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Jours tranquilles à Paris
30 mai 2020

Climat - D’où viennent les émissions de gaz à effet de serre ?

gaz effet de serre

GRIST (SEATTLE)

Le confinement a permis de faire baisser la pollution atmosphérique et de redécouvrir le bleu du ciel dans certaines villes. S’il a également entraîné une diminution des émissions de CO2, celle-ci est loin d’être suffisante pour inverser la tendance au réchauffement de la planète.

Alors que dans les villes les piétons ont pris possession des rues, que les gens ont presque complètement cessé de prendre l’avion et que le ciel est bleu (même à Los Angeles !) pour la première fois depuis des décennies, les émissions mondiales de CO2 sont en passe de chuter de… 5,5 % [selon Carbon Brief spécialisé dans le climat et les politiques énergétiques].

Attendez ! Quoi ? Même si l’économie mondiale est presque au point mort, l’analyse la plus optimiste indique que le monde devrait continuer à libérer 95 % du dioxyde de carbone émis au cours d’une année classique, continuant de ce fait à réchauffer la planète et à provoquer le changement climatique, alors même que nous sommes coincés chez nous !

Cette baisse de 5,5 % des émissions de dioxyde de carbone pourrait néanmoins constituer la plus importante variation annuelle jamais enregistrée, plus importante encore que celles liées à la crise financière de 2008 ou à la Seconde Guerre mondiale. Une question mérite quand même d’être posée : si en suspendant quasiment tous les déplacements et les transports, on n’arrive pas à freiner le changement climatique, que peut-on faire ?

“Je pense que le principal problème, c’est que les gens se focalisent beaucoup trop sur leur empreinte personnelle et sur le fait de prendre l’avion ou pas, sans s’occuper vraiment des facteurs structurels, qui sont, en fait, à l’origine de la hausse des niveaux de dioxyde de carbone”, souligne Gavin Schmidt, climatologue, directeur de l’Institut Goddard d’études spatiales de la Nasa, à New York.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, le transport représente un peu plus de 20 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone (près de 28 % aux États-Unis). C’est une part importante, mais cela signifie également que même si tous les déplacements étaient décarbonés (en imaginant un système combinant des trains à alimentation électrique issue d’énergies renouvelables, des véhicules électriques pour les particuliers et des avions fonctionnant avec des batteries), 80 % des émissions de combustibles fossiles continueraient de partir dans les airs.

Alors, d’où proviennent donc toutes ces émissions ? Remarquons tout d’abord que les fournisseurs d’énergie produisent toujours à peu près la même quantité d’électricité, laquelle est simplement aujourd’hui davantage acheminée vers les logements que vers les lieux de travail. L’électricité [issue des centrales à charbon, notamment] et le chauffage représentent plus de 40 % des émissions mondiales à eux deux. De nombreux habitants de la planète dépendent du bois, du charbon ou du gaz naturel pour chauffer leur maison et faire la cuisine ; de plus, en bien des endroits, l’électricité n’est pas verte non plus.

L’électricité provient encore beaucoup du charbon

Même avec une proportion plus importante de la population mondiale en télétravail, les gens ont toujours besoin du réseau électrique pour éclairer leur logement et se connecter à Internet. “On observe un basculement des locaux de bureaux vers ceux d’habitation, mais sans arrêt de la production, qui provient toujours en grande partie de combustibles fossiles”, explique Gavin Schmidt. Aux États-Unis, 60 % de la production d’électricité est encore issue du charbon, du pétrole et du gaz naturel [dont la combustion émet des gaz à effet de serre (GES) responsable du réchauffement de la planète]. Il semblerait toutefois que le confinement ait changé les horaires d’utilisation de l’électricité par les ménages, ce qui n’est pas sans conséquence pour les énergies renouvelables.

L’industrie manufacturière, la construction et d’autres secteurs industriels sont, quant à eux, responsables d’environ 20 % des émissions de CO2. Certains processus industriels tels que la production d’acier et la fonte d’aluminium utilisent d’énormes quantités de combustibles fossiles, et, jusqu’à présent, ils ont pu poursuivre dans l’ensemble leur activité malgré la pandémie, selon le climatologue.

En fait, il faudrait réduire les émissions de 7,6 % chaque année pour empêcher le réchauffement du globe de dépasser les 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, un seuil associé aux menaces climatiques les plus dangereuses, selon une analyse du Programme des Nations unies pour l’environnement. Quand bien même le confinement et la récession économique au niveau mondial entraîneraient cette année une réduction des émissions de 7,6 %, il faudrait qu’elles diminuent encore plus l’année prochaine, et encore plus l’année suivante, et ainsi de suite…

En pleine pandémie, on a souvent montré le ciel dégagé de Los Angeles et les eaux plus propres de Venise pour prouver que tout un chacun pouvait faire changer les choses en matière de changement climatique. “Les photos de Los Angeles, devenues emblématiques ces derniers temps, montrant des vues de la ville sous un beau ciel clair sans son habituel voile de brouillard de pollution, fournissent des preuves involontaires, mais très convaincantes, de ce qui se passe lorsqu’on cesse de conduire des véhicules polluants”, écrit Michael Grunwald dans le magazine Politico.

Comme une baignoire qui fuit

Cependant, ce type d’argumentation confond la pollution de l’air et de l’eau – une question environnementale qui n’en est pas moins cruciale – avec les émissions de CO2. Le dioxyde de carbone est invisible, et les centrales électriques et les raffineries de pétrole en rejettent toujours dans l’atmosphère, tandis que les compagnies de gaz naturel et les élevages (avec leurs vaches qui rotent !) continuent de libérer du méthane [le gaz à l’effet de serre le plus puissant].

“Les gens devraient faire du vélo plutôt que de se déplacer en voiture, prendre le train plutôt que l’avion, insiste Gavin Schmidt, mais ce sont des détails, comparé aux grands facteurs structurels, qui n’ont pas changé.”

Il faut se mettre en tête qu’un plongeon des émissions de GES ne changera rien pour ce qui est de la tendance au réchauffement de la terre. Certains scientifiques comparent le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère à de l’eau coulant dans une baignoire qui fuit. Le confinement a fermé un peu le robinet, mais pas complètement. Tant que nous n’aurons pas réduit à zéro les émissions nettes – de sorte que celles qui entrent dans l’atmosphère soient équivalentes à celles qui en sortent –, la terre continuera de se réchauffer.

Voilà qui explique notamment pourquoi 2020 est bien partie pour être l’année la plus chaude jamais enregistrée, plus encore que 2016. Ironie de l’histoire : elle pourrait même être encore plus étouffante à cause de la diminution de la pollution atmosphérique. Selon les explications de Veerabhadran Ramanathan, professeur à l’institut d’océanographie Scripps de l’université de Californie, à San Diego, de nombreuses particules polluantes ont un effet “masquant” sur le réchauffement, car elles réfléchissent les rayons du soleil et suppriment ainsi une partie du réchauffement dû aux émissions de GES. Suite à la disparition de ce bouclier de pollution, “nous pourrions constater une augmentation du réchauffement”, dit le spécialiste.

Profitez donc du ciel plus bleu et de l’air plus respirable tant que vous le pouvez ! Mais la baisse des émissions de CO2 du fait de la pandémie, loin de nous donner une raison de nous réjouir, devrait être considérée comme un avertissement : le signe de l’ampleur de la tâche à accomplir…

Shannon Osaka

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