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Jours tranquilles à Paris
retraite
25 décembre 2019

Caisse, cagnottes... les grévistes s'organisent pour lutter contre la réforme des retraites

greve sncf

Les cheminots français de la SNCF en grève participent à une manifestation à Paris alors que la France affronte son 15e jour de grève consécutif contre les plans de réforme des retraites du gouvernement français, le 19 décembre 2019.

Texte par : Tiffany Fillon

Alors que la grève contre la réforme des retraites dure depuis 20 jours à la RATP et à la SNCF, les fins de mois s’annoncent difficiles pour de nombreux grévistes. Ils peuvent bénéficier de différents mécanismes d'aide, comme des caisses de grève ou des cagnottes en ligne, pour continuer leur combat.

Au 20e jour de mobilisation contre la réforme des retraites, il devient difficile pour les grévistes de poursuivre le mouvement. En cause : des salaires plus bas dûs aux journées de grève. Et le manque à gagner continuera à se creuser puisque de nombreux grévistes ont annoncé leur intention de poursuivre leur action jusqu'au retrait du projet de réforme. "Ils perdent de l'argent. Les combatifs s'arrangent pour avoir un peu d'argent de côté, mais c'est dur, et plus dur quand le salaire est bas", souligne Fabien Dumas, secrétaire fédéral du syndicat SUD-Rail.

Au sein des organisations syndicales, des solutions sont proposées pour que les grévistes tiennent le coup. La CFDT dispose, par exemple, de la Caisse nationale d’action syndicale (Cnas). Cette caisse fait de la CFDT la "seule organisation syndicale française à disposer d'une caisse de grève pour ses adhérents", financée par une partie de leurs cotisations, comme le note la confédération sur son site Internet.

Grâce à elle, chaque adhérent peut bénéficier d’une indemnité compensatoire, à hauteur de 7,30 euros par heure pour les salariés à temps plein, qui ont effectué plus de sept heures de grève. Par comparaison, au 1er janvier 2019, le SMIC s'élevait à 10,03 par heure, en salaire brut.

Alimenté par les cotisations des salariés adhérents à la CFDT, ce fonds ne sert pas seulement à indemniser les grévistes puisque, selon ce responsable, la Cnas sert aussi à “aider les adhérents et les syndicats en cas de procédures judiciaires”. Il estime le montant total de la Cnas à “plus de 100 millions d’euros”.

Des pertes salariales à compenser

En parallèle, le syndicat a aussi mis en place une cagnotte en ligne, pour "aider financièrement les agents SNCF qui se mobilisent depuis le 5 décembre", peut-on lire sur le site Internet de la cagnotte. Et la CFDT n’est pas le seul syndicat à proposer ce type de cagnottes. Il s’agit même d’un phénomène très répandu, à la fois à l’échelle nationale et locale. L’Unsa ferroviaire dispose par exemple d’une cagnotte nationale sur Internet, qui s’ajoute à celle dédiée aux grévistes de l’UNSA ferroviaire du Languedoc Roussillon.

À la CGT-RATP, "on n'organise pas de caisse de grève", indique Bertrand Hammache, secrétaire général de la CGT-RATP, mais il peut y avoir "des collectes autour des dépôts".

Pas de caisse de grève nationale non plus à la CGT-Cheminots, d'après son porte-parole Cédric Robert. "Des caisses de solidarité locales peuvent exister mais elles n'ont pas vocation à compenser la totalité des pertes" car "les cheminots grévistes vont perdre entre 60 et 100 euros de salaire par jour", signale-t-il.

Interrogé par France 24, un responsable de la CFDT souhaitant rester anonyme est convaincu que la fin du mois de décembre sera difficile pour certains grévistes. "Ils savent pertinemment qu’il y aura une répercussion salariale. Certains vont manger des boîtes de cassoulet à Noël", déplore-t-il, ajoutant qu’"aucune mesure d’accompagnement financier n’existe au sein des entreprises".

Sur les fiches de paie, des diminutions de salaires apparaîtront dès le bulletin de décembre à la SNCF. À la RATP, elles seront reportées à la fin janvier. Si les cheminots ont reçu mi-décembre leur prime de fin d'année, les agents RATP avaient, eux, perçu leur 13e mois à la fin du mois de novembre.

"Une solidarité nationale remarquable"

Face à ces pertes, les grévistes ont développé des stratégies pour supporter le coût financier de la grève. "Les grévistes font comme tous les Français qui ont des fins de mois difficiles. Certains ont envisagé de prendre des crédits, de piocher dans leur découvert" pour financer leur grève, rapporte Thierry Babec, secrétaire général de l'Unsa-RATP, syndicat qui n'a "pas de cagnotte".

Qu’ils soient cheminots ou non, syndiqués ou non, les grévistes peuvent aussi se tourner vers la cagnotte lancée par le syndicat Info’Com-CGT, qui défend des salariés de l'information et de la communication. Créée en 2016 pendant les manifestations contre la Loi travail, elle réunit à ce jour, "806 694 euros collectés pour le mouvement social des retraites”, d’après le site Internet qui l’héberge.

"Cet argent n’est pas celui de la CGT, c’est celui des donateurs", affirme Romain Altmann, secrétaire général d’Info' Com CGT et coordinateur de cette caisse solidaire gérée avec d’autres structures syndicales. Parmi les profils de donateurs, il cite notamment des "personnes qui ne peuvent pas faire grève pour des raisons financières, des femmes employées à temps partiel ou encore des retraités". D’après Romain Altmann, tous les grévistes peuvent bénéficier de ce fonds, qui est versé selon des "critères de répartition définis entre grévistes et syndicats".

À la tête de la CGT, cette initiative issue de la base syndicale fait grincer des dents. Sur Twitter, Laurent Brun, secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots, a dénoncé, dimanche 15 décembre, un système de répartition trop opaque. "Voilà comment on instrumentalise la grève pour collecter de l’argent. Cette collecte ne représente pas les cheminots CGT", a-t-il tweeté, avant d'ajouter : "Vous distribuez à votre bon vouloir et vous laissez croire que vous collectez en notre nom ce qui n’est pas le cas."

Malgré ces réserves, Romain Altmann reste motivé. "Même si en termes de montant, la cagnotte représente une goutte d’eau, elle illustre une solidarité nationale remarquable", se réjouit-il. Lui qui voit cette cagnotte comme un "symbole" sait qu'elle ne pourra pas régler tous les problèmes financiers des grévistes car, affirme-t-il, "leurs pertes de salaires se compteront en dizaines de millions d’euros."

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22 décembre 2019

Emmanuel Macron renonce à sa future retraite de président

macron bureau presidentiel

Pour ses successeurs, le nouveau système de retraite rentrera dans le cadre du régime universel par points. Le chef de l’Etat ne siégera pas non plus au Conseil constitutionnel.

Emmanuel Macron renonce par avance à sa future retraite d’ancien président de la République, a indiqué l’Elysée samedi 21 décembre , confirmant une information du journal Le Parisien. Le chef de l’Etat, qui a fêté ses 42 ans ce samedi, a également décidé de ne pas siéger à l’avenir au Conseil constitutionnel dont les anciens présidents sont membres de droit à vie, avec une indemnité mensuelle de 13 500 euros.

Cette décision intervient en plein mouvement de grève contre la réforme des retraites voulue par le chef de l’Etat qui a appelé, depuis Abidjan samedi, à une « trêve » au dix-septième jour de la mobilisation. Selon l’Elysée, « il n’y a pas de volonté d’affichage », seulement « une volonté de cohérence » de la part d’Emmanuel Macron. La présidence rappelle qu’il avait démissionné de la haute fonction publique le jour même de sa déclaration de candidature à la présidentielle en novembre 2016.

Emmanuel Macron sera donc le premier président à renoncer au bénéfice de la loi du 3 avril 1955. En vertu de ce texte, les anciens chefs d’Etat se voient verser à vie, dès leur départ de l’Elysée, une pension équivalente au salaire d’un conseiller d’Etat, soit 6 220 euros bruts mensuels. Ce montant n’est soumis à aucune condition d’âge ni de durée de mandat, ni de plafond de revenus.

Pour les présidents aussi, une retraite par points

« Il a décidé qu’il ne s’appliquerait pas cette loi à court terme en 2022, ni en 2027 en cas de deuxième mandat », a indiqué l’Elysée à l’AFP. A la place, « un nouveau système sera créé dans le cadre du futur régime universel par points » pour les pensions des chefs de l’Etat. Selon l’Elysée, la cohérence veut que la loi de 1955 ne s’applique plus à aucun président à l’avenir.

La décision de ne pas siéger au Conseil constitutionnel relève elle aussi d’une certaine cohérence puisque la mesure figure dans le projet de réforme constitutionnelle qui attend encore de voir le jour.

Des deux prédécesseurs de M. Macron, François Hollande a renoncé de lui-même à y siéger alors que Nicolas Sarkozy a démissionné du Conseil constitutionnel en 2013 suite à l’invalidation par cette instance de ses comptes de campagne pour l’élection présidentielle de 2012.

Retraites : le gouvernement ferme sur la suppression des régimes spéciaux. Le gouvernement ne reviendra pas sur la suppression des régimes spéciaux dans le cadre de la réforme des retraites, assure, le 22 décembre, dans une interview au Journal du dimanche (JDD), le nouveau secrétaire d’Etat aux retraites, Laurent Pietraszewski. « Les appels à une trêve lancés par certains responsables syndicaux doivent être entendus » et « les propositions qui ont été mises sur la table à la RATP et à la SNCF (…) doivent permettre de reprendre le travail », exhorte le nouveau « Monsieur Retraites ». « Le dialogue social se poursuit avec les confédérations syndicales », assure-t-il. Dans le cadre des réunions programmées à partir de début janvier avec les partenaires sociaux, le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt, « mènera notamment les discussions sur la retraite progressive dans la fonction publique », la ministre du travail, Muriel Pénicaud, « celles sur l’emploi des seniors et la pénibilité, et moi sur le minimum contributif et les transitions », précise M. Pietraszewski. Défendant l’âge d’équilibre à 64 ans assorti d’un bonus-malus – une ligne rouge pour les syndicats réformistes –, il souligne que ce sera un avantage pour « les 120 000 Français qui doivent aujourd’hui aller jusqu’à 67 ans pour avoir une retraite complète ». Le JDD dévoile aussi un sondage IFOP qui montre que le soutien des Français à la grève s’effrite légèrement. Si 31 % des Français soutiennent le mouvement de protestation et 20 % ont de la sympathie pour lui, ce total de 51 % d’avis positifs représente 3 points de moins par rapport à une précédente enquête menée par le même institut une semaine plus tôt. A l’inverse, ils sont 34 % à se dire désormais opposés (19 %) ou hostiles (15 %) au mouvement de grève, soit 4 points de plus par rapport à la semaine dernière ; 15 % se disent indifférents.

18 décembre 2019

« Sous le sapin, la grève » : dans les manifestations contre la réforme des retraites, la « trêve de Noël » est largement rejeté

Par Solenn de Royer, Service France, Nos correspondants régionaux

Les opposants au projet du gouvernement n’ont pas désarmé, mardi 17 décembre. Nombre d’entre eux refusent l’idée de suspendre le mouvement pendant les fêtes, comme le leur enjoint l’exécutif.

C’est une simple planche posée contre un arbre, dans une rue pavée de la capitale. Quelques mots ont été tagués dessus, à la peinture mauve : « Y aura-t-il de la grève à Noël ? » Une semaine avant le 24 décembre, c’est l’une des questions que tout le monde se pose en cette troisième journée de mobilisation contre les retraites, qui a rassemblé 615 000 personnes dans toute la France selon le ministère de l’intérieur, 1,8 million selon la CGT.

Dès le début de la matinée, elle hante les assemblées générales de salariés à la SNCF ou à la RATP. Rassemblés à la station Nation, dans l’est de Paris, les conducteurs des lignes de métro 6, 9 et 3 décident de reconduire la grève jusqu’au vendredi 20 décembre, au moins. Et rejettent toute trêve de Noël, d’emblée.

« On commence à entrer dans le dur pour tout le monde mais surtout pour le gouvernement », veut croire le représentant de l’UNSA, Mohamed Bouzourène. Le syndicaliste dénonce cette « pression de Noël » que chercherait à instaurer l’exécutif : « Ils veulent nous responsabiliser mais on n’est pas responsables, c’est eux qui veulent nous imposer un nouveau système de retraite ! » Il est applaudi longuement.

Même tonalité gare de l’Est, où l’« AG » commence peu après 10 h 30 devant 200 cheminots, la plus grosse affluence depuis le début du mouvement. « On a des taux de grévistes chez les conducteurs qui dépassent les 80 %. Au bout de treize jours de grève, il y a une pêche incroyable », s’enthousiasme le secrétaire de la CGT Paris-Est, Patrick Belhadj, qui invite lui aussi à continuer la grève pendant les fêtes. « La trêve de Noël ? C’est de la flûte », assène de son côté Gauthier Tacchella, conducteur gréviste (FO) sur les lignes H et B du Transilien.

Dans toute la France, mardi 17 décembre, trains et métros sont restés à quai, encore une fois : un TGV sur quatre seulement en circulation ; un Transilien sur cinq. Dans le métro parisien, seules les lignes automatiques 1 et 14 ont fonctionné normalement. Les lignes 3, 4, 7, 8, 9 et 11, partiellement. Quant aux RER A et B, ils ont roulé uniquement aux heures de pointe. Dans la matinée, un sondage Harris Interactive pour RTL et AEF Info indiquait que si 62 % des Français soutenaient le mouvement de grève, 69 % souhaiteraient une « trêve de Noël ».

La trêve, une façon de « diviser les Français »

Dans les cortèges, personne ne semble s’en soucier vraiment. Place de la République, à Paris, Agnès attend le signal du départ. Cette « gilet jaune » de la première heure, âgée de 55 ans, tient même une pancarte où il est écrit : « 9 millions de pauvres exclus de fêtes (et bien plus à venir), trêve = indécence ». Sans emploi, Agnès touche le revenu de solidarité active (RSA).

Elle explique être retournée vivre chez sa mère de 83 ans, avec ses deux enfants. « Ce gouvernement nous parle de trêve dans le mouvement, pour ne pas priver les Français de fêtes de Noël ? Mais de quels Français il parle ? », s’agace-t-elle en fustigeant « une trêve pour les nantis ! » Pour Agnès, l’appel à la trêve de Noël serait une façon de « diviser les Français, de les monter les uns contre les autres », pour « démotiver » les manifestants. Elle est interrompue par un homme, tout aussi furieux : « Ce n’est pas la responsabilité des grévistes mais du gouvernement de laisser durer le mouvement ! »

Dans le cortège parisien de « l’Opération retraite », de nouveaux slogans ont fait leur apparition : « Sous le sapin ; la grève. Pas de trêve à Noël », « grévolution », ou alors « plus personne ne vous croit, Delevoye vous montre la voie ». Des « Macron démission » sont également scandés, chose plutôt rare jusqu’à présent. Ou encore : « Macron prends ta retraite, pas la nôtre ».

A côté de la place de la République, une vingtaine de lycéens bloquent le lycée Turgot, devant un amoncellement de poubelles, de palettes et de barrières de chantier. « On en a marre de l’inaction, c’est terminé de tout laisser passer : cette réforme des retraites, la privatisation des aéroports, le réchauffement climatique, et les violences policières ! », égrène tous azimuts Prune, 16 ans. Elle et ses camarades redoutent la coupure des vacances. « L’an passé, ça avait tué le mouvement lycéen contre la réforme du bac. Mais ce mouvement-là est plus fort… »

Mêmes paroles à Marseille, au sein de l’imposant cortège des cheminots CGT, qui s’ébranle en fin de matinée du haut de la Canebière. Elsa Vedrine, 43 ans, agent de maîtrise à la SNCF, est « certaine que la mobilisation va se maintenir ». « Le sujet est tellement important que Noël passe après », insiste cette gestionnaire de l’information voyageurs. La manifestante affirme même ressentir « une meilleure disposition du public face aux perturbations » que lors de la grève sur le statut des cheminots, en 2018. « Parce que cette fois, la réforme concerne tout le monde », conclut-elle.

En tête du cortège, le secrétaire départemental CGT, Olivier Mateu, explique qu’il a demandé à la direction de son syndicat que « des initiatives soient prises tout au long de la période de Noël ». Pour la première fois depuis le début de la mobilisation, un petit millier de gilets orange de la CFDT ferment la marche, cent mètres derrière le cortège principal.

« Dans les salles des professeurs, c’est l’assemblée générale permanente », raconte Caroline Chevé, porte-parole du FSU-13, qui assure que 60 % des enseignants du second degré sont en grève dans les Bouches-du-Rhône. Pour elle, l’idée de mettre la mobilisation entre parenthèses pour Noël n’a pas d’intérêt : « L’opinion publique est derrière nous ! »

« Quitte à être là, autant rester dans l’action »

En fin d’après-midi, la manifestation parisienne se termine place de la Nation, alors que la pluie commence à tomber. Beaucoup portent la tenue des black blocs. Les forces de l’ordre accélèrent la dispersion avec des gaz lacrymogènes.

Le ministère comptabilise 76 000 manifestants dans la capitale ; le cabinet indépendant Occurence pour un collectif de médias, 72 500 ; la CGT, 350 000 personnes.

A Rennes, les manifestants se sont dispersés dans le calme dès le début d’après-midi. Bilan : 10 000 personnes selon la préfecture – soit 3 000 de moins que le 5 décembre – et 18 000 selon la CGT – soit 3 000 de plus que le 5 décembre. Même « grand écart statistique » à Toulouse où la préfecture a recensé 17 000 manifestants tandis que la CGT donne le chiffre de 120 000.

A Marseille, si le comptage de la préfecture de police des Bouches-du-Rhône reste dix fois moins élevé que celui des organisateurs – soit 20 000 manifestants contre 200 0000 –, la mobilisation semblait en hausse par rapport aux journées d’action qui ont suivi le 5 décembre. Avant que le cortège ne se disperse, Robin Matta, aiguilleur à la gare de Miramas et secrétaire du syndicat CGT, prévient que « cette idée de trêve à Noël ne passe pas du tout dans les assemblées générales ».

« Les gars disent qu’en une semaine de mobilisation, ils ont gagné beaucoup et qu’en restant mobilisés, le gouvernement peut craquer. Si on utilise le mot “suspendre”, on aura du mal à relancer en janvier. De toute façon, les cheminots ont l’habitude de travailler le 25 décembre et le 1er janvier. Alors quitte à être là, autant rester dans l’action. »

Plus tard dans la soirée, le communiqué de l’intersyndicale – qui se réunissait à l’issue de la manifestation parisienne – est tombé. Les syndicats CGT, FO, FSU, Solidaires, à l’origine de la mobilisation contre la réforme des retraites, appellent « l’ensemble du monde du travail et la jeunesse à poursuivre et renforcer la grève, y compris reconductible là où les salariés le décident, pour maintenir et augmenter le rapport de force ».

Ils appellent à organiser des actions de grève et de manifestation « partout où c’est possible, notamment le 19 décembre par des mobilisations locales et ce, jusqu’à la fin de l’année ». Le texte est intitulé : « Pas de trêve jusqu’au retrait ».

16 décembre 2019

Démission de Jean-Paul Delevoye : les syndicats saluent un « homme de dialogue », l’opposition applaudit

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Le « Monsieur Retraites » du gouvernement a quitté son poste de haut-commissaire aux retraites lundi après une semaine de révélations sur ses activités et mandats non déclarés.

La démission de Jean-Paul Delevoye de son poste de haut-commissaire aux retraites, lundi 16 décembre vers midi, a provoqué de nombreuses réactions politiques et syndicales, à la veille d’une journée de mobilisation contre la réforme des retraites qu’il avait portée jusque-là.

Emmanuel Macron a fait savoir lundi avoir accepté « avec regrets » sa démission. Samedi, il avait reconnu auprès du Monde n’avoir pas déclaré initialement dix mandats et avoir sous-estimé des rémunérations d’autres activités, par ailleurs incompatibles avec sa fonction ministérielle.

Des leaders syndicaux saluent les qualités de « dialogue » de Delevoye

« Ça doit être très difficile pour lui. C’est un homme de dialogue. Il portait avec une conviction qu’on ne peut pas lui reprocher le projet du gouvernement », a réagi le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Yves Veyrier, sur LCI. « J’aime bien M. Delevoye [en tant que] personne, mais ce n’est pas le sujet », a-t-il ajouté, rappelant que son syndicat était vent debout contre le projet.

Cette démission « tombe mal », a jugé, de son côté, Laurent Escure, de l’UNSA, également sur LCI. Il a dit « espérer » que le successeur de M. Delevoye « ait la même connaissance technique et le même respect pour les partenaires sociaux ». De toute façon, a souligné M. Escure, « les arbitrages et le dialogue se font [désormais] avec l’Elysée et Matignon » et « le haut-commissaire n’était pas au premier plan ».

Avant l’annonce de la démission de M. Delevoye, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, avait lui aussi loué la « loyauté » du haut-commissaire. Tout en se disant « ébahi » et « abasourdi » par les révélations sur les mandats non déclarés du « Monsieur Retraites » du gouvernement, M. Berger a souligné que « la concertation avec lui a été loyale, il y a eu une confrontation d’idées intelligente, pour essayer de faire avancer les choses ».

« Il ne nous a jamais pris en traîtres », a-t-il dit sur Franceinfo. La polémique sur les mandats non déclarés de M. Delevoye nuit « évidemment » à sa « crédibilité », mais « sur le fond, (…) il connaît très bien le sujet, il est celui qui connaît le mieux les positions des différents interlocuteurs », a jugé M. Berger.

La porte-parole du gouvernement souligne son « sens du collectif »

La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a salué « le sens du collectif » et « le grand esprit de responsabilité » de M. Delevoye, qui a démissionné pour « ne pas handicaper l’action du gouvernement ».

« C’est avec un grand esprit de responsabilité qu’il a ainsi décidé de ne pas handicaper l’action du gouvernement en demeurant à son poste », a insisté la porte-parole du gouvernement à la veille d’une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme.

Le remerciant « pour l’ensemble du travail accompli depuis le début de la mandature », Mme Ndiaye a également loué son « esprit de dialogue » et « son esprit constructif », témoignant, selon elle, « d’une volonté sans faille de mener à bien et dans l’échange une réforme majeure pour le pays ».

« Il était temps », juge le Parti socialiste

L’opposition a, finalement, réussi son pari, en demandant à de multiples reprises la démission du ministre, effective depuis lundi. « Il était temps », a jugé le Parti socialiste.

Pour Marine le Pen, la position du ministre était « intenable ». « Les Français doivent garder à l’esprit que toute la macronie a défendu un homme fautif en contradiction avec notre Constitution ! » Le leader de La France Insoumise en a profité, lui, pour attaquer la réforme des retraites.

#Delevoye a démissionné. Son projet doit s'en aller aussi. On veut un joyeux Noël. #DelevoyeDemission

— JLMelenchon (@Jean-Luc Mélenchon)

La majorité, elle, « respecte » la décision du ministre, comme l’écrit le président du groupe LRM à l’Assemblée nationale.

Les députés @LaREM_AN expriment @delevoye tristesse et respect après la décision courageuse qu'il vient de prendre… https://t.co/arfcWa0xNU

— GillesLeGendre (@Gilles Le Gendre)

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9 décembre 2019

Retraite...

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4 décembre 2019

THE ECONOMIST - Vu du Royaume-Uni.Retraites, la réforme impossible

Après les échecs de Chirac et de Sarkozy, c’est Macron qui s’y colle. Mais même si le président actuel parvient à mener à bien sa réforme des retraites, le résultat sera décevant, estime cet hebdomadaire libéral britannique.

Sisyphe avait la vie facile comparé à ceux qui veulent réformer les retraites en France. Ce héros de la mythologie grecque fut condamné pour l’éternité à faire rouler un rocher jusqu’au sommet d’une montagne et à le voir redescendre à chaque fois. Mais il n’a jamais eu à persuader les travailleurs français de prendre leur retraite plus tard. En 1995, le gouvernement de Jacques Chirac a mis au placard son projet de réforme des retraites après des semaines de manifestations et de grèves qui avaient paralysé Paris. Il a modifié un peu son projet en 2003 mais fait machine arrière face aux manifestations de plus de 1 million de personnes. Nicolas Sarkozy a réussi à progresser un peu sur le sujet en 2010 mais sans grandes avancées notables.

Et voilà qu’Emmanuel Macron décide lui aussi de s’attaquer prudemment au rocher. Son Premier ministre, Édouard Philippe, s’est entretenu avec tous les grands syndicats et organisations patronales.

Préoccupé par la colère des “gilets jaunes”, qui ont bloqué le pays l’année dernière, Macron se veut désormais à l’écoute. Accusé de gouverner de manière hautaine et arrogante, il ne veut pas avoir l’air d’imposer de nouvelles mesures à un public mal disposé. Pourtant, sa prudence laisse songeur sur le genre de réformes qu’il souhaite et les résultats attendus. Le “Monsieur Retraites” du gouvernement, Jean-Paul Delevoye, a clairement indiqué, dans son rapport publié cet été, que le nouveau système ne modifierait en rien le montant global que la France consacre aux retraites.

La réforme ne résoudra qu’une partie du problème

Étant donné l’étendue du problème, c’est très décevant. Les Français prennent leur retraite bien plus tard que les autres ressortissants de l’OCDE. Et leur espérance de vie fait qu’ils passent environ un quart de siècle dans leur fauteuil.

C’est une lourde pression sur les finances publiques, d’autant plus pesante que ce sont les travailleurs d’aujourd’hui qui payent les retraites de leurs aînés. En juin, le Conseil d’orientation des retraites tablait sur un déficit des retraites de 10 milliards d’euros, soit le double du chiffre de 2018. En gros, la France dépense près de 14 % de son PIB dans les retraites, un peu moins que son voisin italien très endetté mais plus que l’Allemagne (10 %) et bien plus que la moyenne des pays de l’OCDE.

La solution évidente serait d’augmenter l’âge de la retraite, comme l’ont fait de nombreux autres pays. En France, l’effort le plus récent en ce sens remonte à Sarkozy. En 2010, il a relevé l’âge minimum de 60 à 62 ans et l’âge de la retraite réglementaire (sans décote) de 65 à 67 ans. Cependant, grâce à la complexité folle du système français, de nombreuses personnes peuvent prendre leur retraite beaucoup plus tôt, de sorte que l’âge moyen de départ à la retraite chez les hommes reste de 60 ans. L’un des problèmes est que Macron a fait campagne en 2017 en promettant de ne pas toucher à l’âge de la retraite. Ce qui veut dire que ses réformes ne résoudront, au mieux, qu’une partie du problème.

“Un énorme chantier”

L’équipe de Macron soutient que sa refonte est tout aussi dure à mettre en œuvre que celle sur l’âge des départs en retraite. Elle sera également plus compliquée. La France compte 42 régimes de retraite différents, qui se sont développés au fil des années au service des agriculteurs, des fonctionnaires, des comédiens, des cheminots, des employés des mines, des notaires, et ainsi de suite, et notamment un régime public par défaut auquel tous ceux qui ne sont pas couverts doivent souscrire. Les règles régissant les droits à la retraite et les cotisations varient considérablement d’un régime à l’autre et ne sont pas faciles à traiter. Le système est opaque et freine la mobilité professionnelle, car ces privilèges sont difficiles à transférer. Pour mettre un peu d’ordre, Macron a promis de fusionner tous ces régimes en un système unique de régime par points, qui traite tous les travailleurs de la même manière.

“Ce que les Français essaient de faire, c’est un énorme chantier, dit Monika Queisser, de l’OCDE. La France a l’un des systèmes de retraite les plus complexes, et ils essaient enfin d’harmoniser les choses.” C’est dans ce but que Macron a fait entrer Delevoye au gouvernement. Ce dernier a déjà passé de nombreux mois à examiner le système français et à débattre des possibilités de réforme. Après toutes ces discussions, un projet de loi devrait aboutir, mais pas avant l’été prochain.

Des déceptions inévitables

Il est logique de prendre le temps de bien faire les choses. Dans les années 1990, souligne Hervé Boulhol, spécialiste des retraites à l’OCDE, la Suède a passé près de dix ans à mettre en place un système similaire. Le gouvernement français se veut prudent face à la grogne généralisée et tente de parvenir à un consensus.

Quoi qu’il en soit, l’harmonisation des règles entraînera inévitablement des déceptions.

Malgré les ambitions qu’elles affichent, les réformes ne seront pas suffisantes. Macron promet de combler le déficit des retraites d’ici à 2025, et l’idée est de mettre en place un mécanisme automatique qui ajustera les règles de cotisation en fonction de l’allongement de l’espérance de vie. Le président veut que les gens puissent choisir en toute connaissance de cause le moment où ils décideront de partir à la retraite et dans quelles conditions.

Un goût d’inachevé

Pourtant, le nouveau système universel ne fera rien pour réduire les dépenses en matière de retraites. En effet, Delevoye en a fait un argument phare, promettant en juillet que l’enveloppe consacrée au financement des retraites du système universel resterait la même.

La France risque de s’en mordre les doigts. Les débats ont fait rage au sein de la majorité pour savoir s’il était vraiment raisonnable de la part de Macron de gaspiller son capital politique pour un projet qui ne permettra pas d’économiser de l’argent. Il est vrai qu’une fois le système en place il sera plus facile, sur le plan administratif, à défaut de politique, pour les futurs gouvernements de modifier les modalités et de faire des économies. Mais en attendant, Macron déploie des efforts considérables pour une réforme qui laissera forcément un goût d’inachevé.

SOURCE

THE ECONOMIST Londres www.economist.com Grande institution de la presse britannique, The Economist, fondé en 1843 par un chapelier écossais, est la bible de tous ceux qui s’intéressent à l’actualité internationale.

2 décembre 2019

Retraites : la Macronie se prépare au « cyclone » du 5 décembre

Par Olivier Faye

Echaudé par les « gilets jaunes », le pouvoir craint une convergence des colères et s’inquiète de la capacité des syndicats à tenir le mouvement d’opposition à la réforme.

En médecine, on dit que le corps n’oublie rien. En particulier les traumatismes. En politique, c’est pareil : les épreuves vous scarifient. Il y a un an, Emmanuel Macron, ses ministres, ses parlementaires, essuyaient la colère des « gilets jaunes » et sa part de violence. Le saccage de grandes villes. Les permanences dégradées. Les menaces physiques.

Certains, comme le sénateur (La République en marche, LRM) de Côte-d’Or François Patriat, voyaient leur maison encerclée par les manifestants. D’autres, comme l’ancien porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, la porte de leur ministère enfoncée par un engin de chantier. Le chef de l’Etat lui-même, souligne une ministre, a éprouvé « dans sa chair », au Puy-en-Velay, en Haute-Loire, le 4 décembre 2018, l’expérience de la « haine personnelle ». Celle de « gilets jaunes » qui couraient après sa voiture en lui souhaitant de « crever sur la route ». « C’est la seule fois où il a eu physiquement peur », rapporte un ami. Difficile de refouler autant de souvenirs à l’approche de la mobilisation contre la réforme des retraites.

Certes, ce mouvement, dont le coup d’envoi est donné, jeudi 5 décembre, « n’est pas de type “gilets jaunes” », rappelle un député LRM. « On a des interlocuteurs et un mot d’ordre », poursuit-il. Des syndicats, et une cible bien désignée : la suppression des régimes spéciaux et la mise en place d’un régime de retraite universel.

Mais cela n’empêche pas la crainte de débordements. « C’est comme aux Etats-Unis quand il y a un cyclone. L’événement est annoncé dix jours à l’avance et tout le monde se prépare en mettant des plaques en bois sur les portes », souligne un poids lourd de la majorité. Et le même d’ajouter : « La mobilisation va être forte. Le vrai sujet c’est, est-ce qu’il y aura de la violence ? » « Les mouvements sociaux deviennent plus imprévisibles et plus violents, souligne un ministre. Quand vous voyez qu’une manifestation étudiante a forcé la grille du ministère de l’enseignement supérieur [le 12 novembre], il y a une vraie radicalisation. »

« Radicalisation de la société française »

Un dirigeant macroniste, qui s’est récemment entretenu avec le préfet de police de Paris, Didier Lallement, pointe le risque que les syndicats soient chahutés par leur base ou des éléments extérieurs. « Lallement est inquiet pour le 5 décembre, rapporte cette source. Il dit que si les “gilets jaunes” viennent dans la manif de la CGT, il ne sait pas ce qui se passera. Le service d’ordre de la CGT n’est plus celui de 1995. »

« La grande peur, c’est que les syndicats ne soient pas assez forts pour tenir le truc », résume un conseiller ministériel. En théorie, les « gilets jaunes » doivent attendre samedi avant de se mobiliser. Mais ils ne sont pas les seuls à être suivis de près par le pouvoir.

« Il y a une radicalisation de la société française évidente. Une “jaunisation” », souligne-t-on dans l’entourage du premier ministre Edouard Philippe, où l’on s’interroge sur la capacité des syndicats « à ne pas être infiltrés par les black blocs ». « Nous sommes passés d’une crise en phase aiguë à une crise en phase chronique », note un proche d’Emmanuel Macron.

Comme il y a un an, la Macronie fait le choix d’incarner le parti de l’ordre face aux troubles éventuels et aux blocages. Vendredi, une réunion était organisée à Matignon en présence de plusieurs ministres pour faire le point sur les mesures à prendre pour éviter la paralysie.

Ne pas être vaincu par la peur

Dans le même temps, la majorité désigne ses opposants qui, du Parti socialiste au Rassemblement national, en passant par La France insoumise, s’apprêtent à soutenir ou à participer à la mobilisation.

« On voit bien qu’il y a une volonté de faire converger toutes les colères, d’attiser tout ce qui va mal », a dénoncé sur France 3, dimanche, Stanislas Guerini, délégué général de LRM. Manière de prendre l’opinion à partie, dans une bataille qui se joue aussi dans les sondages. Selon une enquête de l’IFOP pour le Journal du dimanche (JDD), 46 % des Français soutiennent ou expriment de la sympathie envers la mobilisation du 5 décembre, quand 33 % s’y déclarent opposés ou hostiles. Restent 21 % d’« indifférents » à convaincre de basculer du bon côté.

Reste, aussi, à démontrer que le macronisme ne sera pas vaincu par la peur. En se mobilisant, les « gilets jaunes » ont fait reculer le président de la République sur certains aspects de sa politique – comme la hausse de la taxe carbone ou de la contribution sociale généralisée (CSG) touchant une partie des retraités – et poussé l’Etat à débourser au total près de 17 milliards d’euros d’argent public.

En menaçant de bloquer les trains, les métros, les avions, les raffineries, ou bien de sécher les salles de classe, les prétoires et les commissariats, les opposants à la réforme des retraites entendent, eux aussi, ébranler la détermination des macronistes. « Est-ce que la société est braquée sur le 5 décembre ? Je ne suis pas sûr, il y a quelque chose de vieux monde dans cette mobilisation », veut néanmoins se convaincre un haut dirigeant de la majorité.

« La réforme se fera »

Dimanche soir, un séminaire gouvernemental était réuni à Matignon afin de montrer que l’exécutif croit en cette « grande réforme », selon l’expression utilisée par Edouard Philippe. L’occasion de « rappeler les fondements, les éléments essentiels » de ce projet, a déclaré le premier ministre à son arrivée, et de faire en sorte que les ministres se muent en porte-parole sur les plateaux de télévision dans les jours à venir. Rien de neuf sur le fond, mais une image, celle d’un chef de gouvernement souriant, le col de chemise ouvert. Serein, on vous dit.

Selon un proche, Emmanuel Macron, lui aussi, n’aurait « pas peur de la castagne ». « Je ne sens pas de fébrilité chez lui. Elle est plutôt autour de lui », ajoute cet ami du chef de l’Etat. Il vaut mieux bander les muscles avant un combat qu’après. « La réforme se fera », a martelé dans le JDD du 1er décembre le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin. Reste à savoir laquelle.

24 septembre 2019

Réforme des retraites : les syndicats toujours divisés

Par Raphaëlle Besse Desmoulières

Trois jours après Force ouvrière, la CGT et Solidaires appellent à une journée d’action interprofessionnelle mardi 24 septembre.

Parviendront-ils à parler d’une même voix ? Alors que des mouvements catégoriels (avocats, salariés de la RATP…) ont fortement mobilisé ces derniers jours contre la réforme des retraites, les confédérations syndicales n’ont pas réussi, pour le moment, à unir leurs forces.

Trois jours après Force ouvrière (FO), la CGT et Solidaires appellent, mardi 24 septembre, à une journée d’action interprofessionnelle contre « la régression sociale », en particulier sur les retraites. A la SNCF, le trafic devrait être perturbé, notamment sur les lignes TER et transilien.

Samedi, FO avait, elle, convié ses militants à Paris pour qu’ils puissent exprimer leur mécontentement. Plusieurs milliers d’entre eux – soit 6 000 selon la police, 15 000 selon la confédération – ont répondu présents.

L’idée n’était pas tant de faire masse que de ressouder les rangs sur un sujet majeur après une année difficile pour l’organisation syndicale, marquée par la démission, en octobre 2018, de son numéro un Pascal Pavageau, mis en cause pour des fichiers controversés.

Pour Yves Veyrier, qui lui a succédé à la tête de FO, il s’agissait d’« exprimer fortement [leur] détermination ». « L’expérience de ces dernières années, notamment sur les retraites, montre qu’une manifestation, aussi réussie soit-elle, ne permet pas toujours de se faire entendre, ajoute-t-il. Il y a autant de débats sur l’unité syndicale que sur la nature des actions à mener. »

« Irresponsabilité mortifère »

« Le fait qu’il n’y ait pas de date commune ne signifie pas qu’il y ait des dissensions sur les retraites mais marque surtout la volonté de FO d’organiser sa rentrée », relativise, de son côté, Fabrice Angei, membre du bureau confédéral de la CGT. « On serait dans un moment décisif, ce ne serait pas un bon signal mais on n’en est pas là… », renchérit Eric Beynel, porte-parole de Solidaires.

Pour Jean-Marie Pernot, politiste à l’Institut de recherches économiques et sociales, cela montre cependant « une certaine irresponsabilité mortifère ». « Malgré pas mal de luttes unitaires dans certains secteurs, les confédérations vont passer, une fois de plus, à côté du besoin de mouvement et d’unité qui remonte du terrain », juge-t-il.

Vendredi 13 septembre, la mobilisation a été très suivie à l’appel de quasiment tous les syndicats de la RATP. Ces derniers, à l’exception notable de la CGT, entendent récidiver avec « une grève illimitée » à partir du 5 décembre.

L’exécutif ne se prive pas d’appuyer là où ça fait mal

Au niveau interprofessionnel, l’union syndicale large sera d’autant plus difficile à construire que les centrales ne sont pas d’accord sur le fond du dossier.

Si la CGT et FO ne veulent pas entendre parler d’un système universel à points, la CFDT y est favorable sur le principe, même si Laurent Berger, son secrétaire général, a prévenu qu’il ne voulait pas d’une « réforme budgétaire ». La CFE-CGC, elle, n’a pas encore rejoint le camp des opposants, mais le sort des cadres, qui pourraient sortir perdants de la réforme, la fera peut-être basculer.

Malgré un discours vantant le dialogue, l’exécutif ne se prive pas d’appuyer là où ça fait mal. La semaine du 9 septembre, Emmanuel Macron a ainsi échangé avec M. Berger puis avec Laurent Escure, son homologue de l’UNSA, sur les dossiers de la rentrée. De quoi froisser les autres chefs de file syndicaux qui, en fin de semaine dernière, n’avaient toujours pas eu d’invitation de l’Elysée. « Nous demandons à être reçus par Macron, qui choisit les syndicats qu’il voit et qui a même rencontré un syndicat non représentatif comme l’UNSA, mais n’écoute pas ceux comme la CGT qui ont une autre réforme à mettre en débat », indique Catherine Perret, numéro deux de la CGT.

12 octobre 2018

Retraites : une réforme explosive aux multiples inconnues

Par Raphaëlle Besse Desmoulières, Bertrand Bissuel

Le gouvernement va-t-il préciser ses intentions sur la réforme des retraites ? L’occasion lui en est, en tout cas, offerte avec la reprise des concertations sur ce chantier parmi les plus sensibles du quinquennat.

Mercredi 10 octobre, le haut-commissaire chargé du dossier, Jean-Paul Delevoye, a reçu, pour la première fois depuis sa prise de fonctions, à l’automne 2017, l’ensemble des partenaires sociaux, alors qu’il les avait rencontrés séparément jusqu’à présent.

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, qui défendra le projet de loi lorsqu’il sera examiné au Parlement – en 2019, en principe –, ne sera finalement présente qu’à l’ouverture de la rencontre alors qu’elle devait, là aussi une première, être autour de la table. Mais son cabinet a précisé, mardi, qu’elle devait filer en conseil des ministres, décalé pour cause de remaniement.

Lundi soir, la réunion a même été reportée avant d’être maintenue. Selon M. Delevoye, elle a pour objectif de tirer « le bilan » des discussions conduites au premier semestre et de faire « une proposition de calendrier pour les six prochains mois ».

Un véritable big bang

Contrairement à la transformation du système ferroviaire, adoptée à la fin du printemps, ou à la réécriture du code du travail, en 2017, la réforme des retraites concerne tous les actifs : fonctionnaires, salariés du privé, professions libérales ou agriculteurs. Un véritable big bang qui ambitionne de rendre plus équitable et plus lisible un système devenu indéchiffrable, avec sa quarantaine de régimes soumis à des règles différentes. De ce projet, peu de choses sont connues, à ce stade, mise à part une profession de foi très générale : il s’agit de bâtir un dispositif universel où chaque euro cotisé apportera les mêmes droits à tous.

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de ne toucher ni à l’âge légal de départ à la retraite ni à la durée de cotisation. Lors de son discours devant le Congrès, le 10 juillet à Versailles, le chef de l’Etat a, de nouveau, exprimé sa volonté d’instaurer « un système (…) juste, unique, transparent ». Il a aussi redit son attachement à un « régime par redistribution », « reposant sur la solidarité entre les générations », où les cotisations de ceux qui travaillent financent les pensions des personnes à la retraite.

De son côté, le premier ministre, Edouard Philippe, a confirmé, le 27 septembre, que la réforme n’aura aucun « impact sur les personnes qui sont à la retraite et sur les personnes qui vont prendre leur retraite » dans les prochaines années.

Terrain miné

En dehors de ces quelques grands principes, l’exécutif s’est peu avancé. Quant à M. Delevoye, « il a noté ce que nous voulons », comme le résume Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC.

Mais, de ces multiples face-à-face entre le haut-commissaire et les partenaires sociaux, il n’en est ressorti aucun arbitrage. De ce fait, l’impatience commence à poindre chez plusieurs protagonistes. « On n’en sait pas plus qu’il y a un an », soupire un haut gradé du Medef. « Ça fait six mois qu’on tourne en rond, renchérit un syndicaliste. Il serait bienvenu qu’ils nous exposent leurs orientations, au moins sur les thèmes abordés durant la concertation. »

« J’ai dit à Jean-Paul Delevoye que si on n’avait pas d’éléments concrets [mercredi], on ne viendrait plus », met en garde Pascal Pavageau, secrétaire général de FO. « Il faut qu’ils fassent état de choix tangibles, pour que leur parole puisse susciter la nôtre », affirme également Frédéric Sève (CFDT).

L’exécutif se montre prudent car il sait que le terrain est miné. Impossible, en effet, d’oublier la polémique qui a éclaté, au printemps, sur les pensions de réversion : il a suffi d’une phrase, dans un document officiel, pouvant laisser penser que celles-ci seraient sur la sellette pour que les esprits s’enflamment.

Des centaines de milliers de personnes ont cru qu’elles risquaient de perdre une partie de leurs revenus. Une crainte attisée par une communication approximative : à l’époque, Agnès Buzyn avait tenu des propos imprécis qui pouvaient être interprétés comme une remise en cause de la réversion au détriment des personnes n’ayant pas travaillé ; elle a ensuite très vite corrigé le tir mais l’épisode a contribué à entretenir le trouble.

Ne pas « cogner » avec des échéances politiques

« Ce débat s’est révélé emmerdant car ils ne se sont pas investis dedans, c’est très révélateur d’un dossier mal porté, mal préparé, déplore un dirigeant syndical. Les retraites, ce n’est pas son truc, à Buzyn. Il y a une carence de portage politique. »

Un avis très tranché qui ne reflète pas celui de toutes les organisations syndicales et patronales. Le fait que le dossier soit piloté par une personnalité extérieure à l’organigramme gouvernemental – M. Delevoye en l’occurrence – ne pose « pas de difficulté », aux yeux d’Alain Griset, le numéro un de l’Union des entreprises de proximité (artisans, commerces, professions libérales). « Jean-Paul Delevoye a le poids politique nécessaire et la confiance du président de la République », juge-t-il. « On a vraiment l’impression que c’est un ministre bis », complète Michel Chassang, patron de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL). Qui plus est, le haut-commissaire est entouré d’une dizaine d’experts « qui connaissent parfaitement la question », souligne Serge Lavagna (CFE-CGC) : « On parle du fond des sujets. »

L’une des inconnues, maintenant, se situe dans la date à laquelle le gouvernement abattra ses cartes. Dans son discours devant le congrès de la Mutualité, le 13 juin, M. Macron avait fait part de sa volonté de voir « une loi (…) présentée au début de l’année 2019 et [qui] sera votée dans le premier semestre » de la même année. Mais cette fenêtre de tir pourrait être repoussée, pour ne pas « cogner » avec des échéances politiques.

« La mère de toutes les batailles »

Alors que les élections européennes auront lieu en mai 2019, le gouvernement n’a pas forcément envie de présenter, en amont du scrutin, un texte susceptible d’agréger les mécontentements. La CGT et FO ne demandent qu’à en découdre. Idem pour une partie de l’opposition de gauche. Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a d’ailleurs promis d’en faire « la mère de toutes les batailles ».

A un moment donné, l’exécutif devra trancher et sortir du flou. Cette étape sera délicate car, comme l’a lui-même reconnu M. Macron, on verra qui seront les gagnants et les perdants.

Interpellé lors de sa visite à Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne), le 4 octobre, le chef de l’Etat a, de nouveau, martelé que le système actuel « n’est pas juste ». « C’est pour ça que je veux en faire un nouveau. Il y en a qui vont râler, car ils touchent plus avec le système actuel », a-t-il lancé. Une manière de montrer qu’il s’attend, lui aussi, à livrer bataille.

19 septembre 2018

Emmanuel Macron face à la grogne des retraités

Par Raphaëlle Besse Desmoulières, Cédric Pietralunga, Audrey Tonnelier

Alors que les aînés avaient en 2017 davantage voté pour l’actuel chef de l’Etat que la moyenne des Français, ils sont aujourd’hui une large majorité à se dire déçus de l’action de l’exécutif

« Il faut arrêter d’emmerder les retraités ! » D’habitude réticent à raconter les coulisses du pouvoir, l’Elysée a fait une exception, lundi 17 septembre. Selon l’entourage d’Emmanuel Macron, le chef de l’Etat a tenu une réunion avec ses conseillers, le même jour, au cours de laquelle il a exclu toute velléité de modifier les droits de succession durant le quinquennat. « On n’y touchera pas tant que je serai là […]. On a demandé des efforts aux retraités. Mais maintenant, arrêtez de les emmerder », aurait cinglé le président, paraphrasant Georges Pompidou qui, en 1966 lorsqu’il occupait Matignon, avait enjoint à ses conseillers de « foutre la paix » aux Français.

L’Elysée ne s’en cache pas, cette sortie était destinée à éviter les spéculations sur un alourdissement des droits de succession. C’est Christophe Castaner, le patron de La République en marche (LRM), qui avait allumé la mèche, vendredi 14 septembre. Lors de sa conférence de presse de rentrée, le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement avait annoncé l’ouverture d’une « réflexion sans tabou sur la fiscalité des successions ». Une erreur, selon le président. « On a besoin d’un équilibre dans les efforts, à partir du moment où les retraités ont été mis à contribution, il n’est pas question d’en rajouter », estime un conseiller.

Cette exception à l’habituel mutisme de l’Elysée en dit long sur l’inquiétude que provoque la grogne des retraités au sein de l’exécutif, malgré le choix assumé jusqu’à présent de privilégier les actifs. Gérard Collomb lui-même a mis les pieds dans le plat, mardi 18 septembre dans un entretien à L’Express : « A un moment donné, il ne faut pas charger la barque », a jugé le ministre de l’intérieur.

Hausse de la CSG

Alors que les aînés avaient en 2017 davantage voté pour Emmanuel Macron que la moyenne des Français, ils sont aujourd’hui une très grande majorité à se dire déçus de l’action du gouvernement. Selon le baromètre de l’institut Elabe, publié le 6 septembre, 72 % d’entre eux disent ne pas avoir confiance dans le chef de l’Etat, contre 64 % pour l’ensemble des Français. Ils étaient seulement 44 % en janvier dernier et 35 % lors de l’élection d’Emmanuel Macron, en mai 2017. Dans ces conditions, difficile de faire entendre que le niveau de niveau de vie médian des retraités est légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population.

« Les retraités sont ulcérés de constater que beaucoup de personnes, y compris au sommet de l’Etat, les considèrent comme des nantis », s’emporte Christian Bourreau, président de l’Union française des retraités. Sur le terrain, les parlementaires de la majorité font face aux critiques. « Sur les marchés, les retraités me parlent de la hausse de la CSG, même ceux qui ne l’ont pas subie », déplore Emilie Cariou, député LRM de la Meuse. A cette augmentation de la CSG, entrée en vigueur le 1er janvier 2018 et non compensée pour 60 % des retraités, est venu s’ajouter un quasi-gel des pensions pour 2019 et 2020, annoncé fin août par le premier ministre Edouard Philippe. Si la première mesure avait été détaillée lors de la campagne présidentielle de M. Macron, ce n’est pas le cas de la seconde.

Comme les allocations familiales et les APL, ces prestations ne seront revalorisées que de 0,3 % les deux prochaines années, ce qui devrait permettre à l’Etat d’économiser au total autour de 3 milliards d’euros par an selon le taux d’inflation. « Pour les personnes affectées par la hausse de la CSG et la non-revalorisation de leur pension, cela représente un demi-mois de retraite en moins », assure Valérie Rabault, présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, et ancienne rapporteure du budget.

100 000 RETRAITÉS MODESTES VONT ÊTRE EXONÉRÉS L’AN PROCHAIN DE LA HAUSSE DE 1,7 POINT DE LA CSG

« On ne dit pas assez merci aux retraités, met en garde un membre du gouvernement. Si une partie d’entre eux sont égoïstes et refusent toute idée de solidarité entre générations, de nombreux retraités s’inquiètent au contraire pour leurs enfants et petits-enfants. Ceux-là, il ne faut pas les abandonner, il faut leur expliquer et leur répéter qu’ils sont mis à contribution pour que la vie de leurs descendants s’améliore. »

Preuve de cette préoccupation, l’exécutif a confirmé, mardi, que 100 000 retraités modestes allaient être exonérés l’an prochain de la hausse de 1,7 point de la CSG. Il s’agissait d’un angle mort de la réforme, qui avait dans un premier temps échappé au gouvernement : un certain nombre de conjoints, pour la plupart des femmes, bénéficiaires de petites retraites avaient découvert en début d’année qu’ils subissaient de plein fouet la hausse de la CSG, uniquement parce que le revenu fiscal global de leur couple était au-dessus du seuil d’application de la réforme. Edouard Philippe avait annoncé en mars qu’il fallait « corriger le dispositif », mais Bercy avait tardé à préciser les choses.

Climat anxiogène

Soucieux d’envoyer des signaux aux seniors les plus modestes, le groupe LRM à l’Assemblée nationale a également souhaité travailler à une modulation de cette sous-revalorisation des pensions de retraite, qui pourrait prendre la forme d’une prime exceptionnelle. Mais l’exécutif, qui a dû revoir à la baisse ses prévisions de croissance, ne paraît pas très allant. « Nous regarderons les propositions des parlementaires, mais les engagements du président de la République en matière de dépenses publiques ne sont pas négociables », avertissait la semaine dernière le cabinet de Bruno Le Maire.

Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales, ne se dit pas non plus « très emballé » par cette idée : « C’est très complexe techniquement pour un rendu qui n’est pas majeur », explique le député LRM de l’Isère.

Les incertitudes pesant sur la réforme des retraites contribuent aussi à rendre le climat anxiogène pour une population qui, ne cesse pourtant de répéter le gouvernement, ne sera pas concernée par ce futur big-bang. Un épisode l’a particulièrement illustré : les ratés de la communication gouvernementale autour du devenir des pensions de réversion ont obligé M. Macron à fustiger, en juillet devant le congrès à Versailles, la « rumeur malsaine » qui fait « croire que nous voudrions supprimer les pensions de réversion ». « Rien ne changera pour les retraités d’aujourd’hui », avait-il martelé.

A l’approche des élections européennes de mai 2019, un scrutin souvent délaissé par les Français, les signaux sont donc au rouge, d’autant que les seniors sont parmi ceux qui votent le plus. « La fracture est profonde, note Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP. Emmanuel Macron prend un risque politique : celui d’un vote sanction et de redonner un souffle extraordinaire à la droite républicaine. » Qui verrait ainsi revenir à elle un électorat qui lui est traditionnellement acquis.

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