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Jours tranquilles à Paris
15 juillet 2019

Reportage - Longue journée sur les Champs-Elysées, des « gilets jaunes » aux supporteurs de l’Algérie

Par Cédric Pietralunga, Léa Sanchez, Christophe Ayad

A Paris, plus de 170 personnes ont été interpellées en marge du défilé du 14-Juillet, avant que l’avenue ne soit envahie dans la soirée par les fans des Fennecs.

A la veille du dimanche 14 juillet, les forces de l’ordre redoutaient surtout les suites d’une éventuelle victoire de l’Algérie en demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) le soir, mais ce sont les « gilets jaunes » qui ont créé la surprise dès le début de la journée.

Plusieurs dizaines d’entre eux ont tenté de profiter du défilé militaire pour conspuer Emmanuel Macron qui a présidé la cérémonie après avoir remonté la célèbre avenue à bord d’un « command car ». Fait inédit, des sifflets nourris ont été entendus au passage de son véhicule, mêlés aux applaudissements.

Les forces de l’ordre, présentes en masse, ont rapidement interpellé plusieurs figures du mouvement présentes dans la foule : Maxime Nicolle (alias Fly Rider), Jérôme Rodrigues et Eric Drouet. Tous trois ont passé plusieurs heures en garde à vue avant d’être relâchés, les deux premiers pour « organisation d’une manifestation illicite », le troisième pour « rébellion ».

Le restaurant Le Fouquet’s, qui avait ouvert le jour même pour la première fois depuis son incendie partiel et son saccage, le 16 mars, date de la dernière incursion des « gilets jaunes » sur les Champs-Elysées, a vite mis en place un important dispositif de protection peu après le défilé militaire, dont le clou a été la démonstration d’un « homme volant » sur une planche turbo propulsée.

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Barricades et gaz lacrymogènes

Peu après la fin du défilé, plusieurs petits groupes de « gilets jaunes » et de black blocs ont investi le haut de l’avenue et les rues adjacentes, dressant des barricades avec des barrières métalliques et incendiant des poubelles.

Quelques vitrines et un abribus ont été endommagés. En fin d’après-midi, les forces de l’ordre étaient venues à bout des troubles en dispersant les manifestants à coups de gaz lacrymogènes et en procédant à 175 interpellations.

« On s’attendait à quelques manifestations », reconnaît un proche du premier ministre Edouard Philippe. Mais pas question de donner de l’importance à l’événement. « Les manifestants n’étaient pas nombreux, même s’ils ont fait beaucoup de bruit », assure-t-on à l’Elysée. « Ce que veulent ces gens, c’est qu’on parle d’eux, ils en ont perdu le sens même de la fête nationale », a encore réagi Matignon. « Ceux qui voulaient empêcher ce défilé devraient avoir un peu honte (…) la nation, il faut la respecter », a renchéri Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur.

Quelques heures plus tard, un peu avant 23 heures, les Champs-Elysées étaient à nouveau envahis par les nombreux supporteurs de l’équipe d’Algérie venus fêter la qualification des Fennecs en finale de la CAN.

Des « gilets jaunes » se joignent à la liesse

Pendant que le traditionnel feu d’artifice du 14-Juillet était tiré au-dessus du Champ-de-Mars, de l’autre côté de la Seine, un nouveau défilé, mais cette fois-ci composé de voitures et de scooters pavoisés aux couleurs de l’Algérie, empruntait la célèbre avenue. La place de l’Etoile, théâtre de nombreux tirs de feux d’artifice artisanaux et de pétards, était moins fréquentée par les supporteurs venus en famille. Des « gilets jaunes » restés sur place se sont joints à la liesse, même si un fan des Fennecs tenait à préciser : « Eux et nous, on vient pas pour la même chose. »

Même ambiance festive et assourdissante au carrefour Barbès-Rochechouart, où les supporteurs ont afflué dès le coup de sifflet final et le coup franc miraculeux de Riyad Mahrez qui a envoyé l’Algérie en finale de la CAN.

Ali en a presque les larmes aux yeux : « La dernière fois qu’on était en finale, c’était en 1990, j’avais 2 ans. Après, tout s’est gâté au pays. J’espère que ça ne va pas recommencer avec cette belle révolution qu’on est en train de faire. »

Comme la plupart des jeunes hommes hurlant leur joie, torse nu, enveloppés dans des drapeaux algériens, il est un « blédard » parlant à peine français : il travaille au noir et vit sans papiers. Peu à peu, les familles, des bébés aux grands-parents, rejoignent la gigantesque fiesta. La police se tient à distance et ne s’approche que lorsque les pétards sont trop forts.

Klaxon enfoncé sans discontinuer

Inès est venue de Boulogne : « D’habitude, les blédards nous regardent de travers, nous les “beurs”, parce qu’ils nous trouvent trop Français et nous, on les trouve mal éduqués, rigole-t-elle. Mais c’est pas grave, tout ce qui nous permet de fêter et de nous rassembler est bon à prendre. » Pour sa sœur Saliha, « la violence de la joie de la jeunesse est à la mesure de la force de son désespoir. Ces jeunes mettent dans le foot toutes leurs frustrations. Leur vie est violente et ils célèbrent violemment. C’est ça que les Français ne peuvent pas comprendre. »

Des drapeaux tunisiens, marocains, soudanais et même égyptiens se joignent à la liesse. Trois jeunes tiennent en équilibre sur un feu tricolore. Tous les automobilistes sont là pour célébrer, klaxon enfoncé sans discontinuer. Les filles sont en amazone à la portière des voitures. Un jeune assis sur le toit d’une voiture crie « Vive la France ! » en direction des gendarmes. Le conducteur passe la tête par la fenêtre : « Mais qu’est-ce que tu racontes ? » « T’inquiète, je dis ça pour les racistes ! », rigole l’autre.

Une femme en niqab filme par la fenêtre entrouverte de sa voiture pendant que son mari salafiste slalome entre les piétons. Astou, une jeune Sénégalaise venue fêter la qualification de son équipe en finale aussi, décide de rentrer : « Le problème des Algériens, c’est qu’ils n’ont pas de limites. »

Un bus veut passer pour rentrer au dépôt, coincé par la foule. Rapidement, un petit groupe lui dégage la voie et finir par faire la circulation sous l’œil goguenard des gendarmes. Sur les Champs-Elysées, la liesse s’est terminée à 3 heures du matin, lorsque la police a dispersé les derniers fêtards qui incendiaient deux poubelles et ont endommagé une voiture. Pas de quoi impressionner les « gilets jaunes ».

Christophe Ayad, Cédric Pietralunga et Léa Sanchez

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Des scènes de liesse et des échauffourées à Lyon et à Marseille. Des milliers de supporteurs de l’équipe de football d’Algérie ont explosé de joie dimanche 14 juillet au soir à Lyon et à Marseille. Des scènes de liesse ont parfois laissé la place à des tensions ou à des incidents. Dans la cité phocéenne, des jeunes ont entrepris de démolir méthodiquement des abribus. Alors que plusieurs feux de poubelles étaient pris en charge par les marins-pompiers de Marseille, les forces de l’ordre ont été bombardées de projectiles, des bouteilles et des pierres notamment, à proximité du bâtiment du conseil régional. Plusieurs personnes ont été interpellées. Pour se fournir en munitions, de jeunes manifestants ont été vus brisant des blocs en béton utilisés pour tenir les barrières des chantiers. A Lyon, les scènes de joie des fans des Fennecs ont été suivies par des heurts avec les forces de l’ordre. Selon la préfecture et les pompiers, de nombreux véhicules ont été incendiés, dans le centre de Lyon mais aussi dans les villes voisines de Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Bron ou Villeurbanne.

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