mais certains ne croient pas à une véritable remise en cause. « La structure fondamentale du pouvoir ne bougera pas, prédit Guillaume de Prémare. Le pouvoir est lié au sacerdoce, aux évêques comme successeurs des apôtres. » François Debelle propose de séparer le pouvoir temporel de la paroisse, confié à un « président » laïc, du pouvoir spirituel du prêtre.

« Ce qui manque, pour moi, ce sont les contre-pouvoirs. Un ecclésiastique n’a de compte à rendre à personne. Et pour instaurer des contrepoids, il faut créer une culture de la discussion franche, des lieux de dialogue », estime Monique Baujard, une ancienne directrice (laïque) du service famille et société de la Conférence des évêques de France. Pour elle, l’Eglise doit penser autrement son organisation : « Aujourd’hui, les évêques organisent leur diocèse en fonction des prêtres disponibles. Il faudrait plutôt réfléchir en fonction des besoins des communautés. Se demander : de quoi les catholiques ont-ils besoin pour vivre leur foi dans une société où ils sont minoritaires ? Ce n’est pas seulement de prêtres. » D’ailleurs, « a-t-on besoin d’autant de diocèses, d’administration territoriale lorsqu’on est en terrain missionnaire, comme aujourd’hui ? », interroge Arnaud Bouthéon.

La place des laïcs à des postes de décision à tous les niveaux est réclamée par beaucoup. Celle des femmes aussi, même si la plupart ne veulent pas ouvrir, à ce stade, la question du sacerdoce pour elles. Il y a quelques jours, l’archevêque de Poitiers, Pascal Wintzer, a provoqué un certain émoi en évoquant favorablement la possibilité d’ordonner prêtres des hommes mariés – une hypothèse d’ailleurs à l’étude au Vatican. « Il y a trois ans, ça n’aurait pas été possible », observe François Mandil. La question de « la solitude des prêtres » est fréquemment évoquée.pedo23

« La quête de sens demeure »

Véronique Margron a entamé pour sa part un travail de fond. Dans un livre à paraître le 28 mars, Un moment de vérité (Albin Michel, 192 pages, 18 euros), cette dominicaine qui préside la conférence des religieux de France dissèque, dans « la façon dont est organisée, pensée l’institution catholique », ce qui, selon elle, a favorisé « ce scandale, ce désastre » à la « dimension collective ». « C’est une bonne partie de notre théologie qu’il faut reprendre, écrit-elle. Nous devons à nouveau réfléchir sur la conception de la paternité de Dieu, le sens des sacrements et spécialement la place du célébrant, la question de l’Eglise mère. »

« Comment notre discours sur la sexualité a-t-il pu amoindrir notre lucidité, notre conscience face à ces crimes, s’interroge-t-elle dans son bureau de provinciale des dominicaines. Nous avons tellement lié l’ordre du bien et du mal à celui du permis/pas permis que nous avons induit une collusion spirituelle entre, par exemple, les relations sexuelles préconjugales et les violences sexuelles sur des enfants. » Un afflux de nouveaux témoignages lui sont parvenus après la diffusion du documentaire d’Arte sur les religieuses violées.

Certains s’impliquent. François Debelle veut constituer un site Internet qui soit un « centre de ressources » pour lutter contre la pédophilie. L’association de Camille de Metz-Noblat est entrée en contact avec d’autres associations de victimes. D’autres font appel à un concept théorisé par Benoît XVI pour affronter la sécularisation, celui d’une Eglise retournée à l’état de « minorité créative » capable de façonner l’avenir. Fondateur d’Anuncio, un mouvement de laïcs qui se consacre à l’évangélisation, Raphaël Cornu-Thénard est convaincu que le salut de l’Eglise ne se trouve pas « au niveau organisationnel », mais dans un retour à « une vie mystique », tendue vers « l’union à Dieu ». « La quête de sens demeure. Si l’Eglise n’est pas uniquement orientée vers l’union à Dieu, alors on est dans la préservation des murs », affirme-t-il.

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Et aussi les viols de religieuses !

19 mars 2019

Pédophilie dans l'Eglise : le cardinal Barbarin décide de se "mettre en retrait" malgré le refus de sa démission par le pape

pape

Le plus haut responsable catholique français a été condamné début mars pour ne pas avoir dénoncé les agressions sexuelles d'un prêtre de son diocèse.

Le cardinal Barbarin a annoncé dans un communiqué, mardi 19 mars, que le pape François avait refusé sa démission mais qu'il avait tout de même décidé de se "mettre en retrait pour quelque temps". "En invoquant la présomption d’innocence, [le souverain pontif] n'a pas voulu accepter cette démission", écrit-il. Philippe Barbarin précise qu'il sera remplacé par le père Yves Baumgarten.

Philippe Barbarin a été condamné à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les agressions sexuelles d'un prêtre de son diocèse. Le tribunal de Lyon a déclaré l'archevêque de Lyon "coupable" de n'avoir pas signalé à la justice en 2014 et 2015 les agressions pédophiles commises sur des scouts, un quart de siècle plus tôt, par le père Bernard Preynat.

Coupable d'avoir voulu "préserver l'institution"

Mais les avocats du cardinal Barbarin ont fait appel de cette condamnation. Le jugement reproche au religieux de 68 ans – qui avait martelé durant le procès, début janvier, n'avoir "jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles" – d'avoir "fait le choix en conscience" de ne pas informer la justice "pour préserver l'institution à laquelle il appartient".

"Je suis étonné, je ne m'attendais pas à ce scénario qui est intermédiaire entre les deux scénarios prévisibles", a réagi le président de la Conférence des évêques, Georges Pontier. Selon lui, cette situation "inédite" résulte du "conflit entre deux exigences", celle de "respecter le cheminement de la justice" et celle de "se préoccuper du bien du diocèce de Lyon".

Archevêque de Lyon depuis 2002, cardinal depuis 2003, primat des Gaules, le cardinal Barbarin est le plus haut dignitaire catholique français et sa condamnation a fait l'effet d'un coup de tonnerre. Avant lui, deux évêques ont déjà été condamnés pour des faits similaires en 2001 et 2018 mais, depuis trois ans, le scandale lyonnais incarne la crise de l'Église face à la pédophilie.

18 mars 2019

La démission du cardinal Barbarin pas encore acceptée par le Pape

François attend les suites de l'appel du cardinal et du parquet pour se prononcer. Pour l'instant, le primat des Gaules reste en poste.

Visiblement, il ne s'est rien passé au Vatican ce lundi entre le pape François et le cardinal Barbarin. L'archevêque de Lyon - officiellement reçu de 10 heures à 10 h 30 - a remis sa lettre de démission au chef de l'Église catholique. Les deux hommes ont échangé. Puis le rendez-vous suivant est arrivé. La matinée du Pape était très chargée. Il enchaînait les audiences. Deux heures plus tard, le bulletin officiel de la salle de presse du Vatican a confirmé sur un mode laconique que la rencontre avait bien eu lieu.

Il était par ailleurs rigoureusement impossible d'approcher le cardinal français. Ses communicants répondaient aux abonnés absents. Devant l'affluence journalistique, Alessandro Gissotti, en charge de la salle de presse du Vatican, a toutefois dû préciser, vers 13 heures, qu'«aucune autre communication» - tant de la part du Vatican que du diocèse de Lyon - n'interviendrait pour le moment.

barbarin pape

13 mars 2019

En Australie, le cardinal Pell condamné à six ans de prison pour pédophilie

charlie hebdo

Le prélat de 77 ans avait été reconnu coupable de viol et d’agressions sexuelles sur deux mineurs de moins de 16 ans dans les années 1990.

Plus haut représentant de l’Eglise à avoir été traduit en justice pour des faits de pédophilie, ex-numéro trois de la curie romaine, le cardinal australien George Pell a été condamné dans son pays, mercredi 13 mars, à six ans de prison. Il risquait jusqu’à cinquante ans de réclusion criminelle.

Le prélat « a droit à une justice équitable et constante », a fait valoir le juge du tribunal de Melbourne, Peter Kidd, en rendant sa sentence, regrettant la « mentalité de meute » d’une partie de l’opinion publique. « Vous ne devez pas servir de bouc émissaire. Je ne suis pas là pour juger l’Eglise catholique », a encore souligné le magistrat, martelant que seul l’examen des faits comptait.

Des répercussions « profondes » et « durables »

George Pell, qui clame son innocence et a fait appel de sa condamnation, avait été reconnu coupable en décembre 2018 de pénétration sexuelle et de quatre chefs d’attentat à la pudeur contre deux enfants de chœur alors âgés de 13 ans en 1996 et 1997. Mais ce verdict n’a pu être annoncé que fin février pour des raisons juridiques.

Mercredi, le juge a énuméré les crimes commis par le prélat aujourd’hui âgé de 77 ans, expliquant qu’ils avaient des répercussions « profondes » et « durables » sur une victime encore en vie aujourd’hui et probablement sur l’autre, décédée par la suite d’une surdose d’héroïne.

Le juge Kidd a expliqué avoir tenu compte des « crimes odieux » commis par le prélat pour rendre sa sentence. Mais il a aussi mis dans la balance son âge avancé, ses problèmes cardiaques et le fait qu’il avait « par ailleurs mené une vie irréprochable ».

« C’est difficile de trouver du réconfort »

Les victimes ont témoigné de leur déconvenue face à ce jugement relativement clément, bien que la procédure judiciaire ne soit pas terminée.

Devant le tribunal de Melbourne, des victimes d’abus sexuels de la part de membres de l’Eglise catholique manifestent alors qu’est prononcée la sentence contre le cardinal Pell, le 13 mars. | WILLIAM WEST / AFP

« C’est difficile de trouver du réconfort » dans cette décision, a déclaré la victime identifiée seulement par l’initiale « J » par la voix de son avocate Vivian Waller. « Je suis reconnaissant que le tribunal ait reconnu ce qui m’a été infligé quand j’étais enfant mais je ne connais pas le repos » car « plane l’ombre de la procédure d’appel ». Le père de l’autre victime, morte en 2014, a, lui, fait part de sa « déception ».

Le condamné saura début juin s’il aura droit à un procès en appel. La défense argue que le verdict est « déraisonnable » et que la décision se fonde sur le témoignage de la seule des deux victimes encore en vie, qui plus est sur des faits vieux de plus de deux décennies.

Elle dénonce aussi le fait que le juge ne lui ait pas permis de diffuser à l’audience une animation vidéo qui aurait pu, selon elle, jeter un doute sur la possibilité pour deux enfants de chœur de se retrouver seuls dans la sacristie après la messe du dimanche.

Le prélat est accusé d’avoir imposé, en décembre 1996, une fellation à l’un des deux enfants et de s’être masturbé en se frottant contre l’autre, alors que les garçonnets s’étaient cachés dans la sacristie de la cathédrale de Melbourne pour y boire du vin de messe. Deux mois plus tard, il aurait poussé l’un des adolescents contre un mur pour lui empoigner les parties génitales.

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8 mars 2019

François Ozon réagit à la condamnation du cardinal Barbarin

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Le 20 février dernier sortait dans les salles Grâce à Dieu, un film de François Ozon relatant les débuts de l'association La Parole Libérée ainsi que le parcours d’Alexandre Hezez et d'autres victimes du père Preynat. En parallèle, s'est conclu jeudi 7 mars, le procès du cardinal Barbarin, condamné à six mois de prison avec sursis, pour avoir gardé le silence sur les agissements du prêtre. À cette occasion, François Ozon a accepté de revenir sur cette condamnation dans les pages de Libération.

 « Je pense que ce jugement est une victoire symbolique très importante pour la protection de l’enfance en France. Il est en phase avec la société d’aujourd’hui et acte de la prise de conscience de la fin d’une impunité quant aux crimes de pédophilie », a indiqué le réalisateur. Et d’ajouter : « À travers le cas du cardinal Barbarin, la non-dénonciation d’actes pédophiles est enfin reconnue comme une véritable infraction aux yeux du grand public. À mon avis cela va permettre une libération de la parole encore plus importante et dans beaucoup de domaines. »

Questionné sur son film Grâce à Dieu, François Ozon a ainsi ajouté : « J’ai essayé de montrer l’intimité des victimes et les répercussions de la libération de leur parole sur leur entourage, toute cette partie de l’iceberg donc ne parlaient pas les journalistes, qui s’en tenaient aux faits et que le public ne connaissait pas. Il est certain que mon film, en montrant leur combat, leur donne un statut de héros […] vu la force, l’intelligence et l’endurance qu’ils ont dû déployer pour en arriver jusqu’à ce jugement. » Si aucune date n'a été donnée pour l'instant, le procès du père Preynat devrait quant à lui se tenir fin de 2019.

7 mars 2019

Condamnation et démission du cardinal Barbarin

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Quatre questions sur le coup de tonnerre qui frappe l'Eglise française après la condamnation et la démission du cardinal Barbarin

Le cardinal Philippe Barbarin a annoncé jeudi qu'il allait remettre sa démission au pape "dans les prochains jours", après avoir "pris acte" de sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels d'un prêtre lyonnais.

Quatre questions sur le coup de tonnerre qui frappe l'Eglise française après la condamnation et la démission du cardinal Barbarin

L'Eglise française est secouée. Le cardinal Philippe Barbarin a été condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal de Lyon, jeudi 7 mars, pour "non-dénonciation de mauvais traitements". Le prélat a été jugé en janvier pour ne pas avoir dénoncé les agressions pédophiles du père Preynat au sein de son diocèse. Les avocats du prélat ont immédiatement annoncé faire appel. Quelques heures après l'annonce de la décision du tribunal, le primat des Gaules a indiqué qu'il allait remettre sa démission au pape "dans les prochains jours". Que reproche la justice à Philippe Barbarin ? Pourquoi cette décision est-elle considérée comme historique ? Franceinfo vous aide à comprendre les enjeux de cette affaire.

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Que reproche la justice au cardinal Barbarin ?

Le jugement est sévère à l'égard du prélat : "Alors même que ses fonctions lui donnaient accès à toutes les informations et qu'il avait la capacité de les analyser et les communiquer utilement, Philippe Barbarin a fait le choix en conscience, pour préserver l'institution à laquelle il appartient, de ne pas les transmettre à la justice."

"En voulant éviter le scandale, causé par les faits d'abus sexuels multiples commis par un prêtre, mais sans doute aussi par la mise à jour de décisions bien peu adéquates prises par les évêques qui le précédaient, Philippe Barbarin a préféré prendre le risque d'empêcher la découverte de très nombreuses victimes d'abus sexuels par la justice, et d'interdire l'expression de leur douleur", poursuit le jugement.

Pourquoi est-ce une décision "historique" ?

"C'est pour nous une décision historique", estime Emmanuelle Haziza, avocate d'une victime du père Preynat. Auprès de franceinfo, elle salue "une décision qui fera date. Il y aura un avant et un après".

On espère que l'omerta qui règne dans l'institution sera enfin brisée.

Me Emmanuelle Haziza, avocate de Pierre-Emmanuel Germain-Thil

à franceinfo

"Les temps ont changé", se félicite François Devaux, l'un des plaignants, interrogé par l'AFP. Président de l'association La Parole libérée, qui rassemble les victimes du prêtre Bernard Preynat, il estime également que la condamnation de Philippe Barbarin est "un signal, un message fort envoyé à l'Eglise de France et du monde, et au pape François de toute évidence."

"A travers le cardinal Barbarin, c'est aussi le système ecclésial qui est condamné", souligne de son côté Gino Hoel, rédacteur à la revue catholique progressiste  Golias, auprès de franceinfo. Pour Gino Hoel, avec cette affaire, il y a "une prise en compte de la parole des victimes. On les a entendues", dit-il saluant le rôle de l'association La Parole libérée. Au cours du procès, les témoignages des victimes du père Preynat, restées silencieuses pendant des années, ont bouleversé la salle d'audience.

Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de l'hebdomadaire catholique La Vie, considère que la condamnation du cardinal Barbarin est "un pas de plus qui est franchi par la justice et honnêtement on ne s'y attendait pas vraiment." "C'est peut-être aussi une prise en compte de l'évolution de l'opinion publique. Le procès a été exemplaire au-delà du cardinal Barbarin, et ce que l'institution paye c'est l'énorme retard avec lequel elle a réagi. Cela fait quand même une vingtaine d'années que l'Église traîne ces affaires-là et je crois qu'aujourd’hui c'est la facture de ce retard qui est présentée par la justice", ajoute Jean-Pierre Denis.

Un évêque condamné dans ce type d'affaires, c'est une première ?

Un évêque condamné pour son silence est un fait rarissime mais pas inédit. Deux autres évêques ont été condamnés dans des dossiers similaires. En 2001, l'évêque de Bayeux-Lisieux, Pierre Pican, a été condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour non-dénonciation de crimes et d'atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans. Il fut le premier évêque français condamné par la justice depuis la Révolution, rappelle Le Parisien. Pierre Pican est accusé de "n'avoir pas fait cesser les agissements d'un prêtre pédophile", indique La Croix (article abonnés), il n'a pas non plus alerté la justice des actes pédophiles que lui avait avoués le prêtre.

En 2018, c'est André Fort, ancien évêque d'Orléans, qui a été condamné à huit mois de prison avec sursis pour non-dénonciation de crimes et d'atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans. Evêque du diocèse de 2002 à 2010, André Fort n'avait pas informé la justice d'une lettre adressée par une victime, en 2008, relatant des attouchements subis en 1993 lors d'un camp du Mouvement eucharistique des jeunes, où l'abbé de Castelet était aumônier. Sans réponse de l'évêché, la victime a ensuite rencontré l'évêque d'Orléans en lui précisant qu'une dizaine de personnes avaient pu être victimes du prêtre, toujours sans effet. En 2010, c'est le nouvel évêque du diocèse qui, prévenu à son tour, a saisi la justice sans attendre.

Etait-il contraint à la démission ?

L'Eglise française n'avait pas de jurisprudence en la matière. Condamné pour des faits similaires en 2001, Pierre Pican est resté à la tête du diocèse de Bayeux-Lisieux jusqu'en 2010. Mais les temps ont changé. Depuis trois ans, le cardinal Barbarin incarne en France la crise de l'Église face à la pédophilie, qui vient de faire l'objet d'un sommet inédit de la hiérarchie catholique au Vatican. Cette affaire lyonnaise a eu un écho retentissant avec, dernier événement en date, le film de François Ozon Grâce à Dieu, en référence à une expression maladroite du cardinal Barbarin.

Conséquence : certaines voix s'élevaient pour réclamer sa démission. "Si le cardinal Barbarin ne présente pas sa démission, ce serait absolument impensable. S'il ne le fait pas et que Rome n'agit pas, ce serait encore plus impensable. Il faut que Rome décharge le cardinal de sa charge d'archevêque de Lyon", réagissait jeudi matin sur franceinfo, un membre de la rédaction de Golias.

Plusieurs responsables de l'association La Parole libérée avaient appelé à la démission du cardinal Barbarin. En août 2018, un prêtre de Valence (Drôme) avait lancé une pétition réclamant la démission du prélat. "Si l'Église ne réagit pas face au tsunami qu'elle est en train de vivre, ceux qui porteront la responsabilité de l'effondrement de l'institution sont ceux qui aujourd'hui ne prennent pas position et n'agissent pas", avait réagi au même moment François Devaux, président de l'association La Parole libérée, appelant le pape François à prendre ses responsabilités et estimant que la démission du cardinal Barbarin était "attendue de longue date".

En avril 2016, aux débuts de l'affaire, le prélat avait déjà proposé sa démission mais celle-ci avait été refusée par le pape. Jeudi, Philippe Barbarin a dit "prendre acte de la décision du tribunal", ajoutant : "J'ai décidé d'aller voir le Saint Père pour lui remettre ma démission. Il me recevra dans quelques jours." Quasi-instantanément, la Conférence des évêques de France a transmis un communiqué dans lequel elle estime que le choix du primat des Gaules de présenter sa démission relevait "de sa conscience personnelle".

religion

7 mars 2019

Cardinal Barbarin

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Eglise-Justice: Six mois de prison avec sursis pour le cardinal Barbarin qui n’avait pas dénoncé des abus sexuels
Le tribunal correctionnel de Lyon condamne le cardinal Philippe Barbarin à 6 mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’abus sexuel sur mineurs par un prêtre de son diocèse.
Le cardinal Barbarin va faire appel de ce jugement.
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ALERTE-Eglise-Justice: Le cardinal Barbarin démissionne
Coup de tonnerre dans l’Eglise. Lors d’une conférence de presse, le cardinal Philippe Barbarin annonce qu’il va remettre sa démission au pape après sa condamnation en première instance.
Le tribunal correctionnel de Lyon a condamné ce matin le cardinal Barbarin à 6 mois de prison avec sursis pour non dénonciation d’abus sexuel sur mineurs par un prêtre de son diocèse.
Les avocats de Philippe Barbarin ont annoncé qu’ils allaient interjeter appel de cette condamnation.
7 mars 2019

Pédophilie dans l'Eglise

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Le verdict est tombé. Le cardinal Barbarin a été condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal de Lyon, jeudi 7 mars, pour non-dénonciation d'agressions sexuelles pédophile au sein de son diocèse. L'audience de début janvier avait marqué les esprits, tant le prélat incarne depuis trois ans en France la crise de l'Église face à la pédophilie.

21 février 2019

Face à la pédocriminalité, le Vatican veut briser « le silence »

Par Cécile Chambraud

Le pape a convoqué les évêques  à Rome, du 21 au 24 février, pour tenter de répondre à la crise des agressions sur mineurs. Les victimes, elles, ont le plus grand mal à se faire entendre.

Venus des cinq continents, les dirigeants de l’Eglise catholique vont s’immerger pendant quatre jours, du 21 au 24 février, à Rome, dans une séance sans précédent d’introspection sur la dissimulation, par la hiérarchie qu’ils représentent, de la pédocriminalité dans les rangs du clergé. Et, bien sûr, sur les moyens de l’éradiquer.

Cent quatorze présidents de conférence épiscopale, vingt-deux supérieurs d’ordres religieux, quatorze chefs des Eglises orientales catholiques, des membres de la Curie romaine : au total, quelque 190 personnes participeront aux trois jours de travaux, à une liturgie pénitentielle et à une messe finale.

Cette réunion se veut la démonstration que l’Eglise a pris la mesure de la crise et qu’elle est déterminée à agir en profondeur, et en tous lieux, contre ce fléau qui a totalement dominé sa feuille de route et celle du pape François depuis quatorze mois. C’est-à-dire depuis qu’au Chili, en janvier 2018, le pontife argentin a montré que, au fond, au-delà des slogans, il n’avait pas lui-même admis la dimension structurelle du silence et de la dissimulation de ces faits dans son Eglise et la difficulté pour les victimes de faire reconnaître l’offense subie.

Avant son ouverture, les organisateurs de la rencontre ont insisté sur l’idée que le Saint-Siège ne partait pas de zéro dans la lutte contre les abus sexuels sur mineurs. Le site officiel Vatican News a publié un long article retraçant les décisions prises dans l’Eglise « depuis plus de trente ans ». « La réunion ne représente certainement pas le premier pas du Saint-Siège, ni des conférences épiscopales dans cette direction », affirme le site Internet du Vatican. Un dossier de presse retrace la chronologie des initiatives prises en ce sens dans différents pays et à Rome. Elle commence en 1984.

Témoignages vidéo et in vivo

Pourtant, la préparation et le déroulé du sommet sont d’abord bien destinés à s’assurer que tous les participants se sentent concernés et agissent, signe que c’est encore loin d’être toujours le cas, près de vingt ans après que le scandale des prêtres pédophiles mutés par le diocèse de Boston eut mis à jour les mécanismes de camouflage par la hiérarchie.

« IL FAUT CASSER TOUT CODE DE SILENCE, TOUTE COMPLICITÉ »

Les présidents des conférences épiscopales ont été priés de rencontrer personnellement des victimes de prêtres pédocriminels avant de rejoindre Rome. Ils ont aussi dû remplir un questionnaire qui interroge la disparité des situations. Il leur était ainsi demandé de décrire les plus grands facteurs de risques d’agressions sur mineurs dans leurs « pays et cultures », les facteurs qui, chez eux, « contribuent au manque de réponse adéquate de l’Eglise » et les mesures préventives en place les plus efficaces dans leur pays ou leur culture.

Avant même que le pape François ne prenne la parole lors de la première séance, jeudi matin, ils entendront des témoignages de victimes enregistrés sur vidéo. D’autres témoignages leur seront apportés in vivo à la fin de chaque journée.

Trois thèmes ont été retenus : faire prendre conscience aux évêques de leur responsabilité pastorale et juridique envers les fidèles ; rappeler qu’ils doivent rendre des comptes en la matière ; enfin, insister sur la nécessaire transparence, y compris envers les autorités judiciaires. « Il faut casser tout code de silence, toute complicité », a insisté l’archevêque maltais Charles Scicluna, auteur respecté d’enquêtes sur plusieurs scandales et l’un des organisateurs de la rencontre, lors d’une conférence de presse, lundi 18 février.

« Mon espoir est que les gens voient cette [conférence] comme un tournant », a déclaré pour sa part le cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago, également organisateur. C’est bien tout l’enjeu de ce rendez-vous, annoncé en septembre 2018, après un été au cours duquel avaient été révélées des décennies d’abus sexuels en Pennsylvanie et en Allemagne.

Ce ne sera le cas que si des changements s’ensuivent. Hans Zollner, le président du centre de protection des mineurs de l’Université pontificale grégorienne, également dans le comité d’organisation, a évoqué, lundi, la création sur chaque continent d’une task force pour aider les conférences épiscopales à mettre sur pied une politique solide de lutte contre les agressions sexuelles. Une moitié d’entre elles ne l’ont toujours pas fait. Mgr Scicluna a parlé de procédure de suivi et d’audits.

« Il y a beaucoup de déni du réel »

Les nombreuses associations de victimes qui ont, elles aussi, convergé à Rome, pourraient remettre sur le tapis la question de la création d’un tribunal spécial pour juger les évêques défaillants, annoncée par le pape et finalement abandonnée.

Quoi qu’il en soit, des paroles ne suffiront pas. Car si l’on peut considérer que, ces dernières années, des progrès ont été faits dans certains pays ébranlés par de grands scandales, c’est loin d’être le cas partout. Ailleurs, le silence demeure.

EN AFRIQUE ET EN ASIE, DE NOMBREUX ÉVÊQUES NE SE CACHENT PAS DE CONSIDÉRER LA PÉDOPHILIE COMME UN MAL ESSENTIELLEMENT OCCIDENTAL

Dans bon nombre de pays, notamment d’Afrique et d’Asie, les victimes de violences sexuelles ont le plus grand mal à se faire entendre et elles trouvent peu d’appui dans la hiérarchie. De nombreux évêques ne se cachent pas de considérer la pédophilie comme un mal essentiellement occidental.

« Il y a beaucoup de déni du réel dans les églises diocésaines », résume Stéphane Joulain, père blanc, psychologue et spécialiste de l’accompagnement de prêtres pédophiles, qui se rend plusieurs fois par an en Afrique pour délivrer des formations, notamment à des séminaristes. Selon lui, le « mythe selon lequel ce sont les Blancs qui ont apporté cela » dissimule des abus, notamment sur des jeunes filles mineures.

« Prise de conscience »

Il note cependant un début de prise de conscience. Certains pays ont entrepris de mettre sur pied des protocoles, des formations sont envisagées, des lieux de soin se préparent à ouvrir.

« Mais c’est encore très peu le cas dans les pays francophones », observe-t-il. « Les jeunes me disent de moins en moins : ça n’arrive pas chez nous. Il y a une prise de conscience que l’on ne peut plus continuer comme avant et que la solution ne peut être que collective », ajoute le père Joulain. Il est d’autant plus dommage, ajoute-t-il, qu’aucun ecclésiastique africain ne figure dans le comité de préparation du sommet.

Dans un entretien à la revue jésuite America magazine, en novembre 2018, Mgr Scicluna expliquait la convocation de cette rencontre par le fait que François avait « pris conscience » que la question des violences sexuelles sur mineurs est « un problème global » et non une affaire de « géographie ou de culture » et que l’Eglise devait lui opposer « un front uni » avec des responsables « sur la même longueur d’onde ». « Ce doit être la priorité de l’Eglise », avait-il ajouté. La protection des mineurs « ne peut être abstraite, elle doit être vécue dans chaque paroisse, chaque école, chaque diocèse, sinon elle ne s’applique pas. »

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