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Jours tranquilles à Paris
5 janvier 2012

Sarkozy veut prendre Jeanne d'Arc à l'extrême droite

Extrait du Frankfurter Allgemeine Zeitung  - Article de Jürg Altwegg traduit en français.

« …Le jour des Rois, c'est à dire vendredi [6 janvier], Sarkozy parcourra la Lorraine reconquise et se rendra à Vaucouleurs [dans la Meuse], d'où Jeanne d'Arc avait lancé sa campagne en 1429. Sa visite éclair l'aura auparavant emmené à Domrémy, dans les Vosges, où la sainte a vu le jour il y a 600 ans. Tout le village se réjouit à sa venue : le dernier président à faire le déplacement avait été Poincarré, à la fin de la IIIème République.

Pourtant, depuis la Seconde guerre mondiale, tous les présidents français ont rendu honneur à Jeanne d'Arc. La tradition républicaine prévoit que que tout chef de l'Etat se rende dans l'année de son élection à Orléans, le jour où la ville fête sa libératrice. Nicolas Sarkozy, qui n'en fait qu'à sa tête, s'est soustrait au rituel et a dépêché à sa place Rachida Dati. Mais il avait évoqué Jeanne d'Arc dans sa campagne : "Jeanne, c'est la France. (...) Comment avons-nous pu laisser Jeanne d'Arc confisquée par l'extrême droite pendant si longtemps ?" [dans un discours tenu le 24 avril 2007 à Rouen]. Tous les 1er mai, le Front National manifeste en effet sous la bannière de la pucelle. Au fil des années, la présence de celle-ci s'est ainsi limitée dans la conscience collective à ces manifestations néofascistes. Elle est elle-même devenue un symbole nationaliste.

[Ce vendredi], la France fête cependant avec une certaine pompe le six-centième anniversaire de la naissance de Jeanne d'Arc. Lors de sa dernière campagne présidentielle, Sarkozy avait discrètement émis des accents germanophobes et mis en avant Guy Môquet, le héros - communiste - de la Résistance, fusillé en 1941. L'obligation de lire dans les écoles la dernière lettre que le jeune homme avait écrite avant d'être exécuté a toutefois viré au fiasco. Et, en ces temps de tandem Merkozy, il est de toute façon plus indiqué d'invoquer une héroïne qui a sauvé la France pendant la Guerre de Cent Ans. Nombre de commentaires de la déclaration de guerre rhétorique de Paris [lancée ces dernières semaines sur fond de crise de l'euro] à l'ennemi juré encore plus ancien qu'est l'Angleterre rappellent cette guerre. Et Sarkozy, président sauveur de l'euro et de l'Europe, est le plus susceptible de tirer profit de la jeune provinciale dans cette présidentielle. Sous l'influence de Max Gallo, son conseiller, qui fut jadis communiste puis porte-parole du gouvernement sous François Mitterrand, le roman familial national des Français est réécrit. L'écrivain Maurice Barrès indiquait déjà que catholiques, républicains et socialistes pouvaient s'identifier à cette jeune fille issue du petit peuple. Elle a sauvé la nation et aidé le roi à se faire couronner.

Le jour même de la visite en Lorraine du président, Marine Le Pen organisera à Paris une contre-cérémonie et une manifestation en l'honneur de Jeanne d'Arc. Elle aussi entend se lancer dans un scrutin qui s'annonce serré avec l'aura de la sainte politique. Elle sera l'adversaire le plus redoutable de Sarkozy au premier tour. Car le président aura bien du mal à assurer sa réélection sur son bilan. Pour conjurer la haine qui l'entoure, Sarkozy mise donc sur un pacte avec la sainte. Jeanne d'Arc a fini sur le bûcher - et c'est ce que beaucoup souhaitent au président.

De toutes les promesses qu'il a faites en 2007, Sarkozy en a tenu au moins une : tous les ans, il se rend sur le plateau des Glières, un haut lieu de la Résistance. S'il est réélu, il fera sûrement aussi un pèlerinage à Orléans. »

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