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Jours tranquilles à Paris
12 mai 2020

Coronavirus : le confinement a eu un fort impact sur la mobilité en France

Par Paul Benkimoun

Une étude de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique montre que la diminution des déplacements a été plus marquée là où l’épidémie était la plus forte.

Le confinement auquel la France a été soumise depuis le 17 mars a globalement réduit la mobilité de la population de 65 %, mais avec des disparités entre les 13 régions métropolitaines. La diminution des déplacements a été plus marquée là où l’épidémie était la plus forte, indique une modélisation de chercheurs de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Iplesp, Inserm, Sorbonne Université) mise en ligne lundi 11 mai. L’« exode » des Parisiens vers la Normandie ou la façade atlantique ne paraît pas avoir essaimé le virus dans ces régions, confinées elles aussi ; mais avec le début du déconfinement, les retours pourraient intensifier la circulation du virus.

Les modélisations des déplacements de population, s’appuyant sur des données de téléphonie mobile anonymisées d’Orange, permettent de savoir comment les individus se comportent lors d’un confinement. De telles études ont été menées lors de l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone en 2015, et dans le contexte de l’actuelle pandémie de Covid-19 en Allemagne, en Belgique, en Espagne, aux Etats-Unis, en Inde, en Italie, en Pologne ou au Royaume-Uni. La modélisation de l’équipe Inserm dirigée par Vittoria Colizza est la première à documenter la situation en France.

« Nous nous attendions à mettre en évidence une réduction de la mobilité, attestant de l’impact du confinement, mais nous n’avions aucune idée préalable de son ampleur, du degré d’hétérogénéité entre les régions ou des différences suivant le moment de la journée, souligne Eugenio Valdano, chercheur postdoctoral à l’Iplesp et l’un des deux auteurs principaux de l’étude. Nous n’anticipions pas la découverte d’une diminution significative de la mobilité au cours de la période de transition entre les premières annonces sur la fermeture des écoles, le 12 mars, et celles faites le 16 mars par Emmanuel Macron informant du début du confinement le lendemain à midi. »

La baisse du nombre de voyages a effectivement précédé de près d’une semaine l’entrée en vigueur des mesures les plus strictes, chutant de 60 millions à 20 millions de déplacements par jour. Ce qui témoigne d’une anticipation par une partie de la population des restrictions à venir, à la lumière de celles déjà mises en œuvre en Italie, en Espagne et en Autriche. L’analyse régionale pendant la période de transition retrouve des pics de circulation allant de Paris vers la Normandie et la Bretagne, ainsi qu’un trafic routier inhabituellement élevé dans le sens de la sortie à Paris et dans l’ouest de l’Ile-de-France. Il en va de même pour les déplacements dans les deux sens dans le Sud-Est, à proximité des Alpes.

Très forte chute aux heures de pointe

L’étude met en lumière des différences entre les régions pendant le confinement : l’Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, le Grand-Est et Provence-Alpes-Côte d’Azur présentent une réduction du trafic interne supérieure à la moyenne. A l’inverse, la Bourgogne-Franche-Comté, le Centre-Val de Loire et la Normandie ont connu une baisse notablement moindre que la moyenne de 65 %. La diminution du trafic centrifuge a été particulièrement prononcée dans les Hauts-de-France, le Grand-Est et surtout en Ile-de-France, où elle a atteint 80 %. La Corse a connu une diminution comparable à celle de l’Ile-de-France.

Le trafic au départ des grandes villes a baissé plus fortement à Paris, Bordeaux et Nice (80 %) qu’à Strabourg et Lille (60 %). Le confinement a affecté par ailleurs les connexions entre les grandes villes : les flux se sont taris au départ de Bordeaux, Montpellier et Nantes vers Lyon, ou de Montpelllier vers Strasbourg.

Plus généralement, la réduction des déplacements a été plus marquée s’agissant des voyages de plus de 100 km. Un effet des mesures de restriction des voyages en train et en avion, ainsi que des déplacements liés aux loisirs. Si la diminution de l’ensemble des voyages n’a pas varié selon les classes d’âge (jeunes, adultes, seniors), elle a augmenté avec l’âge pour les déplacements de plus de 100 km. Elle a varié également selon le moment dans la journée, la plus forte chute (75 %) portant sur les voyages aux heures de pointe, en raison à la fois la fermeture des écoles et du recours au télétravail.

« Eclairer les choix futurs »

Devant les preuves croissantes du rôle majeur des transports en commun dans la propagation du virus, les auteurs de l’étude insistent sur le rôle accru des restrictions à la mobilité dans la lutte contre l’épidémie. Les chercheurs de l’Inserm observent plusieurs associations d’intensités diverses. La réduction des déplacements est le plus fortement associée à la tranche d’âge 25-59 ans, celle de la population la plus active. Elle est modérément influencée par le niveau socio-économique de la région, du fait que le télétravail est plus praticable pour les salaires élevés que pour les bas salaires, et que les couches les plus aisées peuvent davantage se permettre de ne pas travailler pour éviter les contacts.

L’importance de l’activité épidémique dans la région, ici reflétée par le nombre d’hospitalisations pour Covid-19, est corrélée à l’ampleur de la baisse de la mobilité la semaine suivante. La baisse de la mobilité régionale a été la plus soutenue dans les régions les plus touchées par le virus, avec une réduction de 1 % pour chaque dizaine de cas supplémentaires hospitalisés par tranche de 100 000 habitants.

« Si les différences entre les sources de données et les indicateurs choisis pour la mobilité ne permettent pas une comparaison chiffrée rigoureuse, les résultats de notre modélisation montrent un impact analogue à celui qui a été estimé en Italie, en Espagne et en Belgique, commente Eugenio Valdano. Notre étude nous permet de comprendre ce qui s’est passé pendant le confinement et peut aider à éclairer les choix qui seront faits dans un futur proche. »

« AU COURS DE LA SORTIE DU CONFINEMENT, ALORS QUE LA MOBILITÉ AUGMENTE, IL POURRAIT Y AVOIR DES ÉVÉNEMENTS ENTRAÎNANT UNE DIFFUSION DU VIRUS », MET EN GARDE EUGENIO VALDANO

Les modifications de comportement dans la période de transition qui a précédé le confinement montrent, selon le chercheur, que le choix du moment où des annonces sont faites est important car il modifie les dynamiques sociales. Le déplacement massif d’habitants de Paris et de l’Ile-de France vers la Normandie et la façade atlantique n’a pas engendré de foyers épidémiques dans ces régions, en raison du confinement dur qui régnait sur tout le territoire. « Au cours de la sortie du confinement, si les mesures de distanciation sociale ne sont pas bien appliquées alors que la mobilité augmente, il pourrait y avoir des événements entraînant une diffusion du virus et de nouvelles chaînes de transmission », met en garde Eugenio Valdano.

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