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Jours tranquilles à Paris
retraite
12 janvier 2020

Retraites : le gouvernement prêt à renoncer à l’idée d’un âge pivot de 64 ans en 2027

Par Raphaëlle Besse Desmoulières

Dans une lettre aux partenaires sociaux, Edouard Philippe propose de retirer cette mesure controversée du projet de loi. Syndicats et patronat ont jusqu’à fin avril pour identifier une solution alternative afin d’équilibrer les comptes d’ici à 2027.

Le gouvernement fait un geste envers les syndicats dits réformistes. Dans un courrier adressé, samedi 11 janvier, aux partenaires sociaux, le premier ministre, Edouard Philippe, se dit « disposé à retirer » l’âge pivot fixé à 64 ans en 2027 du projet de loi sur la réforme des retraites. L’objectif d’une telle mesure est de faire travailler les actifs plus longtemps afin de remettre les comptes dans le vert. Le texte envoyé au Conseil d’Etat permet de régler ce paramètre pour qu’il entre en vigueur dès 2022 à 62 ans et quatre mois et atteigne progressivement 64 ans en 2027. Une disposition rejetée par l’ensemble des syndicats et dont la CFDT a fait sa ligne rouge.

L’ex-maire du Havre propose désormais que soit mise en place une « conférence sur l’équilibre et le financement du système de retraite », à laquelle les partenaires sociaux sont invités à participer. Elle aura pour mission d’arrêter les « mesures permettant d’atteindre l’équilibre financier en 2027, en s’inscrivant dans le cadre des projections du Conseil d’orientations des retraites ». En novembre 2019, cette instance avait évalué que le déficit du système se situerait entre 7,9 et 17,2 milliards d’euros en 2025.

Un « âge d’équilibre » sera bien créé dans le futur système

La conférence, précise M. Philippe dans sa lettre, devra remettre « ses conclusions d’ici la fin du mois d’avril 2020 », c’est-à-dire « avant le vote du projet de loi en seconde lecture ». Si les participants à cette conférence parviennent à s’entendre d’ici là, comme l’« espère » le premier ministre, « le Parlement pourra en tenir compte lors de la seconde lecture et le gouvernement prendra une ordonnance transcrivant cet accord dans la loi ». Dans l’hypothèse où ce ne serait pas le cas, l’exécutif, « éclairé par les travaux de la conférence », « prendra par ordonnance les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre en 2027 et financer les nouvelles mesures de progrès social ». « Je veux être parfaitement clair sur ce point : je prendrai mes responsabilités », insiste M. Philippe.

Ce dernier trace également la feuille de route qu’il donne à la conférence. « Les mesures destinées à rétablir l’équilibre ne devront entraîner ni baisse des pensions pour préserver le pouvoir d’achat des retraités ni hausse du coût du travail pour garantir la compétitivité de notre économie », insiste-t-il. Si la conférence rassemble « un nombre suffisant de partenaires sociaux », M. Philippe procédera « dès mardi à une saisine rectificative du projet de loi actuellement soumis au Conseil d’Etat » et recommandera qu’elle se réunisse d’ici « la fin du mois de janvier ».

Le premier ministre réaffirme par ailleurs que le futur système comportera un « âge d’équilibre ». Ce dispositif « constituera un des leviers de pilotage collectif du système dans la durée ». Concrètement, les départs avant l’âge pivot donneront droit à une pension frappée d’un malus, et ceux après cette borne donneront à l’inverse droit à une retraite majorée.

La CFDT et l’UNSA saluent l’annonce

La CFDT a « salué » dans un communiqué « le retrait de l’âge pivot du projet de loi sur les retraites » qu’elle dit avoir « obtenu ». La centrale de Laurent Berger, favorable à la retraite par points mais fermement opposée à un âge pivot à 64 ans assorti de bonus-malus, salue un « retrait qui marque la volonté de compromis ». « Le gouvernement a fait un geste, et nul ne peut le contester », a réagi Laurent Berger dans les colonnes du Journal du dimanche. « Mais ce retrait n’est pas un chèque en blanc. Pour la CFDT, le retrait de l’âge pivot est une victoire, mais c’est aussi une part de risque. Maintenant, le travail commence et il va falloir poursuivre notre action pour faire valoir nos propositions et revendications. On a perdu un temps précieux depuis un mois », regrette-t-il.

L’UNSA approuve également cette « avancée majeure » et assure que « les échanges peuvent enfin démarrer ». Le syndicat assure qu’il « apportera ses solutions » pour obtenir « l’équilibre financier, dès 2027 et à long terme, de notre régime de retraites ».

La CGT constate pour sa part « le maintien du projet de loi en l’état » et se dit « plus que jamais déterminée à obtenir le retrait de ce texte et à améliorer le système actuel », soulignant les « propositions concrètes faites depuis plusieurs mois ».

Enfin, le Medef a de son côté rappelé que l’impératif d’équilibre financier d’ici à 2027, défendu par M. Philippe, est un point que le syndicat patronal « a appelé de ses vœux », et s’est satisfait de la méthode employée par le premier ministre dans laquelle l’organisation dit vouloir « s’engager pleinement ».

Philippe défend un « compromis solide »

Dans un courrier adressé aux parlementaires de la majorité, Edouard Philippe a estimé qu’« il s’agit d’un vrai compromis, transparent et solide », et a précisé que « les partenaires sociaux acceptent que le futur système comporte un âge d’équilibre ».

M. Philippe, critiqué depuis le début du quinquennat pour sa rigidité, a justifié la suppression d’un âge pivot fixé à 64 ans en 2027 pour « donner toute sa chance au dialogue social » et « démontrer sa confiance dans les partenaires sociaux ». Le premier ministre a conclu en appelant les parlementaires à construire avec lui « sur la base de ce compromis (…) une belle réforme au Parlement », finissant sa lettre par « Haut les cœurs ! ».

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Réforme des retraites en France - Abandon de l’âge pivot : “reculade majeure” ou “ruse” d’Édouard Philippe ?

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Au 38e jour de grève contre le projet de réforme des retraites, Édouard Philippe a annoncé samedi le retrait de sa proposition visant à instaurer un âge pivot à 64 ans. Pour une partie de la presse internationale, c’est une “reculade majeure” de l’exécutif. Pour d’autres, ce pourrait être une “ruse” pour diviser et affaiblir les syndicats.

“Le gouvernement français a opéré une reculade majeure dans sa bataille contre les syndicats sur la réforme du complexe système de retraites du pays, qui a entraîné des grèves nationales et le chaos dans les transports depuis plus d’un mois”, écrit The Guardian.

Plus modéré, Le Soir qualifie la lettre d’Édouard Philippe aux syndicats, dans laquelle il se déclare “disposé à retirer” l’âge pivot, de simple “geste” envers ses opposants, soulignant que “le gouvernement ne renoncera pas pour autant au principe d’un âge d’équilibre pour le futur système universel”.

C’est sur ce point qu’insiste également le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Car si le Premier ministre français est prêt à renoncer provisoirement au fameux âge pivot, il demande en échange aux syndicats de s’asseoir à la table du gouvernement pour trouver avant avril la manière “d’ajuster le déficit du système de retraites d’ici 2027” – espérant les convaincre que le principe de l’âge d’équilibre est bel et bien la seule solution.

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, premier syndicat de France, avait fait du retrait de l’âge pivot le préalable à toute négociation et la lettre d’Édouard Philippe “lui offre l’opportunité de crier victoire et de cesser de soutenir les grèves du secteur public”, observe le Financial Times. Mais elle “force le syndicat à faire le choix difficile d’une augmentation des cotisations pour les travailleurs et les entreprises, s’il ne souscrit pas à la nécessité d’augmenter l’âge de la retraite”.

“Main tendue”

El País s’interroge sur les conséquences de la volte-face du Premier ministre. “En reculant, M. Philippe pourrait renforcer l’aile dure des grévistes et des manifestants”, estime le quotidien. Mais son annonce “accentue également la division des syndicats à un moment où les grèves et les manifestations montrent des signes d’essoufflement. Elle pourrait aussi servir à persuader l’opinion publique, où les grévistes bénéficient de nombreux soutiens, de la bonne volonté du gouvernement”.

Le Corriere della Sera penche pour cette dernière hypothèse, assurant que “la main tendue” d’Édouard Philippe “a été saluée par la plupart comme une ruse du Premier ministre pour se montrer disposé à dialoguer”.

Pour le titre transalpin, la division des syndicats est désormais inévitable. “Laurent Berger, le chef du syndicat majoritaire et modéré de la CFDT, est le seul à exulter”, écrit le quotidien. “Et c’est pour cela qu’il est traité de traître par les autres (syndicats), les vrais architectes de la contestation”.

De l’autre côté de l’Atlantique, le New York Times estime “peu probable que les concessions du gouvernement mettent fin à la grève et aux manifestations” et semble considérer que la réforme est déjà un échec.

“Confronté à des semaines de grèves et de manifestations massives qui ont saigné l’économie, le gouvernement de M. Macron a été obligé d’offrir une série de concessions à plusieurs professions ces derniers jours – la police, les danseurs de l’Opéra de Paris, les infirmières, les hôtesses de l’air et les pilotes –, revenant précisément aux mêmes retraites sur mesure auxquelles la réforme voulait mettre fin”, observe le quotidien.

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12 janvier 2020

Presse - Réforme de la Retraite

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11 janvier 2020

Réforme des retraites : le gouvernement retire provisoirement l'âge pivot de l'avant-projet de loi

Les modalités de financement de cette réforme des retraites seront fixées en avril à l'issue de la conférence de financement à laquelle participeront les syndicats. Si cette conférence se solde par un échec, c'est le gouvernement qui décidera par ordonnance.

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le Premier ministre Edouard Phillipe, le 11 janvier 2020.le Premier ministre Edouard Phillipe, le 11 janvier 2020. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Edouard Philippe fait un pas vers certains syndicats. Dans une lettre envoyée aux organisations syndicales, que France Télévisions a pu consulter, samedi 11 janvier, le Premier ministre annonce que le gouvernement retire provisoirement l'âge pivot de l'avant-projet de loi sur les retraites. Les modalités de financement de cette réforme des retraites seront fixées en avril à l'issue de la conférence de financement où participeront les syndicats. Si cette conférence se solde par un échec, c'est le gouvernement qui décidera, par ordonnance.

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11 janvier 2020

Vu des États-Unis - Réforme des retraites : un vieux conflit français opposant nantis et démunis

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THE NEW YORK TIMES (NEW YORK)

Les riches contre les pauvres, les protégés contre les vulnérables… La grogne actuelle contre la réforme des retraites illustre un antagonisme bien français et très ancien, écrit The New York Times dans un reportage à la gare de Lyon.

Une tapisserie rouge pétard à l’effigie de Che Guevara et frappée de l’inscription “En route vers la victoire !” exhorte les grévistes à ne rien lâcher, dans les locaux défraîchis de la permanence du syndicat. À l’extérieur, le responsable de l’antenne s’époumone dans un mégaphone, gare de Lyon, à Paris : “Les riches ne doivent jamais l’oublier : il y aura toujours la sueur des pauvres sur leur argent !”

La grève des transports contre le projet de réforme des retraites porté par le gouvernement est d’ores et déjà la plus longue de l’histoire du pays. Le jeudi [9 janvier], alors que le mouvement entrait dans sa sixième semaine, des milliers de manifestants sont redescendus dans la rue aux quatre coins de France.

Chaque jour, on débat pour savoir qui sortira gagnant ou perdant de la réforme défendue par Emmanuel Macron. Et personne ne s’accorde sur les détails.

Mais, au-delà des détails, c’est un conflit bien plus profond qui se joue, qui touche aux classes sociales, aux privilèges, à l’argent, nourri par deux cents ans d’histoire. Ces pommes de discorde sous-jacentes alimentent un mouvement-marathon qui met à l’épreuve la patience des Français, plombe l’économie et expose une nouvelle fois les lignes de faille d’une présidence macronienne qui se voulait réformatrice.

Les deux camps figés

Les slogans amers très marqués “lutte des classes” entendus gare de Lyon ne tombent pas du ciel. Le bras de fer en cours a des racines, réelles ou perçues, dans d’autres affrontements bien plus anciens – d’abord la suppression de privilèges séculaires lors de la Révolution française, puis les décennies de lutte acharnée entre le capital et les classes laborieuses au XIXe siècle, d’où est né le régime des retraites que Macron veut aujourd’hui mettre au rebut.

On retrouve dans le combat en cours une bonne partie du vocabulaire employé dans ceux d’hier, figeant les positions des deux camps, surtout celui des syndicats.

Les Français commencent à trouver le temps long. Il faut dire que rares sont les pays où le train occupe une place aussi centrale. La suppression des trains a coupé la province de Paris, où la quasi-absence de métros a coûté des millions et où la grève des professionnels de la culture a obligé les théâtres et les opéras à annuler des dizaines de représentations.

Les régimes spéciaux, pomme de la discorde

Le soutien aux grévistes, qui était substantiel au départ, de la part de Français inquiets pour leur retraite, commence à fléchir. Macron escompte un nouveau recul en lâchant un peu de lest – en faveur de la police, des danseurs de l’opéra, de l’armée – face à l’agitation de la rue et au malaise que provoque son projet chez une bonne partie de l’opinion.

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Le président veut remplacer le système en place, composé de 42 régimes de retraites distincts (dont la plupart sont taillés sur mesure pour la profession concernée), par un système de retraite par points qui serait le même pour tout le monde.

Ce sont ces régimes individuels – conquis de haute lutte au fil des ans par les différentes corporations et jalousement défendus comme des droits, et non comme des privilèges – qui sont ici la pomme de discorde. Macron voudrait s’en débarrasser ; les travailleurs voudraient qu’il enterre l’ensemble du projet.

Un antagonisme bien français

Cette grève au long cours des trains et des métros illustre un antagonisme bien français qui date d’avant même la révolution de 1789 : les nantis contre les démunis, les riches contre les pauvres, les protégés contre les vulnérables.

C’est un antagonisme qui existe tout autant dans l’esprit des grévistes que dans les faits, mais qui n’en est pas moins réel. Le ressenti devient réalité, avec un coup de pouce de l’histoire et des discours des dirigeants syndicaux.

“Ce sont deux conceptions de la protection sociale, deux notions différentes du projet social, qui s’affrontent”, expliquait, avant Noël, Philippe Martinez, le chef de file de la CGT, à la sortie d’une énième réunion infructueuse à Matignon, et il a répété cette semaine à la télévision :

C’est un choix de société qui est au cœur de cette réforme.”

Jugé excessif par certains analystes, ce langage n’en a pas moins infusé dans l’esprit de milliers de grévistes, notamment de la CGT, le syndicat farouchement anti-macronien au cœur de la grève.

Macron et le profit

Pendant des décennies, le syndicat était proche du Parti communiste français. Martinez y était d’ailleurs encarté ; le secrétaire général du syndicat, qui chapeaute aussi la CGT Cheminots, possède un buste de Lénine dans son bureau.

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“On a beaucoup de mal à trouver un terrain d’entente avec ce gouvernement”, confirme Bérenger Cernon, secrétaire général de la CGT Paris à la gare de Lyon.

De leur côté, ils disent : ‘Vous vous débrouillez.’ Nous, on parle de solidarité : liberté, égalité, fraternité. Eux, ils répondent : ‘Si on a réussi, tout le monde peut.’ Mais la réussite individuelle n’a jamais permis à une société d’avancer. Elle n’a jamais profité au collectif.”

Un point de vue largement partagé dans les rangs du syndicat, et qui galvanise les troupes.

La police lors d’une manifestation à Paris le 7 janvier 2019. Photo / Dmitry Kostyukov / The New York TimesLa police lors d’une manifestation à Paris le 7 janvier 2019. Photo / Dmitry Kostyukov / The New York Times

“La vision de Macron, c’est ça : il parle toujours de faire du profit”, dénonce Sébastien Préaudat, contrôleur et militant CGT à la gare de Lyon.

Mais, nous, on n’est pas là pour faire de l’argent. On est là pour apporter un service au public. Et ces gens-là – le gouvernement de Macron – ils viennent du monde de la finance. On se bat juste pour dire : ‘On a trimé toute notre vie, aujourd’hui on a le droit de se reposer.’”

Une société de classes

Les cheminots sont moqués par la droite française, beaucoup d’entre eux ayant la possibilité de partir à 52 ans avec une retraite confortable, parfois bien supérieure à la moyenne. Les cheminots n’y voient pas un privilège, mais une confirmation nécessaire de leur statut à part dans la société française. Comme le souligne Philippe d’Iribarne, sociologue au CNRS à Paris :

Pour un réformateur comme Macron, ce genre de filet de protection corporatiste est un archaïsme, La France reste une société de classes, constamment menacée par l’arrogance des puissants et le ressentiment des sans-grade. En France, l’égalité dont rêvent les gens ressemble à ça : tout le monde a droit aux mêmes lettres de noblesse.”

Autant dire que la réforme rationaliste de Macron ne trouve pas grâce aux yeux d’un mouvement syndical indifférent à cette conception de l’égalité. Macron propose de compenser le déficit probable du système et la baisse du ratio actifs-retraités. Il veut mettre tout le monde sur un pied d’égalité au moyen d’un système par points.

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Deux projets de société

“Macron, c’est un financier qui voit tout sous l’angle de la compétition. Nous, on a une vision collective, analyse Arnaud Bourge, un conducteur de trains rencontré parmi les centaines de cheminots qui écoutent, gare de Lyon, les harangues appelant à poursuivre la grève. Ce sont deux visions diamétralement opposées.”

Macron voit le problème des retraites avec l’œil d’un gestionnaire, et cette approche trouve le soutien de ses sympathisants de la classe moyenne supérieure, de certains intellectuels, de certains analystes, mais pas des travailleurs, qui entendent conserver leurs acquis.

“À vrai dire, on n’a pas affaire à deux ‘projets de société’, observe Dominique Andolfatto, sociologue du syndicalisme à l’université de Bourgogne, invalidant la vision de Martinez. Il y en a un qui tient compte de certaines réalités sociales et économiques, et en face on en a un autre qui dit : ‘On ne touche à rien, le navire garde le même cap, on ne s’occupe pas de l’iceberg.’”

Les macronistes nerveux

Mais, à mesure que la grève traîne en longueur, les députés de la Macronie montrent des signes de nervosité.

“On assiste au retour de l’opposition entre employeurs et travailleurs”, déplore Jean-François Cesarini, député macronien. Ce qui gêne surtout les députés, c’est de voir l’inflexibilité de l’exécutif sur un point particulièrement sensible : le report de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Plus modérée, la CFDT a bien proposé un compromis, mais sans succès à ce jour.

“Quand un pays est aussi divisé, c’est extrêmement dangereux de ne pas saisir la main tendue”, s’inquiète Aurélien Taché, un autre député de la Macronie.

Dans le hall de la gare de Lyon, les dizaines de grévistes réunis se voient demander de se prononcer à main levée sur la poursuite du mouvement. Toutes les mains se lèvent dans un brouhaha approbateur.

“Aujourd’hui, ils nous proposent de tout nous prendre, tonne Sébastien Préaudat, le contrôleur. Et je ne vais pas accepter.”

Adam Nossiter

Cet article a été publié dans sa version originale le 09/01/2020.

11 janvier 2020

La réforme de la Retraite

macron retraite

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7 janvier 2020

RETRAITE - Un «compromis rapide», mais quand ?

La situation bougerait-elle enfin ? Au 34e jour de grève, il serait temps de parvenir à ce « compromis rapide » souhaité par Emmanuel Macron lors de ses vœux. Alors que les négociations entre le gouvernement et les syndicats ont repris ce mardi, Édouard Philippe a fait un geste en déclarant que la conférence de financement réclamée par Laurent Berger était une bonne idée. Les partenaires sociaux se retrouveront donc vendredi à Matignon pour en discuter. Cela préfigure-t-il un recul sur l’âge pivot, principal point de blocage avec la CFDT ? On n’y est pas encore, mais si tel est bien le scénario qui se dessine, on peut s’interroger sur la stratégie de l’exécutif et se demander pourquoi il a ainsi délibérément braqué la CFDT sur ce sujet dont elle avait fait une ligne rouge. Le gouvernement savait qu’il s’engageait dans une épreuve de force avec les opposants résolus au projet de réforme, notamment la CGT et FO, alors quel était l’intérêt d’ouvrir un nouveau front avec le syndicat réformiste ? Si le lien est renoué avec la CFDT, le gouvernement pourra cette fois parier sur l’essoufflement des grévistes et le pourrissement du conflit dans les transports. On verra au final ce qu’il restera des régimes spéciaux dans le projet présenté le 24 janvier en Conseil des ministres (et si l’âge pivot y figure), mais tout au long de cette grève devenue historique, l’exécutif aura en tout cas multiplié les maladresses et entretenu la confusion sur un dossier explosif. De quoi gâcher la trêve de Noël (et le début d’année) de nombreux Français. Oui, un sacré gâchis. Le Parisien

7 janvier 2020

La une du Parisien ce matin

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6 janvier 2020

La lettre politique de Laurent Joffrin

Conflit : tout, rien ou quelque chose ?

Le compromis est dans l’air. Fâché mais conciliant, conciliant mais fâché, Laurent Berger a proposé hier soir une conférence consacrée à «l’équilibre du système» qui se tiendrait avant l’été. Ce matin, Bruno Le Maire a dit «banco», un porte-parole du gouvernement a déclaré qu’on «regarderait» et le Medef lui-même a précisé qu’il n’était pas «arc-bouté» sur la mesure d’âge. Dans ce scénario – hypothétique pour l’instant –, la pomme de discorde de l’âge pivot serait sortie du panier, tandis que la CFDT accepterait une cote mal taillée pour assurer le financement des retraites. Comme nous le disions dans une lettre précédente, le gouvernement voit là une porte de sortie. Le Premier ministre aime à rappeler qu’il s’est opposé à une augmentation «forte» des cotisations. Ce qui implique qu’une augmentation «faible» ou «plus faible» n’est pas écartée, mesure qui rendrait moins pressante la question de l’âge pivot.

Il est vrai qu’au fil des hésitations et des concessions, la réforme finissait par perdre sa cohérence. Emmanuel Macron avait écarté dans un premier temps les mesures d’âge. Elles sont sorties du chapeau de Matignon avant Noël. Il avait mis en garde contre les exceptions concédées à telle ou telle profession, qui aboutiraient de proche en proche à un jeu de dominos. Le gouvernement a néanmoins fait droit aux demandes des policiers, des militaires, des pilotes d’Air France, des danseurs et danseuses de l’Opéra. Il a même esquissé une solution à la SNCF, où une combinazione à l’italienne maintiendrait dans le nouveau système les avantages de l’ancien. Si bien que cette réforme «cathédrale», destinée à supprimer les régimes spéciaux et à laisser à chacun la liberté de partir quand il le souhaite, aboutissait à proroger les intérêts particuliers, tout en instaurant pour les autres un couperet uniforme à 64 ans. C’est-à-dire l’exact opposé des intentions initiales. On passait de la cathédrale à la bicoque.

Le mouvement ne s’arrêtera pas pour autant. Les syndicats plus fermes, ou plus radicaux, comptent sur la mobilisation de cette semaine pour faire plier le gouvernement. Sera-t-elle forte ? Mystère. Le taux de grévistes est tombé à environ 6% à la SNCF mais il reste élevé chez les conducteurs de la RATP et il peut remonter à la faveur des deux journées d’action prévues.

Comme souvent dans ces conflits, le sort hésite entre deux conceptions du syndicalisme. Si le retrait s’impose, comme le demandent la CGT, SUD et FO, avec les partis de gauche, on dira que la radicalité paie. Mais si la grève s’effiloche, tandis qu’un arrangement se conclut avec les centrales plus modérées, la CFDT verra sa stratégie validée. Dans ce cas, les uns auront tout exigé pour ne rien avoir. Les autres auront récusé le tout et le rien, pour obtenir quelque chose.

LAURENT JOFFRIN

5 janvier 2020

Entretien - Réforme des retraites

Entretien - Réforme des retraites : « La multiplication de traitements particuliers revient à reproduire une floraison de “mini-régimes” »

Par Bertrand Bissuel

La notion de système universel de retraites, mise en avant par l’exécutif, est ambiguë, avance le professeur Michel Borgetto dans un entretien au « Monde ».

Professeur à l’université Paris-II (Panthéon-Assas) et directeur de la Revue de droit sanitaire et social, Michel Borgetto explique que la notion d’universalité, mise en avant par le gouvernement pour justifier sa réforme des retraites, est porteuse d’ambiguïté : elle ne garantit nullement que le principe d’égalité sera consacré, contrairement à ce que voudrait suggérer l’exécutif.

Le gouvernement a fait de l’universalité l’un des principes-clés de sa réforme des retraites : que faut-il entendre par là ?

En matière de protection sociale, le principe d’universalité donne lieu à plusieurs usages ou acceptions. Dans son acception la plus courante, il se trouve le plus souvent associé à celui de généralisation ; il renvoie alors au mouvement ayant consisté à ouvrir à l’ensemble de la population (et non pas aux seuls travailleurs) le bénéfice de la couverture contre un nombre étendu de risques sociaux (maladie, vieillesse, etc.). Dans une acception plus technique, il désigne le régime juridique de la prestation servie à l’individu : celle-ci étant considérée comme universelle lorsque son bénéfice est ouvert à tous et n’est pas subordonné à une condition de ressources.

Dire que la réforme en cours a pour objet d’instituer un régime « universel » de retraite apparaît, dans cette perspective, quelque peu discutable : cette réforme se proposant non pas d’étendre la couverture du risque vieillesse à des personnes qui, jusqu’alors, n’en bénéficiaient pas mais bien plutôt – ce qui n’est pas du tout la même chose – d’instituer un régime unique ou, pour reprendre la formule du rapport Delevoye, un « système commun à tous les Français »…

Cet objectif d’universalité n’est-il pas en train d’être abandonné, compte tenu des aménagements successifs qui ont été annoncés pour répondre à des attentes catégorielles ou sectorielles ?

En se référant au principe d’universalité, les promoteurs de la réforme entendent accréditer une idée-force : celle selon laquelle ladite réforme serait porteuse d’égalité. De là, la reprise à satiété de la fameuse formule : « Un euro cotisé doit donner les mêmes droits pour tous »…

« LE FAIT QUE TOUS SOIENT SOUMIS À UN MÊME RÉGIME PRÉSENTÉ COMME UNIVERSEL NE SIGNIFIE NULLEMENT QUE SOIT CONSACRÉ LE PRINCIPE D’ÉGALITÉ »

En réalité, le fait que tous soient soumis à un même et unique régime présenté comme universel ne signifie nullement que soit consacré, ipso facto, le principe d’égalité. On est en présence, ici, d’un débat classique, bien connu des juristes. Ou bien la règle est identique pour tous, quelles que soient les différences de situation pouvant exister entre les uns et les autres ; mais se trouve alors consacrée une égalité purement formelle et abstraite, aux antipodes de ce qu’exigerait une égalité bien comprise (c’est-à-dire réelle et concrète). Ou bien on entend, au contraire, tenir compte de la particularité des situations, mais on est alors conduit à opérer un grand nombre de différenciations, mettant à mal l’égalité formelle induite par l’universalité.

C’est ce que les pouvoirs publics ont, semble-t-il, compris, en annonçant des règles spécifiques pour les militaires, les policiers, gendarmes, pompiers, contrôleurs aériens, personnels pénitentiaires, etc. Reste cependant à se demander si la construction d’un système comportant autant d’exceptions a encore un sens au regard des objectifs censés le justifier…

Le gouvernement fait valoir qu’universalité ne veut pas dire uniformité ou système unique. N’est-ce pas un artifice pour habiller des concessions faites aux catégories les plus résolues à maintenir des dérogations à leur avantage ?

Sur ce point, le gouvernement a raison : universalité ne signifie pas uniformité. Si l’on en voulait une preuve, il suffirait d’évoquer le cas des allocations familiales : contrairement à ce que l’on avance parfois, celles-ci sont toujours universelles dans la mesure où elles continuent d’être versées à tous ceux qui ont la charge d’au moins deux enfants.

Cependant, depuis 2015, leur montant n’est plus uniforme puisqu’il varie, désormais, en fonction des revenus des intéressés. Mais, là encore, il est permis de s’interroger sur la pertinence d’un discours mettant en avant la simplicité censée résulter d’un « système commun à tous » et la diversité générée par la multiplication de traitements particuliers au bénéfice de catégories sans cesse plus nombreuses…

L’objectif de lisibilité et de simplification, qui est également recherché à travers cette réforme, ne risque-t-il pas d’être perdu de vue ?

A l’évidence, oui ! Perdu de vue non pas seulement en raison de cette multiplication de

traitements particuliers, laquelle revient peu ou prou, qu’on le veuille ou non, à reproduire au sein du régime unique à points une floraison de « mini-régimes » propres à chacune des catégories dont on entend prendre en compte les intérêts spécifiques.

Mais perdu de vue, également, en raison de l’incertitude dans laquelle risque de se trouver tout un chacun s’agissant du montant de sa pension future : puisque la réforme se propose de substituer à un système à prestations définies un système à cotisations définies. Autrement dit : si chacun, à l’heure actuelle, peut connaître, à partir de ses annuités de cotisations (et ce, quand bien même il relèverait de plusieurs régimes différents), quel sera le montant de sa pension, il n’en va pas de même, en revanche, du pensionné du régime à points : puisque ce montant sera entièrement fonction de la valeur du point.

5 janvier 2020

Des milliers de personnes ont manifesté contre la réforme des retraites

A Paris, plusieurs milliers ont défilé, samedi, de la gare de Lyon à la gare de l’Est. Des mobilisations ont également eu lieu à Marseille, Toulouse ou Caen.

Après un mois de grève contre la réforme des retraites, et à la veille d’une semaine décisive, de nouvelles manifestations ont eu lieu samedi 4 janvier à Paris et dans plusieurs villes de France.

Dans la capitale, plusieurs milliers de personnes ont manifesté, certaines arborant un gilet jaune, pour demander le retrait de la réforme, à l’appel des unions départementales CGT, FO, Solidaires et FSU. Derrière une banderole réclamant « Macron, retire ton projet, sauvegardons et améliorons nos retraites », le cortège est parti peu après 13 heures de la gare de Lyon et a atteint sa destination, la gare de l’Est, vers 16 heures.

Place de la Bastille, les manifestants, parmi lesquels aussi quelques blouses blanches et des enseignants, ont salué l’Opéra en scandant « la clause du grand-père, on n’en veut pas ! », en référence à la proposition qui a été faite aux danseurs de l’Opéra que seuls les nouveaux entrants ne bénéficient plus d’un départ à la retraite à 42 ans, proposition qu’ils ont rejetée.

« Il faut que les gens réfléchissent un peu à ce qu’ils veulent en termes de modèle de société », a déclaré Jean-Gabriel Mahéo, un technicien industriel se qualifiant de « gilet jaune ». « Si jamais le système qui est proposé passe, (…) ce sera une catastrophe sociale. »

Beaucoup d’opposants portaient pancartes et boîtes en carton tentant de collecter de l’argent pour aider les grévistes. « RER B, aidez-nous », disait l’une d’elles. La grève dans les transports est entrée samedi dans son deuxième mois, une durée inégalée qui a dépassé le précédent record établi en 1986-1987. Le trafic SNCF restait globalement perturbé pour les retours de vacances scolaires du week-end, tout comme à la RATP.

Des défilés à Marseille, Toulouse ou Caen

De son côté, la préfecture de police de Paris a interdit « tout rassemblement de personnes se revendiquant des “gilets jaunes” dans plusieurs secteurs de la capitale », notamment sur les Champs-Elysées, près de l’Elysée, dans le secteur de l’Assemblée nationale, de la cathédrale Notre-Dame et du Forum des Halles.

A Marseille également, quelques centaines de personnes ont manifesté au départ du Vieux-Port. Des « gilets jaunes » ont pris la tête du cortège sous un grand soleil, suivis par des militants CGT et Solidaires principalement.

Jean Bergue, 72 ans, retraité de France Télécom, ne compte plus ses manifestations contre la réforme des retraites : « J’en suis à la trentième peut-être », assure-t-il. Ce septuagénaire dénonce « un président qui veut monter les travailleurs les uns contre les autres » et « répond par le mépris » à la contestation sociale. A la rentrée, espère-t-il, « le mouvement va encore s’amplifier et se durcir, jusqu’au retrait total du texte ».

A Toulouse, plusieurs dizaines de « gilets jaunes » sont entrés dans la gare Matabiau et certains ont bloqué des rails en soutien aux cheminots grévistes. « Au départ, notre mouvement [des “gilets jaunes”] s’était dit apolitique, “asyndical”, mais on a besoin d’eux et ils ont besoin de nous, car on se bat pour la même chose », a soutenu Carole, 54 ans, mégaphone à la main. Pour Olivier, un professeur de 53 ans, « les “gilets jaunes” et les syndicats ont tout intérêt à ne rien lâcher et à mettre ensemble en route une utopie, dont le peuple a viscéralement besoin ».

Le cortège a ensuite rejoint des centaines de manifestants dans les rues du centre-ville de Toulouse. Ils ont traversé sans heurts la place du Capitole, qui leur avait été interdite pendant des mois. « Si la police nous suit, c’est qu’elle n’a pas d’amis », ont scandé les manifestants à l’attention des CRS qui s’étaient positionnés dans les rues attenantes.

Selon France Bleu, plusieurs centaines de personnes ont manifesté au Mans ainsi qu’à Caen. Des opérations « péages gratuits » ont eu lieu samedi matin dans plusieurs villes : Vinci Autoroutes a fait état de manifestations au péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines, mais aussi à Perpignan, Nîmes, Béziers et Carcassonne.

Reprise de discussions

Cette journée d’action précède une semaine décisive, ponctuée par la reprise de discussions difficiles avec les syndicats et deux journées de manifestations : celle de jeudi 9 janvier, avec un appel de l’intersyndicale (CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires, FSU) à une journée interprofessionnelle de manifestations et de grèves. Puis celle de samedi 11, avec un appel à manifester dans tout le pays, lancé par l’intersyndicale rejointe par les syndicats de lycéens et d’étudiants UNEF et UNL.

Dès lundi, de nouveaux appels à la grève ont été déposés, notamment par les avocats, le 2e syndicat de pilote d’Air France et des fédérations d’infirmiers et de kinésithérapeutes. La CGT a promis un durcissement des blocages de raffineries, de terminaux pétroliers et de dépôts.

Mardi, les discussions reprendront après une pause de dix-sept jours où rien n’a évolué. La réunion avec les partenaires sociaux est prévue au ministère du travail, sous l’égide de Muriel Pénicaud, absente jusqu’à présent des négociations. Elle doit aborder la pénibilité, seule piste de tractation évoquée par Emmanuel Macron le 3 décembre, ainsi que l’emploi des seniors.

Le chef de l’Etat s’est redit déterminé à « mener à terme » la réforme et n’a rien lâché, notamment sur l’âge pivot de départ en retraite à 64 ans, qui a mis en colère les syndicats « réformistes » CFDT, CFTC et UNSA. Mais, à moins d’apparaître comme partisans d’un passage en force, M. Macron et son premier ministre n’ont plus que deux semaines pour trouver une solution avant la présentation de la réforme en conseil des ministres, la semaine du 20 janvier.

A gauche, union pour demander le retrait de la réforme. Jean-Luc Mélenchon, Olivier Faure, Fabien Roussel, Julien Bayou ou encore Philippe Martinez ont cosigné, parmi 65 personnalités de gauche, une tribune appelant au retrait de la réforme des retraites et à l’ouverture de « vraies négociations », publiée dans le Journal du dimanche du 5 janvier. Outre les dirigeants de La France insoumise, du Parti socialiste, du Parti communiste, d’Europe Ecologie-Les Verts ou de la CGT, figurent également les porte-parole du NPA Olivier Besancenot et Philippe Poutou et le coordinateur de Générations Guillaume Balas. A leurs côtés, des députés (Clémentine Autain…), députés européens (Raphaël Glucksmann…), sénateurs (Esther Benbassa…) mais aussi des acteurs (Josiane Balasko, Corinne Masiero), journalistes (Audrey Pulvar), sociologues, chercheurs…

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