Par Françoise Fressoz
La visite de François Fillon à l’ancien président, mercredi, est un signe de la place centrale que Sarkozy conserve au sein de son camp, malgré sa défaite à la primaire.
On comprend mieux, après coup, pourquoi Nicolas Sarkozy soigne autant ses sorties de scène : même vaincu, il est indestructible. Par deux fois, l’ancien président de la République a tiré sa révérence devant les Français pour aussitôt renaître de ses cendres. Non comme le phénix, mais comme le parrain. Le parrain de la droite.
A 62 ans, l’ancien trublion de son camp, qui aimait tant prendre la lumière, est devenu « Don Sarkozy », le chef du clan, l’homme de l’ombre qui fait régner l’ordre, celui qui assure l’unité de la famille, celui à qui l’on vient baiser la babouche derrière le lourd portail rouge de la rue de Miromesnil (Paris 8e) où il a installé ses bureaux, à quelques encablures de l’Elysée.
Dans ce nouveau rôle, nul besoin de photos ni de storytelling pour entretenir la légende. Tout est dans le subliminal. Et le subliminal était à son zénith, mercredi 15 février, lorsque, peu avant 13 heures, la voiture noire de François Fillon a franchi le portail rouge menant aux bureaux de Nicolas Sarkozy.
Peu importe ce qui s’est réellement joué derrière les lourds battants entre le candidat perclus et le retraité heureux qui rentrait tout juste d’un séjour familial aux Maldives. Il suffisait de savoir que l’ancien « collaborateur » avait sollicité le déjeuner pour comprendre qu’au plus mal dans la campagne, le candidat de la droite et du centre à la présidentielle était venu se mettre sous la protection du « parrain » qu’il croyait pourtant avoir éliminé trois mois plus tôt.
Fillon, un exécutant
Tout le drame de François Fillon est là : en ratant son émancipation – qu’il avait voulu conduire comme une opération « mains propres », avec allusion explicite aux affaires qui collent au basque de Nicolas Sarkozy –, l’ancien premier ministre s’est remis, et avec lui toute la droite, sous la coupe de son ancien mentor, qui ne l’a jamais pris pour autre chose qu’un exécutant.
Quelques heures après le déjeuner, François Fillon, en déplacement à Compiègne, annonçait, en pleine crise des banlieues, qu’il entendait abaisser la majorité pénale à 16 ans s’il était élu président de la République. La proposition figurait dans le projet de Nicolas Sarkozy, pas dans le sien.
Mais comme l’a justement fait remarquer Jean-Pierre Raffarin sur BFM-TV, il s’était rendu rue de Miromesnil pour « demander l’union », et il fallait bien que le dû soit payé. Gageons que ce ne sera pas le seul.
Les Français ne l’aiment plus, la droite le craint
Ce n’est pas la première fois que Nicolas Sarkozy, officiellement vaincu, impose ainsi sa force. En 2012, déjà, juste après sa défaite à la présidentielle, il avait suivi de près l’affrontement entre François Fillon et Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP, attisant autant qu’il pouvait la braise dans l’espoir de rester l’homme incontournable de la droite.
Deux ans plus tard, il redevenait patron de l’UMP avant de se faire éliminer de la campagne présidentielle, à la faveur d’une primaire dont il ne voulait pas. Les Français ne l’aiment plus, c’est un fait, mais la droite continue de le craindre ou de l’admirer – c’est selon –, en raison de son charisme, de ses réseaux, de ses fidèles, mais aussi de sa niaque, qui semble inépuisable. Si bien que lorsque la survie de la famille est en jeu, c’est vers lui qu’on se tourne. Aux risques et périls du demandeur.
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C’était hier
• Vito Sarkoleone a donc adoubé Michael Fillon au cours d’un déjeuner avec armes au vestiaire. Le parrain retiré de la droite française joue l’intérêt de la famille contre les rancœurs personnelles. Fillon ravale sa fierté pour sauver l’unité du clan. Contre Solozzo-Le Pen et Barzini-Macron, il faut serrer les rangs avant d’aller «to the mattresses» (à la guerre, dans le jargon). Comme le dit une autre réplique culte du film de Coppola : «It’s not personal. Strictly business.»