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Jours tranquilles à Paris
7 août 2020

Espagne - "Au milieu d'un tourbillon médiatique", Juan Carlos Ier choisit l'exil

juan carlos

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Soupçonné de corruption, l’ancien roi d’Espagne, qui avait abdiqué en 2014 après trente-neuf années de règne, a annoncé qu’il quittait le pays. Il laisse à son fils Felipe le soin de restaurer l’image d’une monarchie marquée par une série de scandales.

L’information fait logiquement la une de toute la presse espagnole. “Juan Carlos Ier quitte l’Espagne”, titrent en substance les grands journaux du pays. Soupçonné de corruption, au cœur d’une enquête de la Cour suprême, l’ancien souverain – il a abdiqué en 2014 - a informé son fils Felipe VI de sa “décision de s’exiler” dans une lettre publiée lundi sur le site officiel de la monarchie. Il s’y dit “guidé par la conviction de rendre le meilleur service aux Espagnols, à leurs institutions et à toi, en tant que Roi”.

Un éditorial d’El Pais estime que “le roi émérite quitte l’Espagne pour empêcher ses affaires personnelles d’affecter la monarchie”. Le rôle de Juan Carlos dans l’attribution du marché du TGV de la Mecque à un groupe espagnol pose question. La Cour suprême cherche à savoir s’il a touché une rétrocommission. L’avocat de l’ex-chef d’Etat a fait savoir qu’il restait à disposition de la justice même s’il se trouverait déjà hors d’Espagne d’après 20 Minutos.

Pour le journal de droite El Mundo, pas de doute, il s’agit d’un “geste douloureux en défense de la Couronne”. Le quotidien considère que le gouvernement socialiste actuel a fait pression sur Felipe pour que son père quitte le palais de la Zarzuela. “Don Juan Carlos a facilité les choses pour son fils et successeur en acceptant avec sérénité le départ de la résidence qu’il occupe depuis 1960”, salue El Mundo. Et si le choix était si “douloureux”, c’est parce que Juan Carlos et les siens ont déjà connu “la déchirure de l’exil” après l’avènement de la Seconde République en 1931.

Où est-il parti ?, se demande La Vanguardia. “Pour le moment, nous l’ignorons”, répond le journal. “L’important est qu’il résidera en dehors de l’Espagne. Cela ressemble à un exil. Volontaire ou forcé par les circonstances, mais c’est un autre roi qui se met en route vers l’exil”, semble regretter le titre catalan.

Sans surprise, Publico, une parution classée à gauche, fait preuve de moins d’indulgence vis-à-vis de Juan Carlos. Il a “fui” l’Espagne, “acculé par la justice” alors que “de nombreux détails sur sa fortune opaque continuent à voir le jour”. Le site rappelle qu’il est le seul monarque européen impliqué dans une affaire de corruption, évoquant une somme de 100 millions de dollars “donnée” par l’Arabie Saoudite et dissimulée au fisc espagnol.

Quelle image garder de celui qui a guidé l’Espagne sur le chemin de la démocratie ?

Même les médias  favorables à la monarchie ne nient pas les écarts de sa fin de règne. “L’être humain est faillible”, admet le conservateur ABC. “À 82 ans, le roi Juan Carlos est devenu un personnage à deux visages”, un homme d’État qui “a aidé l’Espagne à marcher sur la voie des libertés d’une démocratie parlementaire” et un leader parti chasser l’éléphant au Botswana alors que son peuple faisait face à une crise économique profonde en 2012.

Le retour de la monarchie en 1975 et son rôle dans la période qui a suivi la dictature de Franco, voilà sur quoi insiste l’éditorial de La Razon. “Pour ceux qui ont vécu ces années fébriles (…), il y a peu à expliquer sur le travail décisif de Don Juan Carlos. Aux nouvelles générations, nées dans la liberté et donc moins conscientes de sa valeur et de l’effort continu que sa défense exige, il suffira de rappeler que le vieux Roi, aujourd’hui cible d’insultes et de calomnies, a affronté tous les obstacles que les forces du passé, fortes et nombreuses, ont dressés contre l’ambition de faire de l’Espagne une nation libre”, peut-on lire dans le journal royaliste.

Alors El Pais s’intéresse à ce qu’il appelle “l’avenir du passé”. Difficile de juger la place dans l’histoire de l’ancien roi d’Espagne quand il se trouve “au milieu d’un tourbillon médiatique”. Mais le fait qu’il ait abdiqué, que son fils ait préféré renoncer à son héritage et qu’il quitte aujourd’hui le pays ne plaide pas en faveur de la présomption d’innocence, souligne le quotidien madrilène. “Dans quelle mesure ce présent, si plein de bruit et de fureur, peut-il fausser notre perception même du rôle que Don Juan Carlos a joué dans le passé, et comment il affectera l’avenir de la Couronne”, interroge El Pais.

El Mundo ne s’attend pas par exemple à ce que le geste “déchirant” du roi émérite “n’arrête dans leur croisade tous ceux qui ciblent la monarchie”. Même analyse pour La Razon qui met en cause “les secteurs les plus radicaux de la vie politique espagnole, ceux qui cherchent avec ardeur à briser l’unité de la Nation et à mettre fin à la monarchie parlementaire”.

Cette monarchie parlementaire est désormais incarnée par Felipe, soucieux de rétablir l’exemplarité et l’image du royaume dès son arrivée sur le trône en 2014. En mars dernier, il a notamment décidé de suspendre l’allocation de 200 000 euros annuels accordée à son père. La Vanguardia voit dans le “dernier exil” de Juan Carlos une décision de son fils. Felipe VI “devait aller plus loin : il devait démontrer qu’il n’avait rien à voir avec ces affaires privées”.

juan

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