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Jours tranquilles à Paris
22 janvier 2018

Aux Etats-Unis, la génération iPhone sous haute surveillance

Par Laurent Borredon - Le Monde

Selon des études, les jeunes Américains de la génération « iGen » passeraient aujourd’hui entre cinq et six heures par jour sur leur smartphone… Et seraient moins autonomes et davantage sujets au mal-être, voire à la dépression.

Ils sont de l’« iGen », la génération iPhone : « Nés depuis 1995, ils ont grandi avec le téléphone portable, avaient un compte Instagram avant même d’entrer au lycée et n’ont pas le souvenir d’une époque avant Internet. » Dans son livre iGen (Atria Books, 2017, non traduit), la professeure de psychologie à l’université de San Diego Jean Twenge se penche sur les adolescents américains d’aujourd’hui. Et met en garde sur les effets ravageurs des smartphones.

« On aime nos téléphones plus que les vraies gens »

En partant des études régulièrement menées auprès des jeunes aux Etats-Unis – et qui concernent 11 millions de personnes sur plusieurs décennies –, elle a noté un changement brutal en 2011-2012. La date correspond à un autre basculement majeur : la généralisation des smartphones. « Je pense qu’on aime nos téléphones plus que les vraies gens », résume dans le livre Athena, 13 ans. Les élèves en dernière année de lycée passent… six heures par jour sur leur téléphone. Pour ceux en dernière année du collège (correspondant, en termes d’âge, à la 4e en France), c’est cinq heures.

Dans cette génération, qui pourrait être incarnée par l’adolescente surveillée par sa mère par une tablette dans l’épisode « Arkangel », dans la quatrième saison de la série britannique Black Mirror (Netflix), l’indépendance et l’aventure sont singulièrement réduites. En 1999, près de 45 % des élèves de 2de estimaient que leurs parents savaient en permanence où ils étaient, 50 % avec qui. En 2015, on est à plus de 60 % pour « où », 65 % pour « avec qui ».

Même lorsqu’ils entrent à l’université – traditionnellement une deuxième coupure du cordon ombilical, aux Etats-Unis –, note Jean Twenge, « les parents d’étudiants continuent de les traiter comme des enfants ». Attitude qui s’appuie, là encore, sur le téléphone portable : la responsable des nouveaux à l’université Stanford s’étonne de les voir « heureux de pouvoir communiquer avec leurs parents plusieurs fois par jour » alors qu’elle-même aurait été « mortifiée », au même âge, d’une telle intrusion.

Baisse des interactions sociales « en personne »

Si la responsabilité revient principalement au désir de contrôle des parents, les enfants sont aussi des victimes consentantes, qui renoncent peu à peu à leur autonomie, conclut Mme Twenge. En 2015, les lycéens de terminale sortaient moins souvent sans leurs parents que des élèves de… 4e de 2009. Le sexe, l’alcool, le permis, les petits boulots… tout est à la baisse. Même les fêtes ne font plus recette : de 1976 à 2007, en moyenne, autour de 70 % à 75 % des élèves de terminale y participaient au moins une fois par mois. En 2015, ils étaient moins de 55 %. Un signe de la baisse drastique des interactions sociales « en personne ».

Or, le mal-être, le temps passé en ligne et ces rapports sociaux virtuels sont étroitement corrélés, selon l’auteure. Les élèves de 4e qui passent plus de dix heures par semaine en ligne ont 56 % de chances de plus de se déclarer « malheureux ». Plus l’enfant est jeune, moins il est armé psychologiquement, et plus le risque est grand. « Les élèves de 4e sont encore en train de construire leur identité et se débattent souvent avec les questions liées à leur image et à leur corps », alerte Mme Twenge. Course aux « likes », mise en scène permanente de sa propre vie (et sentiment que celle du voisin est toujours mieux), manque de sommeil (le téléphone vient se nicher sous l’oreiller)… Les symptômes dépressifs ont explosé entre 2012 et 2015 : + 50 % pour les filles, + 21 % pour les garçons.

Jean Twenge conseille d’attendre le plus longtemps possible avant de donner un smartphone à son enfant et prône un usage modéré. Mais la solution pourrait venir de l’« iGen » elle-même. « Je ne suis pas satisfaite de ma vie parce que beaucoup de mes amis sont accros à leur téléphone – c’est comme s’ils ne voulaient pas me parler parce qu’ils sont sur leur téléphone », confie à l’auteure Olivia, une lycéenne de 18 ans. Dans la série britannique The End of the F***ing World (Netflix), Alyssa, 17 ans, explose son smartphone par terre après qu’une de ses amies lui a envoyé un message plutôt que de lui parler, alors qu’elles sont assises face à face à la cantine. Le début de la révolte ?

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