Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
21 mars 2019

Les militaires de Sentinelle seront mobilisés pour l’acte XIX des « gilets jaunes »

ça ne peut plus durer

Par Nathalie Guibert, Cédric Pietralunga, Nicolas Chapuis

Si ce n’est pas la première fois que des soldats sont appelés en renfort dans le cadre d’un rassemblement, la communication du gouvernement crée un effet d’annonce.

La nouvelle a provoqué un vif émoi. Le gouvernement a annoncé, mercredi 20 mars, son intention de mobiliser les militaires de l’opération antiterroriste « Sentinelle » dans le cadre du dispositif de maintien de l’ordre prévu samedi 23 mars pour encadrer la dix-neuvième journée de mobilisation des « gilets jaunes ».

Si de telles dispositions sont déjà régulièrement prises à l’occasion de différentes manifestations, c’est la première fois que l’exécutif communique à ce sujet, provoquant un fort effet d’annonce.

Lors du conseil des ministres, Emmanuel Macron a décidé « une mobilisation renforcée du dispositif “Sentinelle” pour sécuriser les points fixes et statiques », a rapporté le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux à l’issue de la réunion. L’objectif est de « permettre aux forces de l’ordre » de se « concentrer sur les mouvements, le maintien et le rétablissement de l’ordre », a-t-il expliqué.

« Nous ne pouvons pas laisser une infime minorité violente abîmer notre pays et détériorer l’image de la France à l’étranger », a aussi justifié M. Griveaux, alors que les images de violence diffusées en continu samedi 16 mars sur les chaînes d’information ont mis le gouvernement sous pression. Pour l’exécutif, voir des scènes d’émeutes se reproduire serait donner le sentiment qu’il n’est pas capable de garantir l’ordre public en France, avec toutes les conséquences politiques et institutionnelles que cela peut avoir.

« Il ne faut pas voir de signification politique »

Selon le gouvernement, il n’est évidemment pas question de demander aux militaires de participer directement aux opérations de police. « On a à notre disposition cette mission Sentinelle, assurée par des militaires et qui ont parfaitement vocation à sécuriser les lieux, comme d’ailleurs nos concitoyens ont l’habitude de le voir », a expliqué M. Griveaux.

A Matignon, l’entourage du premier ministre, Edouard Philippe, assure qu’« il ne faut pas voir de signification politique » dans cette décision, mais seulement une mesure technique.

Le principe retenu est d’éviter le plus possible que les militaires se retrouvent au contact direct de manifestants. Il s’agit surtout de dégager des effectifs de police utilisés pour des gardes statiques dans des lieux éloignés des mobilisations de « gilets jaunes ». Les soldats pourraient également prendre des postes à l’intérieur des bâtiments protégés.

« LES ARMÉES, ACTUELLEMENT, LEUR ENNEMI, CE SONT LES TERRORISTES », GENEVIÈVE DARRIEUSSECQ

Les deux principaux syndicats policiers, Unité SGP Police-Force ouvrière et Alliance Police nationale, avaient appelé de leurs vœux une telle mesure après les importantes dégradations de l’acte III de la mobilisation des « gilets jaunes », marqué, notamment, par le saccage de l’Arc de triomphe.

De manière générale, les organisations plaident pour limiter au minimum les gardes statiques pour la police. En décembre 2018, la secrétaire d’Etat auprès de la ministre des armées, Geneviève Darrieussecq, se montrait circonspecte, sur LCI : « Déclarer une manifestation, ça permet tout simplement de pouvoir faire en sorte de protéger les manifestants, de protéger les biens publics et, dans ce cadre-là, la police est parfaitement habilitée à cela. Pour ce qui est de l’armée, non. Les armées n’interviennent pas dans des missions de sécurité publique intérieure. Les armées, actuellement, leur ennemi, ce sont les terroristes. »

En réalité, ce type de remplacement existe déjà à la marge, afin de soulager les dispositifs policiers d’une partie de leurs tâches lors des rassemblements importants.

Par ailleurs, les soldats de l’opération Sentinelle ont continué à patrouiller dans les rues tout au long des dix-huit actes des « gilets jaunes ». Une discussion a lieu entre le préfet et l’état-major des armées pour décider des volumes d’effectifs mobilisés ainsi que du type de mission à remplir. Le but est d’évaluer le risque de confrontation avec une foule revendicative, les militaires n’étant pas formés pour faire du maintien de l’ordre. « Un soldat menacé, ça tire, il est entraîné pour ça », résume une source policière spécialisée dans la sécurisation des manifestations. L’état-major des armées peut d’ailleurs refuser de remplacer les gardes statiques sur certains sites s’il estime le risque trop élevé.

Une annonce condamnée par l’opposition

Les ordres devraient d’ailleurs être clairs, pour éviter à tout prix d’en venir à des extrémités que personne ne souhaite. Les difficultés posées par le mouvement des « gilets jaunes », dont les parcours sont souvent erratiques dans les villes, compliquent la situation. Impossible d’affirmer avec certitude que des militaires ne se trouveront pas confrontés à des manifestants. Les troupes de l’armée pourront alors être désengagées ou protégées par des unités de la police ou de la gendarmerie nationale. S’ils sont témoins de scènes de violence, ils ont pour consigne d’appeler les forces de l’ordre pour les faire cesser.

« L’ARMÉE NE PEUT ET NE DOIT ASSURER AUCUNE TÂCHE DE POLICE, [CAR] CE N’EST PAS SON MÉTIER », JEAN-LUC MÉLENCHON

L’annonce a beau ne pas être une révolution, sa mise en scène par le gouvernement a immédiatement enflammé l’opposition. « L’Etat de droit est chaque jour davantage piétiné », s’est insurgée sur Twitter la députée (La France insoumise, LFI) de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain. « Quelles que soient les circonstances, l’armée ne peut et ne doit assurer aucune tâche de police, [car] ce n’est pas son métier », a jugé Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de LFI. De son côté, le député (LFI) de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière a demandé que l’Assemblée nationale puisse débattre du sujet en urgence.

Les « gilets jaunes » eux-mêmes se sont émus de l’annonce sur les réseaux sociaux, y voyant une nouvelle atteinte aux libertés. « Jamais de la vie un soldat français ira tirer sur un civil français sur le sol français [car] les militaires français sont pour la plupart des enfants de “gilets jaunes” », a de son côté assuré Maxime Nicolle, l’une des figures du mouvement, dans une vidéo diffusée mercredi.

L’utilisation de l’armée lors d’un conflit social n’est pas une première. En 1992, Pierre Bérégovoy, alors premier ministre, avait fait appel aux militaires pour dégager des axes routiers bloqués par des camionneurs qui protestaient contre l’instauration du permis à points. Plus de cinq cents soldats, des blindés légers et un char AMX-30 avaient notamment été envoyés sur l’autoroute du Nord, près de Phalempin, afin de libérer l’axe Paris-Lille.

Nathalie Guibert, Cédric Pietralunga et Nicolas Chapuis

« Gilets jaunes » : 200 millions d’euros de dégradations. Le coût des dégradations commises durant les manifestations des « gilets jaunes » s’élève désormais à 200 millions d’euros, après la prise en compte de celles de l’acte XVIII du mouvement, a fait savoir, mercredi, le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire. « Si l’on regarde plus précisément la manifestation du 16 mars, l’évaluation globale du coût des dégradations est de 30 millions d’euros », a-t-il précisé devant les commissions des affaires économiques et des finances de l’Assemblée nationale. Il y a par ailleurs selon le ministre un « impact direct et de court terme sur la croissance française » du mouvement des « gilets jaunes » qui « peut aller jusqu’à 0,2 point de produit intérieur brut pour 2018 et 2019 », soit plus de 4,5 milliards d’euros.

Publicité
Commentaires
Publicité