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Jours tranquilles à Paris
31 août 2019

A Hongkong, le pouvoir va dans le dur

En interpellant puis libérant des figures de la contestation, les autorités ont joué la carte de l’intimidation afin de désamorcer un week-end de tensions.

A Hongkong, le pouvoir va dans le dur

Arrestations de figures majeures de l’opposition, refus d’autoriser un rassemblement pacifique… Vendredi, les autorités hongkongaises ont frappé les premières avant de prendre de nouveaux coups, et se sont évertuées à neutraliser la mobilisation prévue ce week-end, particulièrement symbolique, avant une rentrée des classes lundi qui s’annonce tendue.

Vers 7 h 30, Joshua Wong, l’un des leaders du mouvement des parapluies de 2014 et secrétaire général de l’organisation pro-démocratie Demosisto, a été interpellé à Aberdeen, dans le sud de l’île. Le militant de 22 ans est soupçonné d’avoir pris part à un rassemblement illégal qu’il aurait également incité et organisé, le 21 juin, aux abords du siège de la police. Il a été libéré sous caution dans l’après-midi, comme son acolyte Agnès Chow, incriminée pour une partie de ces mêmes faits et arrêtée à son domicile.

Lasers.

La veille au soir, Andy Chan était cueilli à l’aéroport alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour le Japon. Le fondateur du Parti national de Hongkong, minuscule formation indépendantiste interdite par les autorités en septembre 2018, avait déjà été interpellé le 1er août. Le même jour, des armes et des explosifs étaient saisis dans un bâtiment industriel. Quant au député Cheng Chung-tai, il a été arrêté et inculpé mercredi pour avoir profané les drapeaux chinois et hongkongais en les mettant à l’envers dans l’enceinte du Parlement : autre hasard du calendrier ? Deux élus du même parti ont également été interpellés dans la soirée de vendredi.

Le déroulement de ces opérations n’a pas du tout été programmé, assurait la police vendredi lors d’une conférence de presse, il est juste le fruit de «semaines d’enquête». Une tentative de justification peu crédible quand on sait que Demosisto est très actif dans l’appel au boycott lancé pour la rentrée, qui risque d’être suivi tant dans les lycées que dans les facs.

La police avait déjà utilisé cette tactique d’intimidation, la «terreur blanche» dénoncée par les opposants, en arrêtant un représentant syndical de l’université baptiste de Hongkong. Son tort ? Etre en possession de stylos munis de lasers - «une arme», selon la police.

L’argumentaire des forces de l’ordre est encore plus douteux au regard du rassemblement massif qui se préparait pour samedi en commémoration d’un coup de canif chinois dans le processus démocratique. Le 31 août 2014, Pékin annonçait que le futur chef de l’exécutif local serait bien élu au suffrage universel dès 2017, mais que seuls deux ou trois candidats sélectionnés par un comité de nomination seraient habilités à se présenter au scrutin. Ces restrictions, jugées inacceptables pour les militants pro-démocratie, avaient déclenché le mouvement Occupy Central et un blocage de soixante-dix-neuf jours dans le quartier des affaires.

«Samedi était une date butoir pour beaucoup de jeunes», a affirmé la police, et au vu de l’escalade des violences au cours des deux dernières semaines, l’autorisation de manifester n’a pas été délivrée. «C’est une violation totale des droits de l’homme fondamentaux», a dénoncé Bonnie Leung, porte-parole du Front civil des droits de l’homme, le collectif d’organisations pro-démocratie à l’origine de la manifestation de samedi. Selon elle, «c’est dans la nature humaine : quand les gens qui manifestent pacifiquement ne sont pas entendus, ils deviennent plus radicaux». Le Front a annulé la marche, mais il n’est pas exclu que des milliers de personnes se rassemblent en dépit de l’interdiction, avec potentiellement des heurts entre la police et les militants.

«Echec».

«Ceux qui auront à nouveau recours à la violence doivent savoir que nous mènerons des actions déterminées sur le terrain», ont martelé vendredi les officiers de police. Selon eux, plus de 900 arrestations ont déjà eu lieu depuis le début de la contestation, et d’autres suivront. Pour Sophie Richardson, directrice de recherches sur la Chine auprès de Human Rights Watch, il s’agit de «tactiques autoritaires déployées depuis longtemps par le gouvernement chinois, mais qui n’étaient jusqu’ici pas habituelles à Hongkong, et le signe d’un échec spectaculaire des autorités chinoises et locales».

L’influence de Pékin est d’ailleurs de plus en plus évoquée. Vendredi, l’agence de presse Reuters a révélé que la cheffe de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam, aurait soumis aux autorités chinoises un plan pour répondre aux cinq revendications des manifestants, dont le retrait définitif (et non sa simple «suspension») du projet de loi sur l’extradition vers la Chine qui a déclenché la crise. Mais le régime de Pékin aurait refusé catégoriquement, préférant agiter la menace d’une répression militaire.

Le gouvernement local pourrait avoir recours à des lois d’urgence, assorties de restrictions d’accès à Internet. De quoi alimenter un peu plus les craintes des investisseurs, des touristes et des consommateurs. Des inquiétudes qui font des dégâts : selon des chiffres sur la distribution publiés vendredi par le gouvernement, les centres commerciaux se vident, et les ventes de montres et de bijoux ont dégringolé de 24,4 % en juillet, celles des médicaments et des cosmétiques de 16,1 %.

Rosa Brostra

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