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Jours tranquilles à Paris
7 août 2019

Pékin n’exclut pas d’intervenir à Hongkong

Par Frédéric Lemaître, Pékin, correspondant

Face au mouvement de contestation sans précédent qui secoue l’ancienne colonie britannique depuis deux mois, les autorités chinoises continuent de hausser le ton.

Face au mouvement social sans précédent qui secoue Hongkong depuis deux mois, les autorités chinoises continuent de hausser le ton, n’excluant pas une intervention des forces de l’ordre de Chine continentale même si ce n’est pas le scénario qu’elles semblent privilégier.

Dans un premier temps, Pékin a durant plusieurs semaines minimisé l’ampleur du mécontentement généré par un projet de loi permettant les extraditions vers la Chine continentale. Il n’y aurait eu, selon les autorités chinoises, que 240 000 manifestants le 16 juin et non deux millions comme annoncé par les organisateurs et les observateurs.

A l’époque les manifestations étaient d’ailleurs censurées par les médias chinois. Depuis juillet et l’invasion du Legco, le Parlement de Hongkong par des manifestants, ce n’est plus le cas. La « région administrative spéciale » a même les honneurs du grand journal télévisé de CCTV avec deux thèmes mis en avant : la violence des manifestants, souvent qualifiés d’émeutiers et les rassemblements organisés au contraire en soutien au régime chinois.

De même, muet depuis la rétrocession de Hongkong à la Chine en 1997, le Bureau des affaires de Hongkong et de Macao à Pékin a pris la parole à deux reprises ces derniers jours : le 29 juillet et le 6 août. Signe que la crise est gérée depuis Pékin, ce sont les responsables de ce Bureau qui ont donné leur lecture de la grève générale du 5 août – une première dans l’île depuis 1997 – et non Carrie Lam, la chef de l’exécutif hongkongais.

L’ambiguïté est de mise

Ce mardi, Yang Guang, porte-parole du Bureau des affaires de Hongkong et de Macao a adopté un ton à la fois martial et relativement mesuré. Certes « ceux qui jouent avec le feu périront par le feu », a-t-il menacé. Et « le gouvernement central n’acceptera aucun désordre que le gouvernement de Hongkong ne peut pas contrôler et qui menacerait l’unité ou la sécurité nationale ». Mais dans le même temps, il a jugé que seuls « un très petit groupe de criminels peu scrupuleux et violents » menaçait Hongkong.

Le temps n’est plus où tous les manifestants étaient qualifiés d’« émeutiers ». Par ailleurs, interrogé sur une possible intervention de l’armée chinoise à Hongkong, Yang Guang a répondu que « le gouvernement et la police de la ville sont tout à fait capables d’écraser les délits violents et de restaurer l’ordre et la paix ». L’ambiguïté reste donc de mise.

En revanche, le soutien de Pékin à Carrie Lam est explicite. Alors que celle-ci est critiquée dans son propre camp pour sa gestion calamiteuse de ce projet de loi sur les extraditions, Zhang Xiaoming, le directeur du Bureau des Affaires de Hongkong et de Macao organise ce mercredi 7 août à Shenzhen, la ville chinoise qui fait face à Hongkong une réunion avec 200 représentants de Hongkong au Parlement chinois pour, selon le South China Morning Post, organiser le soutien à Carrie Lam et à la police de Hongkong.

Cette réunion devrait être aussi l’occasion de définir une nouvelle stratégie de communication qui qualifierait les opposants à Carrie Lam d’« indépendantistes » et mettrait en valeur les Hongkongais qui, au contraire soutiennent Pékin et organisent des rassemblements autour du drapeau chinois. Que celui-ci ait été profané par des manifestants est une provocation qui a effectivement choqué nombre de Chinois et que les autorités ne vont pas manquer d’exploiter.

Comportement brutal de la police

De même celles-ci espèrent que les violences et le désordre dans les transports publics lors de la grève du 5 août vont finir par rendre impopulaire le mouvement. Mais pour le moment, si les Hongkongais dénoncent les violences de certains manifestants, ils sont encore plus nombreux à pointer le comportement brutal de la police. Lundi, celle-ci a arrêté 148 personnes et elle a utilisé presque autant de gaz lacrymogènes que durant les deux mois précédents.

Mais rien de ce qu’a annoncé Pékin n’est en mesure de mettre fin aux tensions. La loi anti-extraditions n’est pas officiellement retirée mais simplement « suspendue ». Carrie Lam est toujours au pouvoir et surtout Pékin n’envisage aucun renforcement de la démocratie à Hongkong, bien au contraire.

Si très peu de Hongkongais souhaitent l’indépendance de leur ville, une majorité souhaite qu’elle garde son autonomie, notamment juridique. Les libertés publiques y sont incomparablement plus élevées qu’en Chine continentale.

En pleine guerre commerciale et monétaire avec les Etats-Unis, le régime chinois n’a probablement aucune envie d’envoyer l’armée à Hongkong. Une telle initiative le mettrait à nouveau au ban des nations comme après le massacre de Tiananmen en 1989 et risquerait, par ricochet, de faciliter la réélection en janvier 2020 à Taïwan, de la présidente Tsai, issue du parti indépendantiste.

Manœuvres des forces de l’ordreicières en Chine

Mais nul n’imagine que Pékin laisse le désordre perdurer à Hongkong alors que la Chine va célébrer avec une grande parade militaire le 1er octobre les 70 ans de l’arrivée des communistes au pouvoir. D’ailleurs un porte-parole du ministère de la défense a récemment précisé que l’armée chinoise – qui disposerait de 6 000 soldats sur le territoire de l’ancienne colonie britannique – est fondée à intervenir si le gouvernement de Hongkong en fait la demande. Rien n’est donc exclu.

Toutefois, l’idée semble plutôt de renforcer les moyens des forces de l’ordre hongkongaises. Selon plusieurs sources, des éléments de la police cantonaise – dont les agents parlent la même langue qu’à Hongkong – seraient déjà présents au sein de celle de Hongkong.

Et le 6 août, le quotidien nationaliste Global Times a diffusé une vidéo mettant en scène les manœuvres de 12 000 policiers de Shenzhen, s’entraînant pour combattre des émeutes urbaines. Officiellement, ces exercices qui incluent toutes les forces de police – de terre, de l’air et de mer – sont effectués dans le cadre de la préparation des cérémonies du 1er octobre.

Mais l’avertissement aux Hongkongais est d’autant plus clair que les policiers représentant les manifestants sont revêtus des mêmes tee-shirts noirs et des mêmes casques de chantier jaunes que les jeunes hongkongais. On ne peut donc exclure que l’intervention de Pékin, jusqu’ici essentiellement verbale et médiatique, finisse par se concrétiser.

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