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Jours tranquilles à Paris
27 mai 2020

La monarchie remise en cause

juan

Les affaires ont miné l’attachement des Espagnols à la couronne

Si le Covid-19 n’avait pas sévi, une grande « consultation populaire » aurait dû se tenir le 9 mai en Espagne, organisée par la Plate-forme étatique monarchie ou république, un collectif de 67 organisations politiques et associations républicaines. La crise sanitaire a repoussé ce référendum citoyen à l’automne. « Après la dictature, on nous a fait croire que la démocratie allait de pair avec la monarchie. Aujourd’hui, beaucoup de gens sont prêts à ouvrir le débat de la république, assure José Manuel Garcia, porte-parole de la Plate-forme, où figurent la Gauche unie (IU, néocommunistes), la branche anticapitaliste de Podemos et Rebeldia, les jeunesses de la gauche radicale. Les scandales et la corruption font pencher la balance, mais pas seulement. Chez les jeunes, le fait que le chef de l’Etat le soit par sa naissance est incompréhensible… »

Selon un sondage Electomania du 14 avril, 62,3 % des Espagnols seraient favorables à la tenue d’un référendum : la monarchie obtiendrait 47,5 % des voix, contre 47 % en faveur de la république. Un autre sondage, paru le 6 mai sur le site d’information de gauche Publico, a donné à la république la majorité absolue : 51,6 % des voix, contre 34,6 % pour la monarchie. Le Centre de recherches sociologiques, l’institut de sondage officiel espagnol, en revanche, ne demande plus l’opinion des Espagnols sur la monarchie depuis avril 2015. A cette date, la note de confiance envers l’institution royale n’affichait que 4,34 sur 10.

« La monarchie divise de plus en plus : les jeunes ne l’associent plus au rôle de Juan Carlos dans l’implantation de la démocratie et, dans les territoires où le nationalisme régional est fort, elle est perçue centraliste et à droite », résume Pablo Simon, professeur de science politique à l’université Carlos-III. En 2018, le Parlement régional catalan, à majorité indépendantiste, a voté la réprobation de Felipe VI, et plusieurs mairies séparatistes l’ont déclaré persona non grata du fait de son discours ferme visant à mettre fin à la tentative de sécession d’octobre 2017.

Boîte de Pandore

Au moment du scandale sur les enregistrements d’une ex-amie de l’ancien roi Juan Carlos, le Parlement régional de Navarre a approuvé une déclaration institutionnelle exigeant la tenue d’un référendum contraignant pour trancher entre monarchie et république. Et en mars, en plein scandale sur la fortune de ce même Juan Carlos, des élus de Podemos ont demandé sur Twitter « abdication et référendum ». Le 14 avril, jour anniversaire de la Seconde République de 1931, le vice-président du gouvernement de coalition entre Unidas Podemos et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), Pablo Iglesias, leader de la gauche radicale, a rendu hommage aux « compatriotes qui ont imaginé un pays, une république, où personne ne serait plus qu’un autre ».

« En Espagne, il n’y a pas de véritables monarchistes, rappelle le journaliste Jaime Peñafiel, fin connaisseur de la famille royale. Il y avait des juan-carlistes, mais je ne pense pas qu’il y ait des félipistes. La chance de la monarchie est qu’elle reste un symbole de stabilité et d’unité du royaume ; son principal problème, c’est que l’Espagne est le seul royaume gouverné par des communistes », ajoute-t-il, en référence à Unidas Podemos. Pablo Simon estime au contraire que « le fait que Podemos, qui remettait en cause le système, soit rentré dedans a fait disparaître le débat sur la réforme de la Constitution ».

Quant aux principaux partis, ils ne veulent pas ouvrir la boîte de Pandore du débat sur la monarchie. Ainsi, le PSOE, le Parti populaire (PP, droite), Ciudadanos (libéraux) ou Vox (extrême droite) ont bloqué à plusieurs reprises l’ouverture d’une enquête parlementaire sur Juan Carlos. « Dire que la princesse Leonor [14 ans] sera la prochaine reine, c’est beaucoup s’avancer, estime cependant M. Peñafiel. La monarchie est une institution médiévale arrivée jusqu’à nos jours par miracle, qui ne se maintient que si elle est exemplaire. Or, la monarchie espagnole ne l’a pas été… »

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