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Jours tranquilles à Paris
29 novembre 2019

En France, mobilisation contre Amazon et la surconsommation

Par Rémi Barroux

A l’occasion du Black Friday, les associations de lutte pour le climat et l’environnement multiplient les opérations contre les centres logistiques et commerciaux.

Comme une répétition générale. En bloquant les accès du centre logistique d’Amazon, à Brétigny-sur-Orge (Essonne), jeudi 28 novembre, la cinquantaine de militants d’ANV-COP21 (Action non violente-COP21) et des Amis de la Terre ont donné le coup d’envoi des mobilisations contre la surconsommation dont le Black Friday est, selon eux, le symbole.

Dès 14 heures, les activistes ont empilé des bottes de paille et des réfrigérateurs, des machines à laver et des cuisinières récupérés dans des décharges pour empêcher les dizaines de camions, immatriculés en Lituanie, en Allemagne, en Belgique… de pénétrer sur l’immense site de 150 000 mètres carrés, récemment ouvert en août – Amazon en compte une vingtaine en France, dont une petite dizaine de centres logistiques. Se couchant par terre pour retarder une éventuelle évacuation, les militants ont aussi tendu des banderoles « Amazon, pour le climat, pour l’emploi, stop expansion, stop surproduction ».

« On reproche à Amazon d’avoir une politique destructrice pour la planète, pour les conditions sociales et le Black Friday permet à cette société de réaliser un chiffre d’affaires exponentiel », a dénoncé Sandy Olivar Calvo, porte-parole d’ANV-COP21.

Alors que des centaines de salariés devaient patienter, non sans protester pour certains car ils ne pouvaient quitter les lieux, lors du changement d’équipe en milieu de journée, les militants ont manifesté leurs intentions de rester jusqu’au lendemain matin, la plupart étant arrivés équipés de duvet. Les prises de parole se sont succédé, sous un ciel plombé, percé à de rares occasions par de timides rayons de soleil.

Responsable des émissions de gaz à effet de serre

« On a demandé un moratoire au gouvernement sur les nouveaux entrepôts de logistique. On nous a répondu “oui peut-être” dans un premier temps, mais ils nous mènent en bateau, a ainsi déclaré Alma Dufour, des Amis de la terre. On a cru que cela avait changé avec l’arrêt d’Europacity par le gouvernement [un mégacentre commercial et de loisirs qui devait être construit sur les terres agricoles du Triangle de Gonesse, au nord de Paris], mais non… »

Les militants qui luttent pour le climat considèrent que le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, voté dans un premier temps par le Sénat et qui doit être débattue par les députés début décembre, n’apporte pas de réponse satisfaisante au développement de la surconsommation et de la surproduction. « Il faut rehausser fortement le niveau d’ambition de cette loi en mettant les enjeux de surproduction au cœur du texte », insistent les deux ONG. Selon elles, et d’après un rapport de 2018 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la fabrication et le transport des produits électroniques et textiles sont responsables d’un quart des émissions de gaz à effet de serre.

En contact avec la CGT de la société Amazon, ils veulent aussi dénoncer les conditions de travail dans ces grands centres logistiques, ainsi que la destruction des emplois, notamment dans les commerces locaux, que représente le développement de zones commerciales et d’entrepôts en périphérie des villes.

La direction d’Amazon, elle, réfute ces critiques, que ce soit sur le volet environnemental ou sur les questions sociales. Elle considère ainsi que les propos du député (La République en marche) de Paris Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’Etat au numérique – il a accusé la société, dans une note publiée le 22 novembre, de détruire plus d’emplois qu’elle ne prétend en créer –, sont faux.

« Un système qui marche sur la tête »

« Nous avons créé directement 1 500 emplois en CDI [contrat à durée indéterminée] en 2017, 2 000 en 2018 et 1 800 en 2019, et nous avons, en quatre ans, multiplié par trois nos effectifs en France, preuve de l’engagement pérenne d’Amazon sur le territoire », a expliqué au Monde Julie Valette, porte-parole de la société. Des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité, selon M. Mahjoubi qui affirme que « quand Amazon crée un emploi en France, le commerce de proximité en perd 2,2 ».

S’agissant des critiques écologiques, Amazon estime que toutes sont « simplement fausses ». La société met en avant « des engagements ambitieux pris dans le cadre du plan The Climate Pledge [présenté fin septembre à New York par le PDG de la société Jeff Bezos] visant à devenir une entreprise zéro carbone d’ici à 2040, soit dix ans avant l’objectif prévu par l’accord de Paris de décembre 2015 », assure Julie Valette. L’entreprise vante aussi sa politique de développement durable avec des « programmes innovants », tels que « déballer sans s’énerver » ou « expédier dans l’emballage d’origine ».

Aucun de ces arguments ne convaincra les associations mobilisées pour le climat et l’environnement qui rappellent que « pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 °C à la fin du siècle, il faudrait réduire par dix, d’ici à 2030, les mises sur le marché de produits textiles ou environ par trois celles des produits électroniques ».

 

« Amazon est le symbole d’un système qui marche sur la tête. Mais si cette société est grandement responsable de la crise environnementale, les consommateurs ont aussi leur part de responsabilité. Ce qui n’est pas consommé n’est pas produit », affirme Christine Traxoler, dessinatrice de presse, qui participait à l’action de ce jeudi. Et de prôner la décroissance pour ceux qui ont trop, une consommation locale et « la plus écologique possible ».

« Consommer moins mais mieux »

Trois heures après leur arrivée devant le site d’Amazon, les militants ont été évacués par la police. Jeudi soir, huit d’entre eux étaient en garde à vue, pour « entrave à la liberté de circuler » et « organisation d’une manifestation non déclarée », précisait la commissaire d’Arpajon, présente sur les lieux. L’accès était libéré pour les poids lourds en attente de décharger ou de charger les marchandises tant attendues pour le Black Friday.

Le vendredi de cette journée d’hyperconsommation – elle dure en fait tout le week-end – sera aussi perturbé par des manifestations, à nouveau contre Amazon. Le siège de la société, à Clichy (Hauts-de-Seine) devrait être occupé, dès le début de la matinée, par une centaine de militants d’Attac, des Amis de la Terre, d’ANV-COP21, avec des représentants du DAL (Droit au logement), de la CGT et de Solidaires, ainsi que des députés de La France insoumise, du Parti communiste ou encore d’Europe Ecologie-Les Verts. Le but de cette action est de transformer le siège d’Amazon en librairie.

Dans la journée encore, Youth for Climate, ainsi qu’Extinction Rebellion, ont prévu des mobilisations dans de nombreuses villes, qui devraient prendre pour cibles les lieux de consommation, vecteurs de « soldes et de dépenses inutiles ». Le réseau, à l’origine des grèves scolaires qui se sont déroulées à l’automne 2018 et encore en 2019, réclame notamment « l’interdiction de construction de centres commerciaux de plus de 5 000 mètres carrés de surface utile ».

Enfin, 500 sociétés regroupées dans un mouvement Make Friday Green Again (créé à l’initiative de la marque de vêtements et de chaussures Faguo), dont Naturalia, Nature et découvertes, Camif.fr et de nombreuses jeunes griffes de mode… ont décidé de boycotter ce vendredi d’affaires. « Consommer moins mais mieux » est leur slogan, rejoignant ainsi les mobilisations des ONG.

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