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Jours tranquilles à Paris
5 décembre 2018

« Gilets jaunes » : pour l’opposition, le recul du gouvernement est un « piège », ou « trop peu, trop tard »

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Par Enora Ollivier - Le Monde

Pour la droite et l’extrême droite, le moratoire sur le taxes sur le carburant n’est pas suffisant. A gauche, PS, LFI et PCF envisagent de déposer une motion de censure.

L’occasion est trop bien belle. Pour l’opposition dans son ensemble, le recul accordé mardi 4 décembre par l’exécutif sur trois mesures fiscales n’est pas une raison pour laisser se refermer la faille inédite ouverte dans le macronisme par la crise des « gilets jaunes ».

Certes, le premier ministre Edouard Philippe a annoncé un moratoire sur l’augmentation, notamment, des taxes sur le carburant, ce qui était considéré comme un « préalable » par la plupart des partis. Mais ce n’est « pas suffisant », s’est-on empressé de dénoncer unanimement, à droite, à gauche et aux extrêmes. Les Républicains (LR), le Rassemblement national (RN), le Parti socialiste (PS) ou La France insoumise (LFI) réclament maintenant, au moins, l’annulation pure et simple de ces taxes.

« Nous demandons la suppression immédiate des taxes au 1er janvier 2019 mais aussi ce qui suit sur la trajectoire, c’est-à-dire celles qui sont prévues pour 2020, 2021 et 2022 », a ainsi exhorté le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Christian Jacob.

Les annonces de M. Philippe ? « Trop peu, trop tard », a lancé lors d’une houleuse séance de questions au gouvernement, comme le Palais-Bourbon sait en produire en temps de crise, son collègue Damien Abad. Le député de l’Ain a reproché au chef du gouvernement de ne pas avoir « pris conscience de l’urgence de la situation ». Il a réclamé « un changement de cap » en « augmentant le pouvoir d’achat des classes moyennes » et en « renonçant à la politique fiscale anti-retraités ».

« Grenelle des impôts »

LR ne veut pas « pratiquer la politique du pire en jetant de l’huile sur le feu », selon un communiqué rédigé après la tenue, mardi soir, d’un bureau politique extraordinaire. Le parti de Laurent Wauquiez se dit prêt à « renouer le fil du dialogue » mais pose pour cela deux conditions : outre l’abandon définitif des taxes, LR demande « un Grenelle des impôts et des taxes » qui aborderait « la CSG [contribution sociale généralisée] sur les retraités et l’indexation des pensions de retraite », « la fiscalité de l’impôt sur le revenu et le calcul du quotient familial » et « la différence entre les revenus du travail et ceux de l’assistanat ».

A gauche, le PS continue aussi de demander, comme il le fait depuis le début de la crise, l’organisation « d’états généraux du pouvoir d’achat et du financement de la transition écologique ». Il peut se targuer d’avoir vu plusieurs de ses revendications entendues par l’éxécutif : le parti voulait non seulement un moratoire sur la hausse des taxes mais aussi un débat au Parlement, lequel aura bien lieu, mercredi, à l’Assemblée.

Cependant, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a dénoncé mardi le « piège » de l’exécutif consistant, selon lui, à montrer du doigt la fiscalité écologique. Le premier ministre « dit : “Vous voulez plus d’écologie ? Ce sera plus de taxes. Moins de taxes ? Ce sera moins d’écologie” », a-t-il souligné sur la chaîne LCP. « J’aimerais qu’on parle ISF [impôt de solidarité sur la fortune] et “flat tax” », a-t-il poursuivi, estimant que ces deux dispositifs représentent « 5 milliards [d’euros] de cadeaux aux riches ».

M. Faure a d’ailleurs fait un pas vers le dépôt d’une motion de censure avec les élus de LFI et du PCF, comme en juillet au moment de l’affaire Benalla. La décision, a-t-il expliqué, sera prise à l’issue du débat prévu mercredi après-midi : « Nous ne pouvons pas accepter le “deal” du premier ministre, qui est une façon de prolonger un cap (…) qui n’est pas le bon. »

« Cédez ou partez ! »

« Rien n’a été annoncé sur la situation sociale actuelle des Français : pas de réforme de l’impôt et des taxes, pas de hausse du salaire minimum, a de son côté regretté Jean-Luc Mélenchon dans un communiqué. La priorité du pouvoir reste donc de protéger les ultra-riches pour lesquels le rétablissement de l’ISF n’est toujours pas à l’ordre du jour. »

Le chef de file de LFI a réitéré son appel à la dissolution de l’Assemblée, « si le pouvoir ne veut pas prendre la mesure » de la « révolution citoyenne qui est commencée ». « Cédez ou partez ! », a résumé la députée « insoumise » de Meurthe-et-Moselle Caroline Fiat, mardi, lors des questions au gouvernement.

Unanimes aussi sont les oppositions au calendrier proposé par Edouard Philiippe. Une suspension de six mois des taxes renvoie en effet le dossier à l’après-élections européennes de mai 2019. Une « manœuvre » pour le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, de l’« enfumage » pour Caroline Fiat.

« Six mois ? Six mois… Sûrement un hasard si ça nous porte juste quelques jours après les élections », a commenté de son côté, faussement ingénue, Marine Le Pen sur Twitter. Le moratoire annoncé par M. Philippe « n’est évidemment pas à la hauteur des attentes et de la précarité dans laquelle se débattent les Français », a jugé la présidente du Rassemblement national (RN). Si le premier ministre et le président s’en contentent, a-t-elle écrit, « ce sera la preuve qu’ils ne se conçoivent pas comme les dirigeants d’un Etat-Nation qui doit la protection au peuple, mais comme des patrons de banque qui accordent un échelonnement à leurs clients surendettés ».

Le RN profitera-t-il de la crise ? Interrogé sur cette éventualité sur LCI, M. Mélenchon a prophétisé : « Ça se terminera entre eux et nous. Ceux que vous voyez à l’extrême centre sont dans une impasse idéologique, personnelle, historique. »

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