Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
7 septembre 2019

Récit - Brexit : récit d’une folle semaine entre Boris Johnson et le Parlement

boris33

Par Enora Ollivier

Le premier ministre britannique avait commencé la semaine en position de force. Mais plusieurs épisodes l’ont affaibli et ont contrecarré son projet de « Brexit dur » le 31 octobre.

Boris Jonhson n’a cessé de le répéter : le Brexit aura lieu, quoi qu’il advienne, le 31 octobre. A l’issue de cette semaine riche en coups de théâtre et péripéties politiques, peut-il être toujours aussi affirmatif ? En quelques jours, après l’annonce très controversée de la suspension du Parlement pendant plusieurs semaines, le premier ministre, en poste depuis six petites semaines, a perdu sa majorité absolue et semé le doute dans son camp.

Lundi 2 septembre – L’avertissement de « BoJo »

Veille de rentrée parlementaire au Royaume-Uni. Devant le 10 Downing Street, Boris Jonhson fait une allocution de quatre minutes, sans que sa voix ne puisse couvrir intégralement le brouhaha : non loin de là, des manifestants clament « Stop the coup ! » pour dénoncer la décision du premier ministre de suspendre les débats au Parlement pendant cinq semaines avant le Brexit, fixé au 31 octobre.

Boris Johnson affiche sa fermeté face la colère qui bout également dans son camp. Il encourage les députés conservateurs qui menacent de voter « avec Jeremy Corbyn », le chef du Parti travailliste, à renoncer à leur projet et à ne pas demander « un autre report inutile » de la date de départ de l’Union européenne (UE). Le premier ministre assure qu’il négocie avec les Européens pour trouver un accord de sortie avant le 31 octobre – ce dont doutent très sérieusement l’opposition et les rebelles tories. Mais il insiste : « Je ne demanderai à Bruxelles de report dans aucune circonstance. Nous partirons le 31 octobre, il n’y a pas de “si” ou de “mais”. »

Mardi 3 septembre – La défaite et la purge

En pleine séance, lors de la prise de parole de Boris Johnson, le député conservateur Phillip Lee va s’asseoir sur les bancs des libéraux-démocrates. L’élu fait défection en direct, Boris Johnson perd sa majorité absolue, qui ne tenait littéralement qu’à un fil, lors de sa rentrée au Parlement : l’image, frappante, donne le ton de ce qui va être une semaine pour le moins éprouvante.

La Chambre des communes est en ébullition. Le député travailliste Hilary Benn dépose un projet de loi dont le but est d’empêcher une sortie de l’UE le 31 octobre sans accord. Le texte demande un report du Brexit au 31 janvier 2020 si, comme cela est probable, aucun accord n’est trouvé d’ici au 19 octobre (soit au lendemain du sommet européen décisif des 17 et 18 octobre).

Pour être étudié et soumis au vote, les opposants à un « no deal » doivent prendre le contrôle de l’ordre législatif. C’est chose faite dans la soirée quand une motion est adoptée par 328 voix contre 301. Une claque pour Boris Johnson, qui voit 21 conservateurs rebelles lui tourner le dos. Parmi eux : le petit-fils de Winston Churchill, neuf anciens ministres, dont l’ex-chancelier de l’échiquier (finances) et le « Father of the House », Kenneth Clarke, député depuis bientôt cinquante ans… Qu’importe, le premier ministre met ses menaces à exécution et ces 21 frondeurs sont aussitôt exclus de leur parti.

Après ce revers, Boris Jonhson n’a d’autre choix que de proposer des élections législatives anticipées. Mais une telle option requiert les deux tiers des voix des députés…

Au cœur de cette journée historique, une autre image, chargée de symboles, fait le tour des médias : la position du « leadeur » de la Chambre des communes, Jacob Rees-Mogg, allongé nonchalamment sur le banc du premier rang. L’opposition voit dans l’attitude de cet homme, « brexiter » convaincu, un symbole de la morgue et du mépris des institutions du gouvernement.

Mercredi 4 septembre – Nouvelle mise à l’épreuve

Retour dans la nasse pour « BoJo ». La loi visant à empêcher une sortie sans accord le 31 octobre est adoptée confortablement (327 voix contre 298), grâce à l’alliance de circonstance des travaillistes, des libéraux, des indépendantistes écossais et des désormais ex-tories « rebelles ». Le texte est transmis à la Chambre des lords, qui devrait l’adopter d’ici à lundi, avant la suspension du Parlement décidée par le premier ministre.

Boris Johnson encaisse un deuxième coup dur dans la journée : le rejet de la motion ouvrant la voix à des élections anticipées le 15 octobre. L’opposition juge la date dangereuse, à deux semaines du jour prévu du Brexit. Dans la Chambre des communes, Jeremy Corbyn pointe un « piège » et le « cynisme » du gouvernement.

Sur les bancs, l’ancienne première ministre, Theresa May, qui a démissionné après avoir échoué à faire voter par le Parlement l’accord de sortie négocié avec Bruxelles, ne se prive pas d’apparaître souriante au côté de Kenneth Clarke, l’ancien ministre et député élu depuis 1970, exclu la veille des tories pour rébellion. La purge de la veille pèse dans le camp conservateur…

Jeudi 5 septembre – Lâché par son frère Jo, Boris persévère

Pas de débats à la Chambre des communes en cette journée, ce qui n’empêche pas son lot de rebondissements. A la mi-journée, Jo Johnson, le frère de Boris Johnson, annonce qu’il quitte ses fonctions de ministre et de député. Opposé à un « no deal », favorable à un second référendum, il se dit « déchiré entre la loyauté à l’égard de [sa] famille et l’intérêt national ».

Dans le même temps, le premier ministre annonce pour lundi soir un nouveau vote sur la tenue de législatives anticipées, se mettant à nouveau au défi de réunir deux tiers des voix des députés.

« Je préférerais être mort au fond d’un fossé » plutôt que de demander un nouveau report du Brexit, déclare plus tard Boris Johnson, maintenant contre vents et marées sa position de fermeté.

Vendredi 6 septembre – Le « no deal » écarté, l’opposition toujours opposée à des élections en octobre

La loi empêchant un « no deal » est adoptée par la Chambre des lords. Le texte, qui doit être approuvé par la reine Elisabeth II lundi – une formalité – entrera en vigueur le même jour.

L’opposition, favorable sur le principe à des élections, a fait de l’assurance que le Brexit se fasse dans le cadre d’un accord avec l’UE un préalable. Pour autant, les partis concernés annoncent qu’ils rejetteront à nouveau la proposition de M. Johnson d’organiser des élections le 15 octobre, souhaitant que le gouvernement demande un report de la sortie de l’UE à Bruxelles.

Publicité
Commentaires
Publicité