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Jours tranquilles à Paris
10 mai 2019

Pour Macron, la fin de la présidence « jupitérienne » est plus difficile que prévu

Par Cédric Pietralunga

Le chef de l’Etat affiche sa volonté de déléguer davantage à son gouvernement. Mais il est néanmoins monté au créneau sur la biodiversité. Et il s’implique de plus en plus dans la campagne des européennes.

Emmanuel Macron l’a promis : fini la présidence « jupitérienne » et les décisions imposées d’en haut. Après deux ans d’exercice solitaire du pouvoir, le chef de l’Etat jure que tout se fera désormais dans la « concertation ». « Je souhaite que les partenaires sociaux, les associations, les élus, puissent travailler ensemble avec le gouvernement », a-t-il indiqué à l’Elysée lors de sa conférence de presse du 25 avril, destinée à répondre aux revendications des « gilets jaunes » et à préserver la suite de son quinquennat.

Preuve de cette conversion à la collégialité, les corps intermédiaires ont été invités à Matignon, le 6 mai, pour réfléchir aux mesures en faveur de « l’emploi » et des « transitions écologique et numérique ». Une attention inédite depuis le début du quinquennat. « Aujourd’hui, il y a matière à faire beaucoup de concertation sur nombre de sujets car le programme présidentiel a été largement mis en place », justifie Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement.

Cette réunion sera suivie par une autre, au début du mois de juin, avec les préfets et les présidents de région, et un « point d’étape » sera organisé avant les vacances d’été. « Le président et le premier ministre [Edouard Philippe] veulent vraiment partager les responsabilités », jure un conseiller.

De la même façon, le chef de l’Etat assure qu’il va déléguer davantage au premier ministre et à son gouvernement. Le 25 avril, il a expliqué qu’il ne pouvait « pas faire tout tout seul » et que son rôle était avant tout de « donner un cap, prendre des orientations ». Comprendre : plus question de jouer à « l’omniprésident » qui décide de tout.

« Vous voyez Macron se retirer sur son Aventin ? »

Place au « président manager » qui anime une équipe. « Le président va se recentrer sur l’essentiel : le cap, la vision. Ce sera d’autant plus facile qu’il a appris à travailler avec Edouard Philippe, qu’il ne connaissait pas au début de son mandat », assure un proche. « A sa conférence de presse, [le chef de l’Etat] a montré qu’il passait la balle au premier ministre », se réjouit-on à Matignon.

Mais beaucoup doutent de cette conversion, y compris au sein de la majorité. « Vous voyez le président se retirer sur son Aventin et laisser le premier ministre à la manœuvre ? “Gilets jaunes” ou pas, on ne change pas de nature », sourit un député influent de La République en marche (LRM). « Je ne veux pas faire de procès d’intention mais Emmanuel Macron a une conception particulière de la participation. Lors du grand débat, il a convoqué soixante intellectuels à l’Elysée, il ne les a laissés parler que deux minutes chacun ! Cette conversion me semble relever davantage de la communication », abonde l’écologiste Corinne Lepage, ex-soutien de la campagne qui a pris ses distances.

Déjà, le chef de l’Etat a du mal à se refréner. Lundi 6 mai, il a volé la vedette au premier ministre et aux syndicats et associations réunis à Matignon, en improvisant dans la cour de l’Elysée une conférence de presse pour annoncer des mesures en faveur de la biodiversité, après la remise d’un rapport alarmant d’experts des Nations unies.

« La logique aurait voulu que ce soit François de Rugy ou Edouard Philippe qui s’en chargent », remarque un conseiller. « La prise de parole du président a été décidée au cours du week-end et a été articulée avec le premier ministre et le ministre de la transition écologique », défend l’entourage de M. Macron.

Une implication dans la campagne qui fait jaser

D’autres s’interrogent sur l’envie pressante du chef de l’Etat de s’impliquer dans la campagne des européennes. Déjà, sa photo orne la profession de foi des candidats de Renaissance, la liste de la majorité. Un grand « Avec Emmanuel Macron » barre aussi les affiches de campagne, alors que le nom de Nathalie Loiseau, la tête de liste, n’apparaît même pas.

Le président envisagerait également de participer à un meeting de La République en marche, peut être à Paris le 24 mai. « Il s’est tellement impliqué sur la défense de l’Europe que personne ne comprendrait qu’il ne soit pas associé », plaide un soutien.

Mais cette implication fait jaser, y compris au sein de la majorité. « Ce n’est pas au président de mener campagne. Macron est le président de tous les Français, pas celui d’un clan ou d’un parti », met en garde un parlementaire, qui craint que le chef de l’Etat prenne pour modèle la campagne menée par Nicolas Sarkozy lors des européennes de 2009. A l’époque, ce dernier s’était fortement engagé dans le débat, participant même à un meeting de l’UMP. Avec succès : le parti présidentiel était arrivé en tête du scrutin (27,9 % des voix), loin devant le Parti socialiste (16,5 %) et Europe Ecologie (16,3 %).

« Il est normal que le président participe à la campagne parce que le moment est important. Et l’Europe est du domaine régalien. Mais la forme de son implication n’est pas arrêtée et il n’est pas certain qu’il fasse un meeting », nuance un proche.

Certains membres de l’entourage plaident pour que le chef de l’Etat ne s’expose pas inconsidérément et apporte un soutien détourné. Mardi soir, il s’est ainsi invité à une réunion de travail de la liste Renaissance, organisée dans un restaurant parisien. Plutôt qu’un meeting, M. Macron pourrait aussi privilégier une interview à la presse.

Peu de poids lourds autour du chef de l’Etat

Mais d’autres soutiens affirment que le chef de l’Etat n’a pas le choix et sera obligé de replonger dans l’arène, faute de relais.

Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron n’a pas réussi à faire émerger de poids lourds autour de lui. Pis, les quelques têtes d’affiche qu’il avait réussi à attirer, comme Nicolas Hulot ou Gérard Collomb, sont parties. « Les ministres connus des Français, ceux qui surnagent et vont au-delà du microcosme parisien et des réseaux sociaux, sont très peu nombreux : en gros, il y a [le ministre de l’intérieur Christophe] Castaner et [celui de l’économie et des finances Bruno] Le Maire. Tous les autres forment une sorte de deuxième division », reconnaît un conseiller.

A entendre certains, ce sont in fine les circonstances qui décideront si le « changement de méthode » voulu par le chef de l’Etat sera pérenne ou pas. « Si ça marche, il continuera. Si ça ne fonctionne pas, il changera », anticipe un soutien. « La matrice présidentielle est conduite par l’efficacité et les résultats », reconnaît-on à l’Elysée.

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