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Jours tranquilles à Paris
22 janvier 2019

Devant les sénateurs, Alexandre Benalla élude les questions sur ses passeports

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Par Nicolas Chapuis - Le

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Monde

L’ancien chargé de mission de l’Elysée s’est réfugié derrière l’information judiciaire en cours, au nom de la séparation des pouvoirs.

Au cours d’échanges feutrés, à peine un haussement de voix du président Philippe Bas a signalé aux spectateurs que l’audition d’Alexandre Benalla devant la commission d’enquête du Sénat, lundi 21 janvier, venait d’atteindre un point de blocage. Sans retour. Devant les élus, l’ancien chargé de mission de l’Elysée a tenu sa ligne de défense, en refusant de s’exprimer sur l’attribution de ses passeports diplomatiques, lorsqu’il était encore en service, et sur l’usage qu’il en a fait.

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Pendant les quelque deux heures de son échange soutenu avec les élus, Alexandre Benalla a joué au chat et à la souris. Il a répondu quand il l’a souhaité. Et il s’est abrité à d’autres moments derrière sa mise en examen et l’information judiciaire en cours. Ainsi, malgré ses rappels des sanctions encourues, la commission a semblé bien désarmée pour faire appliquer à M. Benalla sa promesse initiale de dire « toute la vérité, rien que la vérité ». Restant sur une ligne de crête, ce dernier a argué de la séparation des pouvoirs pour opposer une fin de non-recevoir aux interrogations les plus gênantes, au grand dam de Philippe Bas, qui a pointé à plusieurs reprises la lecture sélective des règles institutionnelles de la part du jeune homme.

« Une connerie de ma part »

Ainsi M. Benalla a-t-il accepté de parler de ses passeports… mais simplement pour affirmer qu’ils n’étaient pas en sa possession lors de la précédente audition devant le Sénat en septembre 2018, conformément à ce qu’il avait affirmé à l’époque, bien qu’il ait voyagé avec au mois d’août. Un détail qui n’en est pas un : la seule chose qui pouvait lui être reprochée dans le cadre de cette commission était un éventuel parjure lors de sa précédente audition.

Pour expliquer cette incongruité, Alexandre Benalla a affirmé qu’il avait gardé ses passeports diplomatiques après son licenciement en juillet, qu’il aurait voyagé avec, avant de les restituer en août à une personne de l’Elysée. Selon lui, un membre de la présidence lui aurait ensuite rapporté ces passeports début octobre, en même temps que le reste de ses affaires personnelles. L’ancien conseiller a refusé de donner davantage de détails, sur l’identité de la personne qui lui a restitué ces documents, sur les conditions dans lesquelles il les avait obtenus en premier lieu – alors qu’il était suspendu de ses fonctions après ses agissements du 1er-Mai – ou sur leur utilisation.

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L’emploi de ces passeports diplomatiques, un document officiel qui permet de voyager plus facilement, est au centre des interrogations depuis la révélation par Mediapart du fait qu’Alexandre Benalla a utilisé le sien pour se rendre au Tchad en décembre, alors même qu’il a été licencié de l’Elysée en juillet.

« Ils m’ont été rendus début octobre, sans courrier les accompagnant ou mention expliquant qu’ils ne pouvaient plus être utilisés », a-t-il expliqué pour justifier les vingt-trois voyages qu’il aurait effectués avec depuis. « C’est une connerie de ma part de les avoir utilisés », a-t-il concédé, précisant au passage qu’il avait tenu informés certains membres de l’Elysée de ses déplacements. Jean-Yves Le Drian, le ministre des affaires étrangères, avait affirmé la semaine dernière ne pas avoir été mis au courant de son déplacement au Tchad, peu de temps avant Emmanuel Macron, mettant en cause l’ambassadeur français sur place qui n’aurait pas jugé utile de transmettre l’information.

Ambiguïté des termes

Interrogé sur les dysfonctionnements au sein de l’Elysée et sur les erreurs commises dans l’ensemble de l’appareil d’Etat, Alexandre Benalla a battu en brèche l’idée qu’il pourrait avoir des moyens de pression sur la présidence. « Je ne détiens aucun secret, je ne fais aucun chantage », a-t-il expliqué, alors que la nature de ses contacts avec Emmanuel Macron et ses proches demeure à ce jour encore floue. Jouant de l’ambiguïté des termes, l’ancien chargé de mission a d’ailleurs laissé entendre qu’il avait gardé des liens avec la présidence, à défaut de se rendre au « château », depuis juillet 2018. Un fonds de commerce pour celui qui tente de se construire une carrière de consultant à l’international, dans laquelle son influence réelle ou supposée joue un rôle majeur.

Si la passe d’armes sur la question des passeports a occupé la quasi-totalité de l’audition, les sénateurs ont commencé en questionnant M. Benalla sur d’éventuelles missions professionnelles dans le domaine de la sécurité ou de la défense, alors qu’il était encore en poste à l’Elysée. Si celui-ci a nié toute activité de ce type, il n’a pas caché qu’il avait continué à entretenir ses réseaux dans ce domaine depuis l’élection de M. Macron. Interrogé sur la nature de ses nouvelles activités et sur d’éventuels conflits d’intérêts, Alexandre Benalla a reconnu une « erreur » dans le fait de ne pas avoir saisi la commission de déontologie de la fonction publique. « Ce serait intéressant de savoir combien de personnes l’ont fait à leur départ de l’Elysée depuis plusieurs mandats », a-t-il noté, refusant de s’étendre sur ses activités, dans une de ces non-réponses qui auront marqué cette audition parcellaire.

Nicolas Chapuis

Vincent Crase s’explique sur ses liens avec un oligarque russe. Depuis le 1er mai 2018, leurs sorts sont intimement liés quand bien même ils n’ont plus aucun contact. Vincent Crase était auditionné à la suite d’Alexandre Benalla, lundi 21 janvier, par la commission d’enquête du Sénat. Les questions des élus portaient sur les liens de l’ex-réserviste de la gendarmerie avec l’oligarque russe Iskander Makhmudov, pour lequel il a effectué des missions de sécurité privée entre juin et août 2018. Les sénateurs voulaient savoir si des contacts avaient été noués lors de sa période d’emploi à la présidence et si M. Benalla, son ami, avait participé aux négociations. M. Crase a affirmé que les contacts remontaient à une période pré-élyséenne et qu’ils avaient ensuite été mis en suspens, avant d’être réactivés à son éviction de l’Elysée, le 4 mai, sans que M. Benalla soit impliqué. Une chronologie qui le dédouane vis-à-vis de la commission d’enquête. L’audition a vite tourné court, tant l’homme semble avoir joué, aux yeux des sénateurs, un rôle mineur par rapport à M. Benalla. Manifestement moins à l’aise que son comparse, M. Crase, qui a aussi été licencié de son poste à la sécurité du mouvement La République en marche, a affirmé son souhait de tourner la page et sa volonté de se mettre à l’écriture.

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