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Jours tranquilles à Paris
7 avril 2020

Boris Johnson hospitalisé, le Royaume-Uni en petite forme

boris22

Par Sonia Delesalle-Stolper, Correspondante à Londres —  LIBERATION

Les interrogations autour de l’hospitalisation du Premier ministre et de sa capacité à gouverner se multiplient dans un contexte où l’absence de stratégie claire face à l’épidémie est de plus en plus criante.

Sur la rive sud de la Tamise, au coin du pont de Westminster, St Thomas’Hospital est un rectangle massif construit dans les années 70. S’il est en état de regarder par la fenêtre de sa chambre, Boris Johnson peut contempler le Parlement, juste en face, de l’autre côté du fleuve. A moins de 300 mètres se trouvent Downing Street et l’appartement, au numéro 11, où il était reclus depuis dix jours avant son admission à l’hôpital dimanche soir.

«Nuit confortable».

L’état de santé réel de Boris Johnson, testé positif au Covid-19 il y a onze jours, interroge de plus en plus alors que le pays est aux prises avec une crise historique. Selon les scientifiques, le pic de l’épidémie devrait toucher le Royaume-Uni d’ici sept à dix jours. Aux inquiétudes autour de la santé du Premier ministre et de sa capacité à gouverner depuis un lit d’hôpital, se greffe un sentiment global de confusion concernant la stratégie du gouvernement, le tout sur fond d’escarmouches entre les différents ministres encore en bonne santé.

Le Premier ministre est «plus que jamais aux commandes du gouvernement», a voulu rassurer lundi matin sur tous les médias Robert Jenrick, ministre au Logement. Mais quelques minutes plus tard, Downing Street précisait que Boris Johnson resterait «hospitalisé le temps qu’il faudra», avant d’ajouter qu’il avait passé «une nuit confortable». Le porte-parole annonçait aussi l’annulation pure et simple de la réunion hebdomadaire du cabinet, qui rassemble chaque mardi les 26 principaux ministres autour du chef du gouvernement. Dans un tweet publié en début d’après-midi lundi, Boris Johnson a indiqué qu’il avait «bon moral» et restait «en contact avec [s] on équipe alors que nous luttons ensemble contre ce virus».

Lundi matin, la réunion quotidienne de crise sur la gestion de l’épidémie de Covid-19 a été présidée par le ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab. Constitutionnellement, sa position de First Secretary of State le désigne pour assurer les affaires courantes lorsque le Premier ministre est dans l’incapacité de le faire. A ses côtés opère Mark Sedwill, secrétaire général du gouvernement et, à ce titre, plus haut fonctionnaire du pays. Depuis plusieurs jours, les rumeurs abondent sur une mésentente entre ces deux personnages mais aussi entre le ministre de la Santé, Matt Hancock, et le ministre d’Etat Michael Gove, en charge de la bonne marche du gouvernement.

Officiellement, Boris Johnson a été hospitalisé peu après 20 heures dimanche, juste au moment où l’adresse exceptionnelle à la nation de la reine Elizabeth II était diffusée. Il a été conduit en voiture et non en ambulance à l’hôpital, sur recommandations de ses médecins, inquiets de voir ses symptômes persister après dix jours d’isolement.

Il souffrait notamment toujours d’une «forte fièvre et d’une toux», a indiqué Downing Street. Selon le Times, il aurait reçu de l’oxygène à son arrivée à St Thomas’Hospital, avant de subir une batterie d’examens, dont Downing Street n’a pas précisé la teneur.

Silhouette.

L’agence de presse russe RIA Novosti avait affirmé dimanche soir que le Premier ministre avait été intubé et placé sous respirateur artificiel, ce qui a été catégoriquement démenti par Downing Street. «Si ses symptômes ne se sont pas améliorés, ils ne se sont pas non plus aggravés», a précisé le porte-parole.

Boris Johnson, qui jouit en général plutôt d’une bonne santé, était apparu en public la dernière fois jeudi soir à 20 heures. Silhouette solitaire, il était sorti dans la nuit sur le seuil de Downing Street pour applaudir les personnels de santé, comme dans le reste du pays. Vendredi, une courte vidéo sur Twitter le montrait les traits tirés et le souffle court. Il y annonçait qu’il restait en quarantaine car il souffrait de symptômes persistants, «notamment de la fièvre». Dimanche, le Sunday Times faisait mention de réunions par visioconférence avec des ministres et conseillers la semaine précédente, entrecoupées de violentes quintes de toux du Premier ministre.

Le gouvernement britannique a été touché au cœur par l’épidémie de Covid-19. Outre Boris Johnson, son conseiller spécial Dominic Cummings, trois autres conseillers et le conseiller médical en chef, Chris Whitty, se sont isolés après avoir développé des symptômes du virus. Le ministre de la Santé, Matt Hancock, avait annoncé être positif exactement en même temps que Boris Johnson, mais s’est remis plus vite. Depuis trois jours, il est de retour en première ligne et mène les conférences de presse quotidiennes sur l’épidémie. Mais l’impression de confusion domine. La stratégie gouvernementale a déjà évolué brutalement, après de violentes critiques sur un important retard pris au début de l’épidémie, notamment autour de l’idée de laisser se développer une immunité collective. Des annonces contradictoires se suivent, ajoutant au sentiment que personne n’est réellement aux commandes.

Phare.

Il y a deux semaines, le ministre de la Santé avait ainsi annoncé en fanfare que 3,5 millions de tests anticorps, permettant d’établir qui est immunisé contre le Covid-19 après une infection, étaient sur le point d’être mis à disposition des personnels de santé. John Newton, tout juste nommé par le gouvernement pour superviser la question des tests, a révélé lundi dans le Times qu’aucun des tests en cours d’évaluation n’était fiable et qu’il faudrait sans doute plusieurs mois avant d’en mettre au point un qui le soit.

Dimanche soir, posée et calme, la reine Elizabeth II a emprunté les mots d’une chanson célèbre de Dame Vera Lynn, 103 ans et vedette pendant la Seconde Guerre mondiale : «Nous nous reverrons», a promis la reine, seul phare rassurant du moment au Royaume-Uni.

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