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Jours tranquilles à Paris
23 octobre 2017

Travail : Prendre ses aises nuit à la productivité

Par Nicolas Santolaria - Le Monde

Les cadres sont invités à sortir de leur « zone de confort » afin de ne pas s’endormir sur leurs lauriers. Au point que certaines sociétés sont allées jusqu’à imaginer une start-up en interne pour s’auto-concurrencer.

Parmi les expressions cocasses qui rythment la vie d’entreprise, je dois avouer une tendresse particulière pour celle qui invite les cadres à « sortir de leur zone de confort ». Cette formule postule en premier lieu qu’existe quelque part, dans le for intérieur de chaque travailleur, un lieu si moelleux, si accueillant qu’on a envie de s’y pelotonner comme dans les draps satinés d’une grasse matinée éternelle.

S’IL AVAIT EU LA CLIM DANS SA CAVERNE, DES TICKETS RESTO ET UNE APPLI DELIVEROO, IL N’EST PAS CERTAIN QUE L’HOMME PRÉHISTORIQUE SE SERAIT LANCÉ DANS LA PÉRILLEUSE CHASSE AU MAMMOUTH

Selon une croyance répandue, le périmètre de cette fameuse « zone de confort » aurait tendance à s’étendre lorsqu’on est un peu trop sûr de son fait, lorsque la perspective de la prise de risque s’évanouit derrière le voile anesthésiant des process. On finit alors par ne plus faire de différence entre une réunion stratégique et un espace lounge, entre une chaise de bureau et un fauteuil club. Cet immobilisme douillet contamine l’ensemble de notre relation au travail, constituant une sorte d’épicentre marécageux qui risque à terme d’engloutir le devenir même de la structure. Quand la moquette est trop épaisse et le chauffage trop bien réglé, l’entreprise devient un colosse aux pieds d’argile que pourrait balayer le simple éternuement d’une start-up tout juste sortie du néant. A quoi bon partir à la conquête de nouveaux marchés et chercher des solutions innovantes, se dit le salarié, si le quotidien est déjà aussi enchanteur qu’un arc-en-ciel de Dragibus ?

Créer de l’insécurité pour booster la productivité

« Il est parfois nécessaire de créer de l’insécurité ou de l’inconfort pour booster la productivité, car trop de confort endort », écrit Béatrice Gérard dans son ouvrage Oseriez-vous sortir du cadre ? S’il avait eu la clim dans sa caverne, des Tickets Resto et une appli Deliveroo, il n’est pas certain que l’homme préhistorique se serait lancé dans la périlleuse chasse au mammouth. C’est en partant de ce constat assez simple que certaines entreprises envisagent désormais de générer une adversité de synthèse, avec l’objectif affiché de sortir le salarié de son prétendu semi-coma. C’est le cas de Scality, société spécialisée dans le stockage intelligent, qui a eu l’idée de créer en interne une start-up lui faisant concurrence sur son propre marché.

Là où Scality vend des licences, l’autre structure propose des produits open source, un peu comme si Apple décidait de distribuer soudain des iPhone gratuits en créant une sous-marque avec une poire à moitié croquée en guise de logo. Ou comme si un salarié transformait son fauteuil à roulettes en planche à clous. Difficile de savoir si cette forme très en vogue d’auto-concurrence épineuse relève du génie disruptif ou de la totale idiotie (les deux n’étant pas incompatibles), mais une chose est sûre : le sommet du confort est de pouvoir organiser soi-même, à l’envi, presque sur le mode du caprice, ses propres zones d’inconfort.

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