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Jours tranquilles à Paris
2 septembre 2020

Procès des attentats de « Charlie Hebdo » et de l’Hyper Cacher : Hayat Boumeddiene et les frères Belhoucine, les grands absents

Par Elise Vincent

L’épouse religieuse du terroriste Amedy Coulibaly, en cavale, et ses soutiens opérationnels, présumés morts, seront jugés en leur absence.

Parmi les quatorze personnes renvoyées devant la cour d’assises spéciale de Paris pour le procès des attentats de janvier 2015, trois devraient être jugées en leur absence et cruellement manquer à l’appel, mercredi 2 septembre, à l’ouverture des audiences.

Comme souvent dans les affaires de terrorisme, ce sont les petites mains qui se retrouvent devant la justice. Le dossier des attaques de Charlie Hebdo, de Montrouge, et de l’Hyper Cacher ne devrait pas échapper à la règle. D’autant que le sort d’un des commanditaires présumés des tueries, Peter Cherif, arrêté fin 2018, a été disjoint.

Les trois grands absents de ce procès historique sont ainsi deux hommes et une femme, tous présumés morts, disparus, ou en cavale dans la zone irako-syrienne. Hayat Boumeddiene, 32 ans, est la figure la plus connue de ce trio. Cette enfant de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), était l’épouse religieuse d’Amedy Coulibaly, le tueur de l’Hyper Cacher, mort lors de l’assaut des forces de l’ordre. Longtemps présumée morte, elle est réapparue il y a quelques mois sur les radars de la justice après qu’une djihadiste française de retour de Syrie a assuré l’avoir vue vivante dans un camp géré par les Kurdes.

Bien qu’elle se soit envolée pour la Syrie une semaine avant les attentats, la justice accuse Hayat Boumeddiene d’avoir été l’un des soutiens logistiques clé de son mari. Que ce soit en couvrant ses nombreux préparatifs – en prêtant par exemple sa ligne téléphonique – ou en montant, à son nom, des demandes de faux prêts à la consommation pour financer l’achat d’armes ou autres équipements. Plus rigoriste encore qu’Amedy Coulibaly, la jeune femme aujourd’hui en fuite, remariée et mère de plusieurs enfants, a eu, avant les tueries, un rôle moteur dans la radicalisation du couple.

« Ne vous inquiétez pas »

Les deux autres absents majeurs du procès seront les frères Belhoucine. A la différence d’Hayat Boumeddiene, tous les deux sont présumés morts. Depuis cinq ans, aucune preuve de vie n’a filtré à leur sujet.

Mohamed, l’aîné, 27 ans lors des faits, est celui qui est renvoyé avec la plus lourde charge : « complicité » dans l’attaque de l’Hyper Cacher. Cet ancien élève de l’Ecole des mines d’Albi est considéré comme ayant été à la fois le mentor religieux et le soutien opérationnel le plus décisif auprès d’Amedy Coulibaly. C’est à lui que des expertises graphologiques attribuent la rédaction du serment d’allégeance du djihadiste à l’organisation Etat islamique. C’est aussi lui qui aurait fourni l’aide informatique nécessaire aux échanges avec un donneur d’ordre, probablement situé à l’époque hors de France.

Mehdi Belhoucine, le cadet, sera pour sa part jugé en son absence en raison du rôle qu’il a eu dans l’exfiltration d’Hayat Boumeddiene vers la Turquie, puis la Syrie, début janvier 2015. C’est lui qui a notamment été chargé de jouer les compagnons de route auprès de la jeune femme depuis Madrid, où ils ont ensemble pris un vol pour la Turquie, le 2 janvier. Les caméras de vidéosurveillance des aéroports ont permis formellement de l’identifier. La veille, ce garçon de 23 ans était passé chez ses parents pour dire qu’il partait en Egypte « étudier la religion ». Son frère, Mohamed, a pris le même jour un vol pour la Turquie avec sa femme et son fils de 4 ans.

Après avoir fait de l’aide aux devoirs à la mairie d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) jusqu’en septembre 2014, tous les deux étaient sans emploi lors des attentats. Ils pratiquaient aussi de longue date un islam très rigoriste.

Mohamed aimait s’improviser professeur de morale islamique et assumait même ses sympathies djihadistes auprès de son entourage familial. En juillet 2014, il avait été condamné à deux ans de prison dont un ferme – effectué lors de sa détention provisoire – pour son rôle dans une filière d’acheminement de djihadistes vers la région afghano-pakistanaise. « Maman/Papa, ne vous inquiétez pas, on a rejoint le califat. Ne vous inquiétez pas, on préfère vivre dans un pays régi par la charia et pas les lois inventées par les hommes », a-t-il notamment écrit à ses parents après son départ.

Pièce manquante

Celui dont l’absence devrait se faire le plus sentir lors des audiences est Peter Cherif, 37 ans, commanditaire présumé de l’attaque contre Charlie Hebdo. Ce proche des frères Kouachi – auteurs de la tuerie contre l’hebdomadaire satirique – est un vétéran du djihad, et un ex-cadre d’Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) au nom duquel les Kouachi ont revendiqué leur attaque. Il a été interpellé fin 2018 à Djibouti, puis extradé après plusieurs années de cavale et incarcéré en France. Mais, à cette date, l’enquête principale sur les attentats de janvier 2015 était close. Un nouveau volet des investigations a donc été ouvert.

Peter Cherif est, depuis le début, la pièce manquante du dossier des attentats de janvier 2015. C’est lui qui est soupçonné d’avoir facilité, à l’été 2011, à l’occasion d’un périple au sultanat d’Oman, pays voisin du Yémen, base arrière de l’organisation terroriste, l’intégration de Chérif Kouachi dans les rangs d’AQPA. Or, c’est lors de ce voyage que, soupçonne la justice, Chérif Kouachi a pu être formé au maniement des armes et a pu recevoir pour mission de s’en prendre à Charlie Hebdo.

Elise Vincent

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Dates-clés des attentats de janvier 2015

7 janvier 2015. Les frères Chérif et Saïd Kouachi attaquent la rédaction de Charlie Hebdo en fin de matinée. Parmi les morts, huit font partie de la rédaction : Cabu, Charb, Tignous, Honoré, Wolinski, Bernard Maris, Mustapha Ourrad et Elsa Cayat. Les autres victimes sont : Frédéric Boisseau (agent d’entretien de l’immeuble), Michel Renaud (ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, invité par la rédaction ce jour-là), Franck Brinsolaro ( un des deux policiers qui assurait la sécurité de Charb) et Ahmed Merabet ( un gardien de la paix assassiné dans la rue).

8 janvier 2015. Un homme déclenche une fusillade à Montrouge (Hauts-de-Seine) et tue Clarissa Jean-Philippe, une policière municipale. La police identifiera le lendemain Amedy Coulibaly comme l’auteur de cette fusillade.

9 janvier 2015. Amedy Coulibaly prend en otage, vers 13 heures, une vingtaine de clients d’un supermarché cacher, l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes (Paris 20e). Il tue quatre personnes : un employé, Yohan Cohen, et trois clients, Philippe Braham, François-Michel Saada et Yoav Hattab. Il est abattu par les policiers de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) vers 17 heures. Chérif et Saïd Kouachi sont tués par les militaires du GIGN devant l’imprimerie CTD de Dammartin-en-Goële, en Seine-et-Marne, dans laquelle ils s’étaient réfugiés, à 16 h 50.

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