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Jours tranquilles à Paris
31 octobre 2019

«Valeurs» du président actuel

valeurs

Emmanuel Macron s’exprime sur l’immigration, le voile, l’islam… dans Valeurs actuelles, organe central de la droite silex. Il défend ses positions chez l’adversaire, dit-il. Comme s’il allait, exemples imaginaires, faire l’éloge de la chasse à courre dans Végan magazine ou parler du grand âge dans Fripounet et Marisette. C’est un genre.

«Il faut parler à tous les Français», dit-on à l’Elysée. Certes, mais le Président était resté plutôt discret sur ces sujets face à «tous les Français», justement. Il s’épanche soudain dans un hebdo d’extrême droite. Serait-ce à ses yeux le journal de «tous les Français» ? Ou bien devrait-il le devenir, obligeant «tous les Français» à acheter ce numéro de Valeurs actuelles, remarquable coup de pouce commercial ?

Apparemment, le Président entretient avec cette rédaction des rapports plus cordiaux qu’avec bien d’autres. Certes, il défend sur l’immigration des positions différentes, qu’on connaissait pour l’essentiel – «humanité mais fermeté». Mais il lâche au passage deux concessions un peu gênantes. Les associations de défense des migrants sont qualifiées de «droit-de-l’hommistes», terme péjoratif inventé naguère par Jean-Marie Le Pen. Faudrait-il se méfier des droits de l’homme ? La mère voilée du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, humiliée en public, serait, selon Macron, proche de l’islam politique et l’élu frontiste se serait fait «coincer». Drôle de réflexion : la mère en question, quelles que soient ses opinions, était dans son bon droit. Rien ne justifiait l’agression verbale de l’élu RN (que Marine Le Pen a d’ailleurs désapprouvée). Contamination inconsciente ?

Il faut craindre qu’il y ait là, non pas un paradoxe, mais une convergence d’intérêts. On en trouve la clé dans le sondage réalisé par Elabe pour BFM, publié mercredi. Sondage un peu théorique, puisqu’il mesure des intentions de vote à la présidentielle deux ans et demi avant le scrutin, ce qui transforme la marge d’erreur en gouffre abyssal. Mais cette photographie prématurée dessine tout de même un paysage, serait-il éphémère. Deux forces politiques émergent de l’enquête, toutes deux proches de 30% dans les intentions de vote : le RN et LREM. Les autres, LR, LFI, les Verts ou le PS étant ramenés à des dimensions lilliputiennes. Ce n’est plus Jupiter, c’est Gulliver…

Angoissant sondage quand on y pense : il programme un deuxième tour Macron-Le Pen en 2022. Bis repetita. Avec cette différence : privé de la séduction de la nouveauté, Macron arriverait très impopulaire dans le sprint final, à gauche notamment, et tout autant dans les classes populaires. Il serait donc sauvé par défaut : encore une fois, l’électeur non-macroniste voterait Macron, non pour approuver le sortant, mais pour barrer la route à son adversaire. Carte forcée qui risque d’indisposer fortement les antilepénistes non-macroniens. Le danger se voit comme le nez au milieu de la figure : une abstention massive, qui accroîtrait d’autant les chances de la candidate RN, surtout si elle a l’intelligence, tel Raminagrobis, de rentrer ses griffes le temps d’un vote. Le tête-à-tête Macron-Valeurs actuelles annonce, favorise, banalise le tête-à-tête centre droit-extrême droite qui élimine droite et gauche d’un seul mouvement. Le calcul a marché deux fois, pour Chirac en 2002, pour Macron en 2017. Tenter le diable une troisième fois, ce n’est plus de la stratégie. C’est de la roulette russe.

LAURENT JOFFRIN - Libération

macron valeurs

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