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Jours tranquilles à Paris
17 août 2020

Coronavirus : Macron et le gouvernement face à la peur de la seconde vague

Par Cédric Pietralunga, Olivier Faye - Le Monde

Les autorités constatent une accélération croissante de la transmission du Covid-19 en France. Le nombre de patients en réanimation a augmenté ces derniers jours.

La tension monte pour Emmanuel Macron et le gouvernement à mesure qu’approche la rentrée. Depuis déjà plusieurs semaines, les autorités constatent une accélération croissante de la transmission du Covid-19 en France, faisant redouter une seconde vague de l’épidémie. 3 015 nouveaux cas en vingt-quatre heures ont été enregistrés, dimanche 16 août ; 3 310, samedi 15 août. Des seuils inédits depuis le déconfinement en mai. Le nombre de patients en réanimation (376, comme samedi) a lui aussi augmenté ces derniers jours.

« La situation est préoccupante, il y a un retournement de la tendance. Les chiffres peuvent paraître minimes mais ils sont tous en augmentation », souligne-t-on dans l’entourage du ministre de la santé, Olivier Véran. Paris et les Bouches-du-Rhône, en particulier, ont été classés en « zone de circulation active » du virus. Dès lors, la reprise d’une activité « normale » à partir de septembre, que ce soit dans les écoles ou les entreprises, représente un enjeu de taille pour l’exécutif, qui ne veut pas aggraver, d’un côté, la crise économique, mais doit, de l’autre, gérer au mieux le risque sanitaire.

Pour tenter de trouver cet équilibre, le gouvernement s’appuie sur un objet en particulier, sujet de nombreuses controverses ces derniers mois en raison de sa pénurie et des débats sur son utilité : le masque. « Le port du masque obligatoire [dans les entreprises] fera partie des propositions que nous ferons aux partenaires sociaux », a annoncé la ministre du travail, Elisabeth Borne, dans un entretien au Journal du dimanche, alors qu’une série de mesures adaptant les règles sanitaires dans les entreprises doivent être présentées, mardi 18 août, aux représentants du patronat et des syndicats. Selon certains scientifiques, près de 20 % des clusters se formeraient dans les entreprises privées. Raison pour laquelle le télétravail, a précisé Mme Borne, doit être mis en place « chaque fois que c’est possible dans les zones de circulation active du virus ».

« Le mot d’ordre, c’est l’anticipation »

Mais le masque est en passe de s’imposer aussi de manière générale à l’extérieur. La plupart des grandes villes, comme Paris, Nantes, Marseille, Le Havre, Nice ou Bordeaux, l’ont ainsi rendu obligatoire dans leurs rues ou leurs places les plus fréquentées. La liberté locale, en la matière, est le maître mot de l’exécutif, après des mois de pilotage resserré depuis la capitale. « Le mot d’ordre général, c’est l’anticipation, de tirer certains enseignements du passé et d’être plus proactifs, explique un proche d’Emmanuel Macron. Le second mot d’ordre, c’est le pragmatisme. C’est pour ça qu’il y a une approche très localisée qui consiste à laisser les maires et les préfets prendre les mesures qui s’appliquent au cas par cas. »

Si l’interdiction des rassemblements de plus 5 000 personnes a été prolongée jusqu’au 30 octobre, les préfets ont ainsi la possibilité d’y déroger, comme c’est le cas au Puy du Fou, en Vendée, où le seuil maximal a été rehaussé à 9 000 personnes pour un spectacle le 15 août. « L’Elysée n’y est pour rien de rien », jure un macroniste, alors que le chef de l’Etat avait plaidé en faveur d’une réouverture rapide, en juin, du parc fondé par son ami Philippe de Villiers.

Cette stratégie de différenciation est poussée depuis le départ par le premier ministre, Jean Castex, pour qui les décisions doivent être prises « au plus près du terrain ». La semaine dernière, il a écrit aux préfets et aux maires des vingt plus grosses villes de France pour leur demander de préparer d’ici à début septembre des « plans spécifiques » de lutte contre le virus en cas d’emballement de l’épidémie sur leur territoire. « C’était une demande émise par le conseil scientifique dans son dernier avis » publié le 27 juillet, justifie-t-on à Matignon. L’exemple de la Mayenne, où la flambée du nombre de malades a été enrayée grâce à la multiplication des tests, fait figure de modèle à suivre.

Les semaines à venir vont se révéler cruciales à titre personnel pour M. Castex, qui joue une partie de sa crédibilité avec la crise sanitaire. C’est en effet lui qui a préparé et mis en œuvre, en tant que délégué interministériel, le plan de déconfinement à la fin du printemps, sous l’autorité de son prédécesseur, Edouard Philippe.

Le « dossier numéro un » du premier ministre

Que l’épidémie de Covid-19 reparte et c’est toute sa stratégie, fondée sur le dépistage ciblé et l’isolement des personnes infectées, qui pourrait être remise en cause, affaiblissant d’autant sa position. « Le premier ministre a été choisi pour piloter la France en période de crise, le Covid-19 est son dossier numéro un », reconnaît-on à Matignon, où l’on veut croire que « si l’épidémie repartait, on ne pourrait pas dire que c’est parce que le déconfinement a été raté ». Mardi 18 août, M. Castex effectuera un nouveau déplacement lié à la crise sanitaire, en Haute-Garonne, où il devrait saluer la mise en place des « colos apprenantes ».

Pour l’exécutif, tout doit être fait pour éviter un nouveau confinement généralisé des Français, dont les conséquences sociales et économiques seraient désastreuses. Selon l’OCDE, la France serait la deuxième économie la plus touchée des pays développés – derrière l’Espagne – en cas de seconde vague, avec un recul de 14,1 % de son produit intérieur brut sur l’année et une reprise de « seulement » 5,2 % en 2021. « Il faut se mettre en branle dès maintenant et ne pas attendre l’arrivée de la seconde vague », enjoint-on à Matignon, où l’on assure qu’« il n’y a pas de plan de reconfinement généralisé du pays actuellement à l’étude ». Le 11 août, M. Castex affirmait vouloir « éviter par-dessus tout un retour en arrière, un reconfinement important ». Néanmoins, assure un proche de M. Macron, « il n’y a pas de volonté de faire passer l’économie devant le sanitaire ».

Le juge de paix pourrait être la façon dont va se dérouler la rentrée scolaire. A deux semaines du retour des élèves en classe, de nombreuses incertitudes entourent encore les conditions dans lesquelles ces derniers pourront être accueillis. Plusieurs scientifiques craignent une multiplication des cas de Covid-19 si les mesures barrières n’étaient pas respectées, ce qui pourrait s’avérer difficile dans certains établissements saturés. L’inquiétude grimpe par endroits, comme en Seine-Maritime, où la Fédération des conseils de parents d’élèves dénonce une « impréparation » générale et demande un report de la rentrée le temps de « trouver des solutions concrètes ». « Un protocole sanitaire a été défini au niveau national mais les préfets auront la capacité de faire évoluer les mesures prises au niveau local », rassure-t-on à Matignon. Pas certain que cela suffise à apaiser tout le monde.

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