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Jours tranquilles à Paris
17 septembre 2019

Brexit : la stratégie de Boris Johnson paraît toujours aussi illisible

Par Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen, Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante

La rencontre entre le premier ministre britannique et le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, lundi, ne semble pas avoir permis de débloquer la situation.

Ils ne s’étaient pas encore rencontrés depuis que Boris Johnson a remplacé Theresa May au 10 Downing Street. Finalement, alors que Londres et Bruxelles doivent trouver un accord avant le 31 octobre s’ils veulent éviter une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) sans accord (ou un énième report du divorce), le premier ministre britannique a demandé à rencontrer Jean-Claude Juncker, le président de la Commission.

Lundi 16 septembre, les deux hommes ont partagé leur déjeuner – œuf bio mollet suivi d’un lieu jaune – dans un restaurant à Luxembourg. Michel Barnier, le négociateur en chef du Brexit pour les Vingt-Sept, ainsi que Stephen Barclay, le secrétaire britannique, étaient également autour de la table.

On ne sait pas si les deux dirigeants ont appris à s’apprécier – l’entourage de M. Juncker a qualifié d’« amicale » la rencontre, quand celui de M. Johnson l’a dite « constructive » – mais, à écouter leurs déclarations à son issue, il ne semble pas que ce rendez-vous a permis de débloquer la situation.

« Oui, nous sommes prêts d’un accord », a lancé le premier ministre britannique, invitant l’Europe à « bouger ». Il n’y a « pas de proposition sur la table », a pour sa part commenté laconiquement la Commission, donnant donc une interprétation radicalement différente de l’avancée du dossier.

Intensifier les négociations

Les deux parties ont en tout cas convenu d’intensifier les négociations à 45 jours de l’échéance du 31 octobre. Celles-ci devraient désormais se tenir à un rythme quotidien – et non plus deux jours par semaine – et pas seulement à un niveau technique, mais sous l’égide de MM. Barnier et Barclay.

La Commission exige que Londres présente des solutions alternatives à l’accord qui a été négocié et que le Parlement britannique a rejeté à trois reprises. En cause, le « backstop », qui doit permettre d’éviter le retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord, qui fait partie de la couronne, et la République d’Irlande, membre de l’UE, et donc de respecter les Accords du vendredi saint, tout en gardant le Royaume-Uni dans un « territoire douanier unique ». Inacceptable pour M. Johnson, qui veut que son pays soit à même de négocier des accords commerciaux bilatéraux avec qui bon lui semble.

Le premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, qui a rencontré son homologue britannique dans l’après-midi, s’est montré bien plus virulent que M. Juncker. « L’heure tourne, arrêtez de parler, agissez », a-t-il lancé, lors d’une conférence de presse qu’il a finalement animée tout seul. M. Johnson avait en effet préféré ne pas y assister, en raison du tapage causé par une manifestation proeuropéenne à deux pas des deux dirigeants. « Ne faites pas de l’UE le méchant de l’histoire, a poursuivi M. Bettel, haussant le ton à l’égard du chef de gouvernement tory : On ne peut pas prendre l’avenir en otage pour des motifs politiciens. »

A six semaines du Brexit, la stratégie de M. Johnson parait toujours aussi illisible. Ces dix derniers jours, des sources à Downing Street ont pourtant laissé entendre qu’il serait prêt à envisager un « backstop » limité à l’Irlande du Nord. Auquel cas, seule Belfast, et non l’ensemble du Royaume, resterait dans le marché unique. Un schéma que Bruxelles avait initialement proposé à Theresa May et qu’elle avait exclu, sur pression de son petit partenaire de coalition, le parti unioniste nord-irlandais DUP, craignant qu’il n’ouvre la porte à une réunification des deux Irlandes. Pour l’heure, Londres a fait un premier pas vers cette solution, en envisageant de continuer à appliquer les normes européennes en matière sanitaire et phytosanitaire en Irlande du nord.

Aucune proposition concrète

Lundi, à Luxembourg, en tout cas, M. Johnson n’a fait aucune proposition concrète. Dès lors, la même question demeure, depuis sa prise de fonction : souhaite-t-il vraiment renégocier l’accord de Theresa May avec Bruxelles ? Ou continue-t-il à bluffer, en espérant que ses futurs ex-partenaires renonceront à toute forme de « backstop » à la veille d’un Brexit sans accord, de peur d’un « no deal » dont les dégâts seraient ravageurs ?

M. Johnson, qui se compare au super-héros Hulk dans sa bataille pour libérer son pays des entraves européennes, a une nouvelle fois fait savoir, lundi, qu’il entendait quitter l’UE au 31 octobre. Et qu’il ne réclamerait pas de troisième report du Brexit alors que la loi britannique l’y contraint : Westminster a, en effet, voté un texte qui l’oblige à formuler cette demande à Bruxelles à partir du 19 octobre, c’est-à-dire après le sommet européen des 17 et 18 octobre, s’il n’est pas parvenu à renégocier un accord d’ici là.

« J’obéirai à la loi », a-t-il assuré à Laura Kuenssberg, la cheffe du service politique de la BBC, qui avait fait le déplacement à Luxembourg. « Comment ? En la contournant ? », lui a demandé la journaliste. « Ce sont vos propres mots », a esquivé le premier ministre, qui s’est dit « juste un petit peu plus optimiste », à l’issue de son déjeuner luxembourgeois, « que ce matin »…

« Johnson est obligé de dire qu’il veut trouver un accord, puisque Westminster a voté une loi l’obligeant à demander un report », explique un haut fonctionnaire européen. « Soit on fait partie d’une stratégie électorale de Johnson, soit il veut vraiment un accord. On ne le saura pas avant le sommet », poursuit-il.

Lundi soir, la presse britannique, qui semble avoir renoncé elle aussi à comprendre les intentions cachées de M. Johnson, insistait surtout sur « l’humiliation » qu’il aurait subie au Luxembourg, le premier ministre du Grand-Duché, Xavier Bettel, ayant choisi de répondre à la presse sans lui. Il a été pris « en embuscade », vitupérait le Daily Telegraph, très en faveur du chef du gouvernement, qui fut l’un de ses ex-chroniqueurs.

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