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Jours tranquilles à Paris
28 juillet 2016

La contre-histoire (illustrée) du godemichet

La prochaine fois que tu as un rapport sexuel avec un gode, sache que tu tiens entre tes mains moites un morceau d'Histoire inconnue de l'humanité. Tour à tour chanteur à succès en Grèce, ennemi intime du Christ, maquisard libertin, révolutionnaire féministe ou encore entrepreneur dans les nouvelles technologies, le godemichet a eu de multiples vies qu'il nous fallait absolument révéler.

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L'âge d'or

Depuis la profondeur des âges préhistoriques, il est attesté que le genre humain s'est donnée du plaisir avec des bouts de bois et des cailloux. Mais c'est bel et bien dans la Grèce antique que le godemichet archaïque s'épanouit pour de vrai. Bienveillant envers ce jouet à fort potentiel, le génie grec perfectionne son aspect rudimentaire et le nomme «olisbos», merveille de technique signifiant dans la langue d'Aristote «pénis en cuir» ou «chanteur chauve ami de Florent Pagny», selon son degré de dyslexie. Avec ou sans ceinture, rembourré de laine, de plume et frotté à l'huile d'olive, l'olisbos est ce qui se fait de mieux en matière de texture. Et il est vivement conseillé de s'équiper de cet accessoire dernier cri lors des immenses teufs gratuites et en plein air en l'honneur de Dionysos (dieu alcoolique moitié chèvre-moitié Depardieu) qui font fureur dans Athènes et sa banlieue proche.

L'olisbos-mania fait ainsi prospérer tout un artisanat, vivre des familles, permet à des enfants pauvres d'aller à l'école... Mieux, il assure une certaine égalité devant l'orgasme puisqu'il est admis socialement que les deux sexes puissent avoir du plaisir avec lui. Notons d'ailleurs que d'après Suidas (historien grec du Xème siècle), ce sont les clubs lesbiens de la région de Milet (sud-ouest de la Turquie actuelle) qui ont le plus recours à ses services.

Bref, tout va pour le mieux dans la carrière d'olisbos. Après la Grèce antique, il réussit à renouveler sa fanbase à Rome, comme en témoignent des poteries sur lesquelles des orgies sont légendées en latin : «C'est pas marqué dans les livres, que le plus important à vivre, est de vivre au jour le jour. Le temps, c'est de l'Amour.»

Traversée du désert

Malheureusement, la venue de Christ sur Terre vient mettre un sérieux coup d'arrêt à cette success story. En effet, Jésus, qui ne parle que de péché originel, d'apocalypse et de chasteté, rencontre progressivement son public... Et avec son nouveau courant appelé «christianisme», plus question de masturbation ou de teufs en plein air.

Notre ami olisbos devenu hérétique doit rentrer dans la clandestinité et changer de nom. Ainsi au Moyen Âge, apogée du christianisme, olisbos prend le blaze de «gaude mihi». De nombreux experts se sont penchés pendant des décennies sur l'origine de cette appellation étrange et il semble que la plus con soit la suivante : dans les couvents de l'époque, les nonnes lubriques s'ennuient ferme et trouvent un peu de distraction en s'enfonçant ce qu'elles ont sous la main (légumes du jardin, crosse d'évêque, crucifix...). Mais il faut être scred'. Du coup, les nonnes lubriques utilisent le mot de code «Gaude mihi Domine», qui est le début d'un psaume en latin qui signifie «Réjouis-moi Seigneur» pour qualifier tout objet oblong adéquat au bonheur. Le «gaude mihi» devient successivement à la Renaissance «godemichi», «godemicy», «godemichou» pour finalement s'appeler «godemiché». En Italie, il prend le nom de «diletto» (plaisir), que les Londoniens prononcent «dildo». Fabriqué en ivoire, en métal précieux ou en verre, le godemichet est un gitan pimpé pour toute aristocrate en mal de sensations fortes. D'un caractère rancunier, notre héros n'a cependant jamais vraiment digéré sa mise à l'écart par le Christ. C'est donc très logiquement qu'il contribue durant le siècle des Lumières au travail de sape des valeurs conservatrices en étant l'un des symboles du libertinage. Sade, personnalité très lubrique, l'utilise d'ailleurs à maintes reprises dans ses romans pour teenagers. On se souviendra pour mémoire de ce célèbre passage de La Philosophie dans le Boudoir où son héroïne Eugénie affublée d'un gros gode-ceinture entreprend allégrement un camarade de jeu, ce dernier s'écriant : «Merveille, la petite friponne m'encule comme un homme !». On n'arrête jamais une révolution en marche. Jamais.   

Les médecins-tapins

Au XIXème siècle, les médecins ne se font pas assez de fric et ont alors l'idée de créer une hype sur une maladie qui ne s'appliquerait qu'aux femmes : l'hystérie. Les médecins voient alors des femmes hystériques partout, et le seul moyen de les traiter est de leur masser le sexe contre de l'argent, ce qui transforme les médecins en médecin-tapin. Si la plupart utilisent leurs mains, d'autres médecins-tapins remettent au goût du jour le coup du gode en le rendant thérapeutique. Problème : ces pratiques maintes fois répétées causent un nombre incalculable de fractures du poignet au sein du corps médical. Solution : pour éviter ces fractures, il suffit d'avoir recours à la modernité et de croire en la puissance de la technologie. C'est ainsi que le tapin américain Georges Taylor crée en 1869 «the manipulator», sorte de Robocop-godemichet fonctionnant à la vapeur. Mais la postérité retient surtout le nom du tapin Mortimer Granville, qui dépose en 1880 son fameux vibromasseur électro-mécanique, digne ancêtre des vibromasseur actuels.

Suite à ces avancées déterminantes, le godemichet comprend qu'il vaut mieux que le Christ, car d'une simple réplique de phallus servant à pénétrer, il peut désormais stimuler par vibration d'autres zones stratégiques. L'air de rien, il libère ainsi les femmes du diktat de la pénétration vaginale et leur offre l'autonomie de l'orgasme clitoridien, une reconquête sexuelle essentielle pour se défaire des dogmes du patriarcat.

Avec cette évolution, le godemichet-vibromasseur-mutant démultiplie le nombre de ses groupies et renoue enfin avec le succès : au XXème siècle, ses ventes par correspondance explosent, les réunions tupperware aussi.   

Être tourné vers l'avenir

2000 ans après la naissance de Christ, la victoire du godemichet sur sa destinée de clando est presque totale. Celui-ci a su se diversifier et conquérir de nouveaux marchés, notamment grâce à ses différentes déclinaisons appelées sex-toys. Signe évident qu'il est un nouveau riche (il pèse actuellement 22 milliards de dollars dans le monde), le godemichet a des goûts esthétiques complexes : qu'il soit violet criard ou rose fluo, en silicone ou en PVC, clignotant comme un OVNI ou recouvert de léopard, le godemichet développe sa propre vision du beau en presque toute circonstance. Marque des grands, il ne s'endort jamais sur ses lauriers et tente toujours de relever de nouveaux défis, parce que selon lui, «la vie, c'est une aventure». Prochain challenge en cours : devenir le maître incontesté d'Internet en trustant toutes les rubriques WTF, LOL, insolites et sexo des sites en mal d'imagination et de clics. Pour mener à bien cette opération capitaliste, notre ami n'hésite pas à mettre de côté sa classe légendaire et génère du trafic avec des titres un peu racoleurs comme «Mon dieu, un godemichet alien qui pond des œufs !», «Un godemichet survole une conférence de presse en Russie !» ou encore «Un petit garçon tombe sur l'énorme godemichet de sa maman !». Avec cette tactique imparable, les spécialistes estiment que d'ici une dizaine d'années, Internet ne sera plus qu'une grosse blague sur les sextoys. Le godemichet aura alors définitivement conquis le monde.

Ce qu'il faut retenir de cette contre-histoire

Ce voyage dans le monde merveilleux du godemichet touche à sa fin. Grâce à lui, nous avons fait connaissance avec des personnages sympathiques comme les bienveillants Grecs, les nonnes lubriques, les médecins-tapins et les sites internet en manque d'inspiration... mais nous avons surtout appris grâce à notre héros que face à l'adversité du christianisme, il ne faut jamais baisser les bras. Et que les révolutionnaires devenus riches ont souvent des goûts esthétiques complexes.

Un article paru dans La Chose, revue pop-porn

Par Michael Petkov-Kleiner

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