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Jours tranquilles à Paris
24 octobre 2020

«Affirmer l’accueil de ces couples au sein de l’Eglise reste un geste fort»

couple LGBT

Par Virginie Ballet — Libération

Sans être surpris par la déclaration papale, Cyrille de Compiègne, porte-parole de l’association LGBT+ chrétienne David & Jonathan, rappelle que le sujet cristallise des tensions.

Dans un documentaire diffusé mercredi à Rome, le pape François s’est dit favorable à l’union civile pour les couples gays. Une avancée que salue Cyrille de Compiègne, porte-parole de l’association LGBT+ chrétienne David & Jonathan, pour qui on est toutefois encore loin d’une reconnaissance du mariage gay.

Cette prise de position du pape est-elle historique ?

C’est la première fois qu’un pape prononce une parole aussi affirmative et aussi forte. Rappelons qu’au début des années 2000, Joseph Ratzinger s’opposait fermement à une reconnaissance des unions homosexuelles. Donc en ce sens, c’est historique, mais cela s’inscrit aussi dans une continuité depuis le début du pontificat du pape François. Il est dans une démarche d’ouverture aux personnes LGBT, à qui il a régulièrement manifesté du soutien et un appui à leur accueil au sein de l’Eglise. Là, il ne s’agit plus seulement d’accueillir les personnes homosexuelles, mais de reconnaître les couples, ce qui est quand même très nouveau.

Il se dit favorable à l’union civile, ce qui n’est pas une reconnaissance du mariage. Est-ce une manière d’acter une forme de discrimination ?

Il est vrai que les prises de position précédentes du pape François en faveur de l’union civile, lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, visaient surtout à éviter une validation du mariage gay en Argentine… Nous militons clairement en faveur du mariage pour les couples de même sexe, ce qui constituerait une pleine égalité entre couples homosexuels et hétérosexuels. Beaucoup de nos adhérents aimeraient une reconnaissance religieuse de leur union, qui peut certes être célébrée civilement en France, mais sans cérémonie religieuse ou accompagnement spirituel. L’union civile est du ressort des Etats, mais ne fait rien bouger concernant l’accompagnement spirituel des couples dans l’Eglise catholique.

Il ne s’agit à ce stade que d’une petite phrase tirée d’un documentaire. A quand le changement de doctrine de l’Eglise ?

On le voit comme une stratégie du pape François : c’est un sujet qui cristallise énormément de tensions, suscite beaucoup de conflits. Du coup, le changement doctrinal est bloqué, mais il nous semble que le pape cherche à montrer l’exemple d’une démarche d’accueil et d’ouverture, comme une manière d’agir du bas vers le haut, en multipliant les rencontres avec les concernés. Pour autant, il reste une certaine forme d’ambiguïté, qu’on pourrait résumer ainsi : je respecte, mais je reste en désaccord avec ce mode de vie. Malgré tout, des portes se sont ouvertes dans l’Eglise au fil du temps. Le sujet est devenu plus visible. Dans certains diocèses français, des initiatives ont aussi vu le jour, comme des groupes d’échange organisés par la pastorale familiale du diocèse, ou des temps de retraite et un accompagnement spirituel dans des structures religieuses à destination spécifiquement des personnes LGBT.

Le pape a aussi déclaré que «les personnes homosexuelles ont le droit à une famille». Ouvre-t-il la voie à la parentalité LGBT ?

Il me semble que la famille à laquelle il fait référence est plutôt celle de l’Eglise. Le pape François a reçu un certain nombre de personnes LGBT et je pense qu’il soutiendrait quelqu’un qui serait rejeté par ses parents, mais je ne conçois pas cette déclaration comme une ouverture à une validation d’un modèle familial LGBT. D’autant qu’il a auparavant tenu des propos qui me semblent encore d’actualité, concernant sa conception du modèle familial, qui demeure un couple hétérosexuel avec des enfants conçus biologiquement. Mais affirmer cet accueil au sein de l’Eglise reste un geste fort : certains de nos adhérents engagés dans leur paroisse vivent encore d’importantes discriminations, du rejet au refus de baptême ou d’obsèques. Et à l’international, il y a encore des pays où l’Eglise catholique soutient la pénalisation de l’homosexualité, comme ce fut le cas en juin au Gabon, lorsque l’archevêque de Libreville s’est dit opposé à la dépénalisation. On peut espérer que ça fasse vraiment changer les choses, notamment sur le continent africain, où la situation des personnes LGBT est particulièrement complexe, et le poids de l’Eglise très fort.

Quel peut être l’impact de ces déclarations sur les discriminations que vous décrivez ?

Le pape est une figure d’autorité, qui peut apporter une forme de validation aux personnes LGBT ressentant le besoin de s’ouvrir sur le sujet au sein de leur paroisse. Mais l’Eglise catholique, dans toute la complexité de sa structure institutionnelle, continue d’être très divisée là-dessus. Pour que cette prise de position s’impose, il faudrait que le pape la fasse valoir de manière très officielle.

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