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Jours tranquilles à Paris
13 août 2020

La victoire revendiquée par Poutine dans la course au vaccin contre le Covid-19 laisse les scientifiques sceptiques

poutine vaccin01

Le président russe s’est félicité, mardi, de l’enregistrement d’un vaccin. Mais celui-ci, développé selon des protocoles douteux, est encore en phase de tests.

Dans la course effrénée au vaccin contre le Covid-19, le Kremlin veut imposer l’idée que la Russie est en première position. Vladimir Poutine a affirmé lors d’une visioconférence diffusée à la télévision russe, mardi 11 août en milieu de journée, que la Russie se trouvait en position de devancer les Etats engagés dans la course au vaccin anti-Covid-19. « Ce matin, pour la première fois au monde, un vaccin contre le nouveau coronavirus a été enregistré. (…) Je sais qu’il est assez efficace, qu’il donne une immunité durable », a déclaré le chef d’Etat russe, toujours partiellement confiné dans sa résidence de Novo-Ogaryovo en banlieue de Moscou.

Une liste de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classait pourtant encore, lundi, les travaux russes en phase d’essais préliminaires, tandis que les tests de laboratoires tels que Pfizer ou AstraZeneca mais aussi de concurrents chinois comme Sinovac sont classés en phase 3, impliquant un large échantillon de population. Mercredi, le vaccin moscovite, toujours en concurrence avec un autre institut de Sibérie, devrait entrer, lui aussi, dans cette phase de test à plus grande échelle. « Il n’y a pas de données connues concernant la qualité, l’efficacité et la sécurité du vaccin russe », a temporisé une porte-parole du ministère de la santé allemand.

Moscou affiche son objectif : un milliard de doses précommandées à livrer dans vingt pays à partir de janvier 2021. Trois entreprises biomédicales ont été chargées par les autorités russes de débuter une production industrielle dès septembre. Pour appuyer son propos, le président russe a affirmé qu’une de ses filles avait fait l’expérience de ce nouveau vaccin nommé « Spoutnik V ».

« Après la première injection, sa température est montée à 38 °C, le lendemain, elle est redescendue à 37 °C. Après sa deuxième injection, sa température a légèrement augmenté et depuis tout va bien », s’est-il félicité. « D’après nos résultats, le vaccin fait preuve d’une efficacité et d’une sécurité élevées. Tous les volontaires ont développé des niveaux élevés d’anticorps Covid-19 et, dans le même temps, aucun d’entre eux n’a présenté de complications graves », a complété Mikhail Murashko, ministre de la santé.

Réserve de cobayes

En liaison avec le président, le ministre a listé les services ayant participé à la conception du vaccin dirigée par le laboratoire de recherche en épidémiologie et microbiologie Nikolaï Gamaleïa. Parmi eux, plusieurs hôpitaux militaires rappellent que les tests se sont déroulés de façon assez peu conventionnelle. Afin d’accélérer le processus, ce sont une cinquantaine de soldats qui se sont portés volontaires pour tenter l’expérience dès le 18 juin. Objectif : obtenir un vaccin avant une éventuelle seconde vague.

Quelques jours plus tard, un second groupe composé de civils a accepté de servir de cobaye. En mai, plusieurs chercheurs impliqués dans la conception du vaccin étaient même allés jusqu’à s’injecter leur trouvaille pour accélérer le processus. Une méthode hors des protocoles habituels qui avait sidéré les chercheurs européens et poussé l’OMS à garder un œil sur les expérimentations russes. Ces derniers jours, l’organisation a notamment rappelé la Russie au « respect de lignes directrices et de directives claires en matière de développement de ce type de produit ». Un porte-parole de l’OMS, Christian Lindmeier, a par ailleurs souligné qu’entre « trouver ou avoir la possibilité d’avoir un vaccin qui fonctionne et avoir franchi toutes les étapes il y a une grande différence ».

En avril, l’agence américaine Bloomberg affirmait qu’une certaine élite russe avait eu accès à un « vaccin expérimental » de la part du même institut Gamaleïa. Ces hommes d’affaires et politiciens avaient déjà été moqués quelques semaines plus tôt lorsque le Moscow Times avait découvert qu’ils s’étaient empressés de stocker des respirateurs artificiels chez eux avant l’arrivée de la première vague…

Cette course du Kremlin a d’autant plus tendance à pousser les Russes à la méfiance que les autorités ne font pas mystère du caractère politique de leurs recherches. « Nous serons devant les Etats-Unis, devant le monde entier, notre vaccin sera le premier vaccin homologué », fanfaronnait il y a dix jours, Kirill Dmitriev, président du fonds souverain, engagé dans le développement du vaccin.

Craintes des scientifiques

Un soft power à l’efficacité limitée par l’ampleur du doute et des critiques qui ne viennent pas que de l’étranger. L’Association des organismes de recherche clinique russe a diffusé en ligne, lundi, une lettre au vitriol à destination du ministère de la santé :

« Nombre des expériences audacieuses menées sur les pionniers des vaccins ne seraient approuvées par aucun comité d’éthique aujourd’hui. La volonté d’achever le développement d’un vaccin contre le Covid-19 dès que possible est considérée par notre association comme une relique du paradigme héroïque caractéristique de l’époque des pionniers de la vaccination. Sauf que la médecine moderne adhère à des normes qui réduisent les risques pour l’homme. »

Parmi les craintes de ces scientifiques, la volonté du Kremlin de vacciner en priorité les personnes âgées :

« Il n’y a, à ce jour, aucune donnée sur la sécurité de ce vaccin pour les personnes âgées, qui ont souvent un certain nombre de maladies concomitantes et une immunité affaiblie. »

La victoire annoncée, reste au Kremlin à convaincre les Russes de l’efficacité et de la non-dangerosité de son vaccin.

poutine vaccin

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