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Jours tranquilles à Paris
10 décembre 2017

Présidence des Républicains : trois droites pour un fauteuil

republi

Par Lucie Soullier, Matthieu Goar, Olivier Faye

Les adhérents du parti sont appelés, dimanche 10 décembre, à élire leur nouveau chef. Maël de Calan, Florence Portelli et Laurent Wauquiez sont en lice.

Ancien parti cherche nouvelle idole à adorer. Au terme d’une année de grand ménage politique, durant laquelle tous les leaders de la droite ont disparu du paysage, le parti Les Républicains (LR) va choisir son prochain président.

Trois ans après avoir réinstallé Nicolas Sarkozy dans le fauteuil du patron de l’UMP, les 234 556 adhérents à jour de cotisation sont appelés à voter électroniquement, dimanche 10 décembre, puis le 17 décembre en cas de second tour. Cette fois-ci, pas d’icône sur le retour. Mais un affrontement entre trois héritiers revendiqués : la filloniste Florence Portelli, le sarkozyste Laurent Wauquiez et le juppéiste Maël de Calan.

Fatigués par trois années de scrutins et un printemps de défaites, les militants de droite semblent démobilisés. L’enjeu est pourtant crucial : redonner une voix à une opposition atone, retenir les élus charmés par la politique économique d’Emmanuel Macron, remettre le parti au travail… « Il faut d’abord réinstaller le match avec Macron, le reste viendra après naturellement », estime Damien Abad, député de l’Ain et soutien de M. Wauquiez. Une ambition bien plus grande que le suspense qui entoure cette élection.

Une victoire annoncée pour Laurent Wauquiez

A mots couverts, tous les ténors de la droite affirment que M. Wauquiez devrait l’emporter dès le premier tour. Ses partisans ne s’en cachent d’ailleurs plus. « Nous avons effectivement un objectif assumé qui est la victoire au premier tour », a affirmé, le 6 décembre, son directeur de campagne Geoffroy Didier à L’Opinion.

Depuis le jour de sa déclaration de candidature, le 3 septembre, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a méticuleusement organisé sa prise de pouvoir : plus de 70 déplacements, un slogan remobilisateur – « La droite de retour » –, et des meetings ciblés sur le noyau dur partisan qui rêve d’une « droite qui ne s’excuse pas d’être de droite »…

Jusqu’au bout, l’ancien ministre aura été attentif aux moindres détails. Jeudi, il a rencontré François Fillon. « Je n’oublie pas le courage qui a été le tien quand tu as refusé d’édulcorer ton projet de droite pendant la présidentielle », a-t-il tweeté en dessous d’une photo de leur entrevue. Vendredi, à Lyon, il devait voir Nicolas Sarkozy, son modèle.

Comme l’ancien patron de l’UMP dans sa période antérieure à la présidentielle de 2007, M. Wauquiez est tout entier tendu vers son entreprise de conquête. Après les réunions publiques, il s’attarde avec les journalistes ou passe de longs moments à boire un verre avec les élus. Surtout, il tente de gommer ses défauts. Longtemps honni par ses pairs à cause de son ambition débordante, il a placé sa campagne sous le signe du rassemblement, avec des « prises de guerre » – l’ex-juppéiste Virginie Calmels – ou des meetings thématiques, notamment consacrés aux jeunes élus (c’était le cas le 20 novembre, à Paris).

Le rassemblement, un enjeu pour M. Wauquiez

Pour sa dernière réunion publique, le 7 décembre, à Saint-Priest (Rhône), M. Wauquiez a réuni à ses côtés le gaulliste Julien Aubert, député de Vaucluse, et Jean Leonetti, maire d’Antibes (Alpes-Maritimes), issu du centrisme.

Encore une fois, le candidat a voulu mettre en scène sa capacité à lier les différentes familles de la droite. Une nécessité pour celui qui est présenté par ses opposants comme l’artisan d’une dérive identitaire. « Le rassemblement, c’est le premier impératif, et c’est mon premier devoir », a-t-il reconnu devant le petit millier de spectateurs présents dans le Rhône.

Une façon de répondre à l’aile modérée, qui le met déjà sous pression. Depuis l’été, Alain Juppé, Christian Estrosi, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand n’ont cessé de dénoncer sa droitisation tout en dessinant des lignes rouges à ne pas franchir.

A défaut de l’affronter devant les militants, les deux derniers n’ont pas renoncé à leurs ambitions élyséennes. Mme Pécresse a défendu dans un entretien au Monde le principe d’une primaire. « Ne vous inquiétez pas, d’ici quatre ans, l’affrontement aura lieu. Wauquiez nous aura toujours dans le paysage, Valérie et moi », aurait déclaré M. Bertrand, selon Le Point.

Jeudi soir, M. Wauquiez a donc lancé un appel à ceux qu’il surnomme les « tireurs embusqués ». « Je dis à Valérie, à Xavier et à Christian que je respecte leurs sensibilités, leurs convictions, que leurs ambitions sont légitimes, a-t-il lancé. Mais quand on a du talent, on le met au service de sa famille politique. »

Une main tendue qui ne s’accompagne d’aucun accommodement sur le fond. Entre glorification des racines et mise en garde contre les dangers du « communautarisme », ses discours ressuscitent ceux prononcés par Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012. Dans le Rhône, jeudi, M. Wauquiez s’est posé en défenseur de la « majorité silencieuse », celle « qui ne veut pas que la France change de nature » et réclame « à l’étranger de s’adapter à la France ».

« Allez plutôt combattre les salafistes et les prières de rue, parce que c’est là que la laïcité est en danger », a-t-il lancé à ceux qui critiquent sa décision de présenter une exposition de santons dans son conseil régional pour détourner l’interdiction faite d’y installer une crèche. Voilà le chemin de crête du candidat pour les mois à venir : rassembler, tout en assumant une ligne de droite dure.

Maël de Calan, l’europhile

A l’opposé, Maël de Calan, 37 ans, plaide pour une droite europhile et ouverte sur le centre. Contrairement à Mme Portelli et à M. Wauquiez, le conseiller départemental du Finistère a désapprouvé l’exclusion des ministres pro-Macron issus de LR et il plaide pour un travail de reconstruction de long terme.

« Ce qui nous a toujours unis, les libéraux, la démocratie chrétienne et la droite, c’est le refus de la démagogie », a-t-il expliqué, le 6 décembre, lors d’une réunion publique à Paris : « L’opposition est là pour préparer une alternative crédible. »

Ancien conseiller d’Alain Juppé pendant la primaire, M. de Calan partage les analyses modérées du maire de Bordeaux. Les deux hommes sont persuadés que la reconquête du pouvoir ne passe pas par une danse du ventre devant les électeurs du Front national (FN) mais plutôt par une adresse aux futurs déçus de M. Macron.

« La droitisation, c’est comme un shoot de drogue, il faut toujours augmenter les doses pour que cela fasse de l’effet. Laurent Wauquiez ne pourra pas refaire la stratégie de Nicolas Sarkozy entre 2005 et 2007, car les électeurs du FN ne nous croient plus », analyse le candidat, persuadé que son adversaire va rétrécir LR : « Il va perdre définitivement le centre sans reconquérir les frontistes. »

Florence Portelli, la militante

Florence Portelli, elle, a joué la carte militante. Notamment en ravivant la rancœur des fillonistes. Le 7 septembre, dans une interview à La Croix, l’ancienne porte-parole du candidat à la présidentielle commençait sa campagne en tempêtant contre le « complot » « soigneusement orchestré » contre l’ancien premier ministre : « Pourquoi ça sort à cet instant-là alors que ça fait trente-six ans qu’il est dans la vie politique ? »

Le 6 décembre, sous les néons d’une salle de conférence du 9e arrondissement de Paris, pour son avant-dernière réunion publique, celle qui n’a pas « trahi » a pointé du doigt – sans citer son nom – les silences de Laurent Wauquiez durant la campagne présidentielle. « La droite, c’est la ténacité, la loyauté, la fidélité. »

A grand renfort de tirs nourris contre le favori, la maire de Taverny (Val-d’Oise) – « une militante comme vous, une parmi vous », selon son expression – joue de sa verve pour ne pas se faire « voler » cette nouvelle élection. « Ne vous trompez pas de scrutin dimanche », a-t-elle lancé aux militants parisiens, à quatre jours du premier tour. Et d’appuyer sur « l’énorme travail à fournir » par le futur président de LR pour relever des troupes traumatisées. « Sinon celui qui se croit candidat à la présidentielle aujourd’hui ne gagnera pas en 2022. » Un objectif encore très lointain pour une droite en lambeaux.

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