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Jours tranquilles à Paris
2 juin 2020

« Je déploierai l’armée » si les violences continuent, menace Trump

trump force

Le président américain Donald Trump a promis lundi de restaurer l’ordre dans une Amérique en proie à un déferlement de colère historique, menaçant de déployer l’armée pour faire cesser les violences.

À New York, plusieurs grands magasins de la célèbre 5e Avenue ont été pillés lundi soir, selon des journalistes de l’AFP sur place. Le couvre-feu, instauré dans la ville de 23 h à 5 h lundi, commencera dès 20 h ce mardi, a annoncé le maire Bill de Blasio, tout en assurant que la métropole était « totalement sous contrôle, et pour l’essentiel calme et paisible ».

Donald Trump est confronté aux désordres civils les plus graves de son mandat alors que des centaines de milliers d’Américains protestent contre les brutalités policières, le racisme et les inégalités sociales, exacerbées par la crise du Covid-19. « Au plus profond de nous-mêmes, on en a assez », a expliqué à l’AFP Jessica Hubbert, une manifestante afro-américaine de Los Angeles.

Une semaine après l’homicide à Minneapolis de George Floyd, un homme noir de 46 ans asphyxié par un policier blanc, New York, Los Angeles et des dizaines d’autres villes américaines ont renforcé leurs mesures sécuritaires, décrétant ou rallongeant un couvre-feu nocturne pour vider les rues. À Washington, plusieurs dizaines de manifestants ont été arrêtés sans violence dans la soirée pour violation du couvre-feu instauré à partir de 19 h.

Face aux troubles se surajoutant à la pandémie de Covid-19, Donald Trump avait annoncé plus tôt d’un ton martial le déploiement dans la capitale de « milliers de soldats lourdement armés » et de policiers pour mettre un terme « aux émeutes » et « aux pillages ». Il a jugé que les troubles de la veille à Washington étaient « une honte ».

Donald J. Trump

@realDonaldTrump

My fellow Americans - My first and highest duty as President is to defend our great Country and the American People. I swore an oath to uphold the laws of our Nation -- and that is exactly what I will do…

Colère et tensions raciales : un test de leadership pour Donald Trump

« Il utilise l’armée contre les Américains »

Appelant les gouverneurs à agir vite et fort pour « dominer les rues » et briser la spirale des violences, il leur a lancé une mise en garde. « Si une ville ou un État refuse de prendre les décisions nécessaires pour défendre la vie et les biens de ses résidents, je déploierai l’armée américaine pour régler rapidement le problème à leur place », a-t-il lancé, dénonçant des actes de « terrorisme intérieur ».

« Il utilise l’armée américaine contre les Américains », a dénoncé sur Twitter Joe Biden, son adversaire à la présidentielle de novembre. Le candidat démocrate doit se rendre ce mardi matin à Philadelphie pour s’exprimer sur les « troubles civils ». Le visage couvert d’un masque, il s’est rendu lundi dans l’église d’une paroisse noire de son État du Delaware pour y rencontrer des responsables locaux. L’ancien vice-président de Barack Obama compte sur cet électorat pour remporter la Maison Blanche.

Joe Biden

@JoeBiden

He's using the American military against the American people.

He tear-gassed peaceful protesters and fired rubber bullets.

Tandis que Donald Trump s’exprimait dans les jardins de la Maison Blanche aux airs de camp retranché, la police dispersait avec du gaz lacrymogène des centaines de manifestants rassemblés à l’extérieur de l’enceinte. L’objectif était de libérer le champ vers l’église Saint-John, bâtiment emblématique tout proche qui a été dégradé dimanche soir. Le président s’y est rendu à pied, entouré de membres de son cabinet, pour s’y faire photographier, une bible en main.

La maire démocrate de Washington, Muriel Bowser, a dénoncé une dispersion « honteuse » qui, selon le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, ne servait qu’à offrir au président « une séance photo ».

De Boston à Los Angeles, de Philadelphie à Seattle, le mouvement de protestation s’est exprimé jusqu’ici de façon majoritairement pacifique le jour, mais a aussi donné lieu à des embrasements nocturnes et des destructions. Au cœur des slogans, « Black Lives Matter » (« La vie des Noirs compte ») et « I can’t breathe » (« Je ne peux pas respirer »), les derniers mots de M. Floyd gisant par terre, menotté et cou sous le genou d’un policier, dont les collègues restaient passifs.

L’émotion dépasse les frontières

M. Floyd est mort asphyxié en raison d’une « pression forte et prolongée » exercée sur son cou et sa cage thoracique, a affirmé lundi Ben Crump, l’avocat de la famille de la victime, en révélant les résultats d’une autopsie indépendante. L’autopsie officielle, rendue publique dans la foulée, a également conclu à une pression létale au niveau du cou de l’Afro-Américain, ayant causé un arrêt du cœur.

Ni le renvoi de l’agent coupable de la bavure, Derek Chauvin, ni son arrestation postérieure n’ont calmé les esprits et les protestations ont touché au moins 140 villes américaines. Face aux affrontements mêlant manifestants, casseurs et forces antiémeutes, les soldats de la Garde nationale ont été déployés dans plus d’une vingtaine de métropoles, dans un climat de tension inédit depuis les années 1960. Pour disperser les protestataires, les forces de l’ordre ont utilisé gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc.

L’agent Derek Chauvin, qui a été inculpé d’homicide involontaire, doit comparaître le 8 juin devant un tribunal. Pas de quoi espérer donc une baisse immédiate de la tension ambiante, d’autant que cette même semaine prochaine seront célébrées les obsèques de George Floyd, au Texas.

L’émotion a dépassé les frontières des États-Unis. Des manifestations contre les brutalités policières et le racisme aux États-Unis ont aussi eu lieu ces derniers jours en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Irlande, aux Pays-Bas, au Canada et en Nouvelle-Zélande.

Les rivaux des États-Unis dans le monde, Chine et Iran en tête, n’ont eux pas laissé passer l’occasion de critiquer Washington. Pékin a notamment dénoncé la « maladie chronique » du racisme aux États-Unis. Et Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif de Hong Kong malmenée l’an dernier par une vague de contestation soutenue par la plupart des pays occidentaux, a accusé Washington d’avoir « deux poids, deux mesures » face aux manifestants.

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2 juin 2020

Trump, le choix du chaos au risque du KO

trump bible intervention armée

Par Frédéric Autran — Libération

Le Président ne joue pas l’apaisement face à un pays fracturé, mais se sert de la situation explosive pour mobiliser sa base, à cinq mois d’une élection qui l’obsède.

Sa biographe l’a surnommé «le Prince du chaos». Donald Trump aime quand ça bataille, quand ça brûle. Le voilà plus que jamais aux premières loges. Le vent de colère soulevé par la mort de George Floyd à Minneapolis s’est en effet rapidement propagé à tout le pays, jusque sous les fenêtres de la Maison Blanche. Pour la troisième soirée consécutive, des échauffourées ont éclaté dimanche aux abords de la résidence présidentielle, en plein cœur d’une capitale fédérale sous couvre-feu. Signe de la tension au sommet de l’exécutif, Donald Trump et ses proches avaient été subitement mis à l’abri, vendredi soir, dans le bunker de la Maison Blanche, selon le New York Times. Lorsqu’il en est sorti samedi matin, «secoué» par cette expérience assure le quotidien, Trump s’est félicité sur Twitter que son service de protection dispose des «chiens les plus féroces» et des «armes les plus menaçantes» pour «accueillir» d’éventuels intrus.

«Anarchie»

Plus tard dans la journée, alors qu’il venait d’assister au lancement historique du premier vol habité SpaceX depuis Cap Canaveral, le Président s’est longuement exprimé sur la mort de George Floyd – une «grave tragédie» qui «n’aurait jamais dû se produire». S’il a assuré «comprendre la douleur» des manifestants, il a surtout promis de «stopper la violence collective», dénonçant les agissements «d’anarchistes» et de «gauchistes radicaux», notamment la mouvance radicale «antifa» (antifasciste), qu’il a annoncé vouloir désigner comme une organisation terroriste - même si la loi américaine ne le permet pas. Le lendemain, Trump a accentué sa rhétorique sécuritaire et clivante, reprochant leur faiblesse aux maires et gouverneurs démocrates. Et accusant les médias de «fomenter la haine et l’anarchie» dans leur couverture des manifestations, alors que de nombreux journalistes sur le terrain ont été ciblés par la police.

A cinq mois d’un scrutin présidentiel qui l’obsède depuis le premier jour et qui, dans sa psyché de milliardaire allergique à la défaite, ne peut avoir d’autre issue qu’une réélection, Donald Trump ne semble donc pas disposé à jouer l’apaisement. Le pourrait-il seulement ? Rien dans sa personnalité ni son parcours de promoteur immobilier, star de téléréalité puis homme politique, n’indique qu’il en soit capable. Jamais un président américain - homme d’affaires blanc new-yorkais qui a entamé sa carrière politique en 2011 en mettant en doute la nationalité de Barack Obama, a renvoyé dos à dos suprémacistes blancs et militants antiracistes à Charlottesville, puis exhorté quatre jeunes élues démocrates à «retourner» d’où elles venaient - n’a semblé aussi peu préparé, et surtout légitime, pour apaiser un mouvement de protestation à forte dimension raciale.

Duel

Dans son entourage, certains conseillers souhaiteraient néanmoins que Donald Trump prononce une adresse solennelle à la nation. Mais rassembleur, il n’a jamais été. Le conflit et le chaos - y compris au sein de sa propre administration, marquée par un turnover inédit - constituent à la fois sa zone de confort, son terrain d’expression favori et un outil crucial pour mobiliser sa base. «3 NOVEMBRE [la date de l’élection, ndlr]», a-t-il d’ailleurs tweeté lundi en majuscules, pendant que la porte-parole de sa campagne résumait le scrutin à un choix «binaire» entre «sécurité» et «anarchie». Désireux à l’inverse d’incarner la réconciliation d’une Amérique polarisée, Joe Biden joue une partition délicate. Très populaire au sein de la communauté noire, l’ancien vice-président doit relayer sa colère légitime sans donner le sentiment de cautionner les violences. «Nous sommes une nation qui souffre en ce moment, mais nous ne devons pas laisser cette souffrance nous détruire», a déclaré dimanche le futur adversaire de Trump.

En attendant le duel entre les deux hommes, mère de toutes les batailles électorales, les élus locaux vont tenter de répondre dans les jours, semaines et mois à venir, à la colère qui gronde et à la crise socioéconomique désastreuse qui couve. Certains aimeraient que Donald Trump reste dans son bunker. Aussi silencieux que possible. «Le président Trump aggrave les choses, a ainsi déclaré la maire démocrate d’Atlanta. Il devrait juste se taire.»

2 juin 2020

Donald Trump - caricature

menne57

1 juin 2020

Émeutes - L’Amérique de Trump est un “baril de poudre”

THE NEW YORK TIMES (NEW YORK)

La colère liée à la mort de George Floyd à Minneapolis a provoqué une nouvelle vague de violences dans de nombreuses villes américaines dans la nuit du 30 au 31 mai. Chômage de masse, inégalités accrues par la pandémie, violences policières, extrême droite décomplexée et président prompt à jeter de l’huile sur le feu : pour cette chroniqueuse du New York Times, tous les ingrédients sont réunis pour que l’Amérique s’enflamme. 

Aux États-Unis, les deux mois et demi qui viennent de s’écouler font penser aux premières séquences d’un film dystopique sur l’effondrement d’une nation. Tout d’abord, la pandémie a frappé, et les hôpitaux de New York ont été débordés. L’économie du pays s’est retrouvée au point mort, le chômage a crevé le plafond [plus de 40 millions de chômeurs au 28 mai]. Un salarié américain sur quatre a déposé un dossier de demande d’allocations.

Devant les banques alimentaires, on a vu des files de voitures s’étirer sur des kilomètres. Lourdement armés, des manifestants hostiles au confinement sont descendus dans la rue un peu partout. Dans tout le pays, une maladie dont personne ou presque n’avait entendu parler il y a encore un an a déjà fait 100 000 morts.

Et puis, cette semaine, un policier de Minneapolis a été filmé alors qu’il écrasait de son genou le cou d’un Africain-Américain du nom de George Floyd. Alors qu’il agonisait, Floyd a gémi qu’il ne parvenait plus à respirer, une plainte qui rappelle les derniers mots d’Eric Garner, dont le décès, en 2014, a contribué à donner naissance au mouvement Black Lives Matter [“les vies noires comptent”, mouvement militant contre les violences policières]. La mort de Floyd survient seulement trois jours après l’arrestation en Géorgie de trois hommes accusés d’avoir traqué et assassiné un jeune Noir, Ahmaud Arbery, alors qu’il faisait son jogging.

À Minneapolis, les manifestants ont déferlé dans les rues, et la police a réagi beaucoup plus durement que face aux contestataires anticonfinement armés jusqu’aux dents. Dans la soirée du mercredi 27 mai, les manifestations pacifiques ont dégénéré en émeutes. Le lendemain, le gouverneur [démocrate] du Minnesota appelait en renfort la Garde nationale.

Une enquête fédérale sur la mort de Floyd, “priorité absolue”

Un temps, on a pu croire que l’impensable brutalité de la mort de Floyd allait freiner les pires tendances du président et de ses partisans du mouvement Blue Lives Matter [mouvement de défense des forces de l’ordre en réaction à Black Lives Matter].

Les autorités n’ont eu d’autre choix que d’intervenir : les quatre policiers impliqués ont été licenciés, leurs actes condamnés dans tout le pays par les responsables des forces de l’ordre, et le ministère de la Justice sous la férule de William Barr a promis l’ouverture d’une enquête fédérale qui serait une “priorité absolue”.

Même Donald Trump, qui a autrefois encouragé les brutalités policières, a décrit ce qui était arrivé à Floyd comme “quelque chose de vraiment terrible”.

Mais dans la soirée du 28 mai, alors qu’un procureur du comté déclarait que ses services en étaient encore à évaluer si les quatre policiers avaient commis un crime, les émeutes ont recommencé à Minneapolis, et des gens en colère ont incendié un commissariat. (Vendredi 29, un des policiers a été interpellé et inculpé d’homicide involontaire.) Sur Twitter, un Trump en proie à la confusion a menacé de déployer l’armée contre ceux qu’il a traités de “VOYOUS”, affirmant :

"Quand les pillages commenceront, on commencera à tirer.”

Qu’il en ait été conscient ou non, il citait là une expression raciste remontant aux années 1960, utilisée entre autres par George Wallace [gouverneur de l’Alabama connu pour ses prises de positions ségrégationnistes]. Le président a ensuite tenté de calmer le jeu en affirmant qu’il avait juste voulu mettre en garde contre la violence — son équipe de campagne espérait après tout chiper quelques électeurs noirs aux démocrates —, mais ce qu’il voulait dire en réalité était assez évident. On parle là du même président que celui qui, le jeudi, avait retweeté une vidéo d’un de ses partisans qui lançait : “Un bon démocrate est un démocrate mort.”

Trump et la violence d’extrême droite

La présidence Trump a été marquée par des accès choquants de violence d’extrême droite : les émeutes nationalistes blanches de Charlottesville, en Virginie, le massacre de la synagogue de l’Arbre de la vie, à Pittsburgh, la tuerie qui a pris pour cibles des Hispaniques à El Paso. Toutefois, même si le pays bouillonnait et fulminait, il n’y avait pas encore eu de révolte généralisée. Mais aujourd’hui, peut-être sommes-nous à l’aube d’un long été brûlant, théâtre de troubles sociaux.

Car de nos jours, tant de choses font que l’Amérique est prête à s’enflammer : le chômage de masse, la pandémie qui a révélé crûment les inégalités assassines en termes de santé et d’économie, des adolescents désœuvrés, les violences policières, une extrême droite qui rêve d’une deuxième guerre de sécession, et un président toujours prompt à jeter de l’huile sur tous les feux qui se présentent.

“Je pense que nous nous trouvons effectivement à un moment où les choses vont d’abord s’aggraver avant que la paix revienne”, commente l’historienne Heather Ann Thompson, de l’université du Michigan.

Déjà, les manifestations de Minneapolis se répandent dans d’autres villes. Jeudi soir [28 mai], quelqu’un a tiré près d’une foule de manifestants à Denver, et plus de 40 personnes ont été arrêtées à New York. Sept autres ont été blessées par des tirs lors d’une manifestation à Louisville, dans le Kentucky, où les gens demandaient justice pour Breonna Taylor, une Noire non armée abattue par la police dans son appartement en mars dernier.

Un désastre sanitaire et économique

Ces manifestations ont été déclenchées par des cas précis de violences policières. Mais elles se déroulent aussi dans un contexte plus général de désastre sanitaire et économique dont sont victimes, de façon disproportionnée, les personnes de couleur, en particulier les démunis. C’est l’avis de Darnell Hunt, doyen du département des sciences sociales de l’Université de Californie à Los Angeles :

Depuis des années, les sociologues étudient le comportement collectif et les émeutes urbaines, et je pense que l’on peut affirmer, avis que beaucoup partagent, que les émeutes ne sont jamais le résultat d’un unique incident.”

Keith Ellison, le procureur général démocrate du Minnesota, m’a avoué que, ces derniers temps, quand il sort se promener ou courir à Minneapolis, il ressent une “sorte de tension prête à exploser”. Les gens, rappelle-t-il, “ont été enfermés chez eux depuis près de deux mois, et donc, maintenant, leur attitude a changé. Ils n’en peuvent plus. Certains sont au chômage, d’autres n’ont pas de quoi payer leur loyer, et ils sont frustrés, en colère.”

La crise ne fait que commencer

Cette colère ne peut qu’enfler car la ruine économique engendrée par la pandémie ne fait que commencer. Dans certains États, les moratoires sur les expulsions ont été levés, ou vont bientôt l’être. Les allocations-chômage supplémentaires votées par le Congrès ne durent que jusqu’à la fin du mois de juillet. Les budgets des États sont en lambeaux, et à Washington, les républicains refusent pour l’instant de leur venir en aide, ce qui signifie que nous allons sans doute bientôt être témoins de douloureuses coupes sombres dans les emplois et les services publics.

“Quand les gens sont fauchés, qu’il n’y a apparemment aucune aide, pas d’autorité vers qui se tourner, aucune certitude quant à l’avenir, cela crée des conditions favorables à la colère, la fureur, le désespoir, la dépression ; un mélange particulièrement volatil”, constate Keeanga-Yamahtta Taylor, professeur du département des études africaines-américaines de Princeton.

Mais si l’on a le sentiment que l’Amérique est aujourd’hui un baril de poudre, ce n’est pas seulement à cause du courroux qui gronde chez les démunis. Le 27 mai, les journalistes Robert Evans et Jason Wilson ont publié une analyse fascinante et inquiétante du mouvement [d’extrême droite] “boogaloo” — “une version en ligne, moderne et extrême, du mouvement des milices” — sur le site d’investigations Bellingcat.

Le rêve “Boogaloo” d’une guerre civile

“Les ‘Boogaloo Bois’ escomptent, voire espèrent qu’avec le retour de la chaleur, on assistera à des affrontements armés avec les forces de l’ordre, ce qui accouchera de l’élan nécessaire à l’éclatement d’une nouvelle guerre civile aux États-Unis”, écrivent Evans et Wilson. Et ils ajoutent :

Dans le paysage déstabilisé de l’après-coronavirus, ils pourraient fort bien participer à une flambée de violence dans les rues des villes américaines.”

Les gens associés à cette sous-culture étaient très présents lors des manifestations anticonfinement, mais certains, motivés par la haine de la police et l’amour du désordre, ont également pris part aux manifestations de Minneapolis.

Confrontés à une telle instabilité, la plupart des présidents américains auraient tendance à miser sur la désescalade. C’est pour cette raison que les troubles sociaux, en dépit de tous les dégâts qu’ils peuvent causer dans les villes où ils éclatent, aboutissent souvent à des réformes. Mais aujourd’hui, nous avons un président qui ne soucie guère d’éviter le chaos, fait remarquer l’historienne Heather Ann Thompson Thompson :

Toutes les autres fois où les manifestations ont dégénéré parce qu’il était urgent de réparer des injustices, le pays a fini par tenter de parvenir à un nouvel équilibre, d’apporter une réponse suffisante pour rétablir la paix, aussi fragile soit-elle,. Or, actuellement, les gens qui nous gouvernent n’ont jamais caché que cela ne les dérangerait absolument pas si nous sombrions totalement dans la guerre civile.”

Quelques-uns de ces clichés nous sont familiers, mais nous n’avons jamais vu ce film-là. Personne ne sait dans quelle mesure les choses pourraient s’aggraver. Tout ce que nous savons, c’est qu’à l’ère Trump, des scènes qui paraissent cauchemardesques la veille peuvent nous sembler presque normales le lendemain.

Michelle Goldberg

Source : The New York Times

1 juin 2020

Mort de George Floyd

Mort de George Floyd : des affrontements éclatent devant la Maison Blanche, malgré le couvre-feu imposé à Washington

La police a tiré des gaz lacrymogènes dimanche devant la Maison Blanche pour disperser une manifestation contre les violences policières et le racisme.

CE QU'IL FAUT SAVOIR

La police a tiré des gaz lacrymogènes devant la Maison Blanche, dimanche 31 mai dans la soirée, pour disperser une manifestation contre les violences policières et le racisme. Des affrontements ont éclaté en marge de plusieurs rassemblements à Washington, alors que la capitale américaine est soumise à un couvre-feu. Les Etats-Unis sont une nouvelle fois le théâtre de manifestations et d'émeutes anti-racistes après la mort de George Floyd, un Noir tué par un policier lors d'une interpellation lundi 25 mai.

 Derek Chauvin devant la justice. Le policier, arrêté et inculpé d'homicide involontaire, doit comparaître lundi devant un tribunal pour la première fois. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on le voit maintenir son genou sur le cou de George Floyd pendant de longues minutes, alors que ce dernier se plaint de ne pas pouvoir respirer.

 La Garde nationale mobilisée. Des milliers de soldats de la Garde nationale ont été déployés dans 15 Etats et à Washington. Un couvre feu nocturne a été déclaré dans plusieurs grande villes américaines, dont Houston (Texas) et Los Angeles (Californie).

 Donald Trump dénonce les agissements de "gauchistes radicaux". Le président américain a attribué aux "antifa" (antifascistes) les émeutes émaillant les manifestations à l'origine pacifiques pour protester contre la mort de George Floyd. Il a annoncé vouloir désigner cette mouvance radicale comme une organisation terroriste.

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1 juin 2020

Le retrait américain plombe les finances de l’OMS

trump oms

Donald Trump a mis sa menace à exécution : en pleine pandémie, il a décidé de stopper la contribution financière des États-Unis à l’Organisation mondiale de la santé qu’il accuse de complaisance envers Pékin. Une décision qui va avoir des conséquences fortes sur le budget déjà maigre de l’agence onusienne. Les États-Unis vont « rediriger ces fonds vers d’autres besoins de santé publique urgents et mondiaux qui le méritent », a déclaré le président américain.

7 000 employés dans le monde

Agence sanitaire des Nations unies, l’OMS est une institution multilatérale créée en 1948. Énorme machine de 7 000 employés présents dans le monde entier, son fonctionnement et ses missions sont tributaires des crédits accordés par ses États membres et les dons de bienfaiteurs privés.

Dotée de 2,8 milliards de dollars par an, l’OMS a « le budget d’un hôpital de taille moyenne dans un pays développé », a récemment déploré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Avec 893 millions de dollars apportés sur la période 2018/2019, soit environ 15 % du budget de l’OMS, les États-Unis en sont le premier bailleur de fonds, devant la fondation Bill et Melinda Gates, premier contributeur privé, l’Alliance du vaccin Gavi, le Royaume-Uni et l’Allemagne, et loin devant la Chine et ses 86 millions.

L’UE appelle Washington à reconsidérer sa décision

La contribution américaine va essentiellement en Afrique et au Moyen-Orient. Environ un tiers de ces contributions co-finance les opérations de lutte contre les urgences sanitaires, le reste étant d’abord consacré aux programmes d’éradication de la poliomyélite, à l’amélioration de l’accès aux services de santé et à la prévention et la lutte contre les épidémies.

Alors que la pandémie de Covid-19 a déjà fait plus de 360 000 morts dans le monde, l’annonce américaine a stupéfié la communauté scientifique.

L’OMS a appelé ses partenaires à compenser le retrait américain.

À grand renfort d’annonces, la Chine, accusant Washington de « se soustraire à ses obligations », a fait savoir qu’elle prendrait ses responsabilités, directement ou indirectement, pour soutenir l’OMS. À l’occasion d’une levée de fonds organisée début mai par la Commission européenne au profit de la recherche et le développement d’un vaccin contre le nouveau coronavirus, Pékin s’est engagé à hauteur de 1,1 milliard de dollars. Et le 18 mai dans un message à l’Assemblée mondiale de la santé, réunion annuelle des États membres de l’OMS, le président Xi Jinping a promis deux milliards.

L’Union européenne a appelé samedi Washington à reconsidérer sa décision de rompre avec l’OMS.

31 mai 2020

Etats Unis

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George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans, est mort lundi soir juste après avoir été arrêté par la police, qui le soupçonnait d’avoir voulu écouler un faux billet de 20 dollars. Lors de l’intervention, il a été plaqué au sol par un agent, qui a maintenu son genou sur son cou pendant de longues minutes. « Je ne peux plus respirer », l’entend-on dire sur un enregistrement de la scène, devenu viral.

Le policier blanc, Derek Chauvin, qui, sur cette vidéo, maintient son genou pendant de longues minutes sur le cou du quadragénaire, a été arrêté vendredi et inculpé pour « homicide involontaire » et « acte cruel et dangereux ayant causé la mort ».

Quelque 13 000 soldats de la garde nationale de l’Etat ont été mobilisés dans la ville du Minnesota, une première. Des unités de la police militaire ont été mises en alerte pour pouvoir intervenir à Minneapolis dans un délai de quatre heures, a rapporté le Pentagone dans un communiqué.

Des centaines de personnes se sont rassemblées vendredi et samedi à New York, Seattle, Columbia, Philadelphie, Atlanta, Los Angeles, y compris sous les fenêtres du président, Donald Trump.

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Los Angeles, Philadelphie, Atlanta, Seattle, Milwaukee, Chicago et Louisville font partie des villes américaines ayant annoncé un couvre-feu samedi. Au moins huit Etats (Minnesota, Géorgie, Ohio, Colorado, Wisconsin, Texas, Kentucky et Utah), ainsi que le district de Columbia ont activé ou demandé à la garde nationale d’aider la police locale.

31 mai 2020

Président Trump, an IV : un carnage américain

trump neron

Par Gilles Paris, Washington, correspondant Le Monde

Le locataire de la Maison Blanche a vu s’enchaîner une crise sanitaire historique, une envolée du chômage sans guère de précédents et la résurgence des démons raciaux de l’Amérique. Un printemps meurtrier au cours duquel il n’a rien fait pour apaiser une nation ébranlée.

Le tumulte des trois premières années de la présidence de Donald Trump a longtemps masqué l’essentiel. Elu de justesse en 2016, l’ancien homme d’affaires avait hérité d’une économie en bonne santé, d’une coalition internationale de taille à détruire le terrorisme qui était alors une priorité, et d’une opinion publique résignée à s’extraire de guerres sans fin pour lesquelles il n’avait aucune appétence.

La véritable mise à l’épreuve du président des Etats-Unis a tardé, jusqu’à ce printemps meurtrier. Il a vu s’enchaîner une crise sanitaire historique, une envolée du chômage sans guère de précédents et la résurgence des démons raciaux de l’Amérique à la suite de la mort d’un Afro-Américain, George Floyd, aux mains de la police de Minneapolis, dans le Minnesota, le 25 mai.

Chacune de ces crises a charrié et charrie encore son lot d’images cruelles. Elles dessinent à ce jour un « carnage américain » pour reprendre l’expression que Donald Trump avait utilisée lorsqu’il avait prêté serment le 20 janvier 2017 pour dépeindre la situation que lui avait léguée selon lui son prédécesseur démocrate, Barack Obama. La formule avait frappé les esprits. Voilà qu’elle le rattrape.

Une nation ébranlée

Certes, Donald Trump n’est pas responsable de la pandémie de Covid-19 qui continue d’emporter des milliers de vies chaque semaine. Il n’est pour rien dans l’effondrement de l’économie consécutive à la brutale mise à l’arrêt du pays pour cause de confinement, et il n’est pas le supérieur hiérarchique de Derek Chauvin, l’officier de police poursuivi désormais pour homicide involontaire après la mort de George Floyd. Mais il n’a rien fait jusqu’à présent pour apaiser une nation ébranlée.

La semaine même de la conjonction de ces trois crises, le président était occupé à autre chose qu’à rassembler son pays. Il dénonçait des crimes perpétrés par Barack Obama, alors que son ministre de la justice ne trouve rien à reprocher à son prédécesseur. Il accusait contre toute évidence un animateur de télévision qui lui déplaît d’avoir assassiné une ancienne collaboratrice. Il ferraillait enfin contre Twitter, ulcéré que le réseau social décide de signaler certaines de ses contre-vérités.

Donald Trump avait attisé les flammes lorsque la droite de sa droite manifestait contre les mesures de confinement recommandées par sa propre administration. Il s’est abstenu de rendre hommage aux victimes du Covid-19 quand la barre des 100 000 victimes a été franchie mardi. Il a enfin alterné sans cap véritable les menaces et les expressions de compréhension à l’égard de manifestants pacifiques au cours des dernières heures à propos de la vague de rage qui s’est répandue dans les villes américaines à partir de Minneapolis. Sans jamais reconnaître la réalité d’une plaie américaine, pas plus que pour les fusillades de masse.

« La loi et l’ordre »

Juste avant son entrée en politique, en 2014, Donald Trump s’était indigné après une résurgence de violences dans le Missouri, théâtre quelques mois plus tôt d’une bavure policière similaire à celle de Minneapolis. « Pouvez-vous imaginer ce que Poutine et tous nos amis et ennemis du monde entier disent des Etats-Unis en regardant l’émeute de Ferguson ? », s’était-il interrogé sur son compte Twitter.

Six ans ont passé, d’autres émeutes parcourent les Etats-Unis, qui peuvent le servir en rassemblant une droite épouvantée autour des mots d’ordre nixoniens de « la loi et l’ordre », mais cette Amérique-là est désormais la sienne.

31 mai 2020

Mort de George Floyd : à Minneapolis, le caractère multiracial des émeutes ébranle les certitudes des autorités

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Par Laurent Borredon, Minneapolis, envoyé spécial Le Monde

Des responsables de la communauté noire à la Maison Blanche, tout le monde a voulu voir, samedi, la main des militants « antifas » derrière les destructions. La réalité est bien plus complexe.

« C’est notre ville », explique, tout simplement, l’un des volontaires. Samedi 30 mai, Minneapolis (Minnesota) est à peine réveillée d’une nuit d’émeutes, qu’une nuée d’habitants équipés de pelles et de balais est déjà à l’œuvre pour nettoyer les décombres fumants, tout juste éteints par les pompiers à l’aube.

A Midtown, sur Lake Street, et tout particulièrement à l’intersection avec Chicago Avenue, les stigmates sont sévères. Cinq jours après la mort de George Floyd – un Afro-Américain – lors de son interpellation par un policier blanc, Derek Chauvin, à South Minneapolis, et quelques heures seulement après l’annonce de l’inculpation de ce dernier pour meurtre, les destructions n’ont pas connu de répit.

En l’absence de la police et de la Garde nationale, occupées, à l’est de la ville, à sécuriser les ruines du commissariat du troisième district, incendié la veille, et, à l’ouest, à bloquer l’accès au poste du cinquième district, encore debout, les casseurs ont eu toute la nuit pour passer leur rage sur les commerces de la rue, qui ont brûlé jusqu’aux dernières heures de la nuit. Ce n’est que vers 5 heures que les pompiers, accompagnés de membres de la Garde nationale, ont fait leur apparition. Les bâtiments ne sont déjà plus qu’un souvenir.

Qui est le responsable de ce désastre ? Avec une belle unanimité, tout le monde a désigné les « antifas », militants d’extrême gauche. Des groupes de casseurs qui seraient venus d’autres Etats. Un épouvantail bien commode.

Emballement

Pour les représentants traditionnels des Afro-Américains – l’un d’eux, lors d’une conférence de presse avec le gouverneur de l’Etat, a clairement pointé du doigt « les Blancs » –, cela permet de détourner l’attention de leur communauté, mais aussi de leur propre décalage avec une jeunesse en colère qui ne veut plus se satisfaire de prières et de citations de Martin Luther King. Les autorités locales, elles, diluent la responsabilité de leur échec patent et tentent de mettre un coin dans une mobilisation dont elles ne comprennent pas les ressorts. Quant au président Donald Trump, lui, qui a affirmé sans preuve que « 80 % des émeutiers venaient de l’extérieur de l’Etat », il reste dans son registre habituel.

L’emballement a atteint les chaînes d’information en continu, samedi. On a ainsi vu apparaître sur MSNBC un retraité de l’antiterrorisme expliquer doctement, confiné dans son bureau à des centaines de kilomètres du Minnesota, que de nombreux manifestants portaient des « signes distinctifs » des antifas. Et un bruit s’est même répandu comme une traînée de poudre dans la ville traumatisée : ce serait en fait des militants d’extrême droite qui seraient venus jeter de l’huile sur un feu déjà bien vif.

En fin de journée, la réalité a rattrapé le fantasme. Le maire de Saint Paul, la ville sœur de Minneapolis, affirmait que « 100 % » des personnes arrêtées venaient de l’extérieur ? Elles n’étaient en fait que 4 sur 18, ont prouvé les registres de la prison du comté. L’édile a dû reconnaître, en fin de journée, son erreur. Au total, 83 % des interpellés vendredi dans l’agglomération venaient de l’Etat – l’exact inverse du chiffre cité par Donald Trump – et 56 % de Minneapolis-Saint Paul.

A tous les niveaux, les officiels semblent avoir des difficultés à appréhender la réalité d’une rébellion multiraciale, qui rassemble la jeunesse afro-américaine, les immigrants d’origine somalienne, les Latinos et enfin les habitants, majoritairement blancs, des banlieues résidentielles. Entre le chômage et la fermeture des universités liés au confinement dû à l’épidémie de coronavirus, tous sont disponibles, simultanément, de manière inédite. Dans l’Etat voisin du Michigan, à Detroit, pas moins des deux tiers des personnes interpellées viennent ainsi des « suburbs ».

Merci « d’être avec nous aujourd’hui »

Cette réalité, samedi après-midi, les participants à la manifestation pacifique devant le commissariat du cinquième district n’avaient pas de problèmes à l’accepter. La majorité de l’assistance est blanche, et une intervenante n’hésite pas à remercier ces « alliés blancs » dans la lutte contre les violences policières subies par les minorités aux Etats-Unis.

Elle balaye d’une phrase les condamnations des destructions de la nuit : « Je m’en fiche de Target [grand magasin incendié jeudi], de Wells Fargo [une banque dont les ruines fument encore derrière l’assemblée d’un petit millier de personnes]. Parce que vous savez qui n’ira jamais chez Target, chez Wells Fargo ? » « George Floyd », crie, de concert, la foule.

Quelques minutes plus tard, une autre jeune femme noire issue du quartier remercie les mêmes « d’être avec nous aujourd’hui » et les exhorte à éduquer leurs enfants : « Vos enfants sont les policiers, les procureurs, les juges de demain. Ayez cette conversation [sur les discriminations raciales] à la table du dîner ce soir. » Face à elle, les manifestants opinent.

Ce que les autorités ont bien compris, néanmoins, c’est l’échec de leur stratégie de maintien de l’ordre. Samedi soir, dès la tombée du couvre-feu, la police de Minneapolis, assistée de la police d’Etat, a dispersé violemment un groupe de manifestants qui quittait, pourtant, les lieux de la manifestation de l’après-midi. A la surprise générale, vu sa passivité des jours précédents. De New York à Los Angeles, en passant par Minneapolis, les autorités ont décidé, samedi, d’éteindre l’incendie à coups de matraques et de gaz lacrymogènes.

Laurent Borredon (Minneapolis, envoyé spécial)

minne54

Les Etats-Unis sous haute tension, le couvre-feu imposé dans plusieurs villes. Plusieurs villes américaines ont imposé, samedi, des mesures exceptionnelles pour tenter d’empêcher les manifestations liées à la mort de George Floyd de dégénérer à nouveau. Au total, vingt-cinq villes sont concernées par la mise en place d’un couvre-feu : Beverly Hills, Los Angeles, Denver, Miami, Atlanta, Chicago, Louisville, Minneapolis, St. Paul, Rochester, Cincinnati, Cleveland, Columbus, Dayton, Toledo, Eugene, Portland, Philadelphie, Pittsburgh, Charleston, Columbia, Nashville, Salt Lake City, Seattle et Milwaukee. Partout dans le pays, les manifestants ont dénoncé les bavures policières et les disparités raciales. Et ils ont exigé justice pour George Floyd. Le policier blanc Derek Chauvin qui, sur une vidéo largement diffusée, maintient son genou pendant de longues minutes sur le cou du quadragénaire a été arrêté vendredi et inculpé pour homicide involontaire. Mais pour les manifestants, ce n’est pas assez : ils réclament son inculpation pour homicide volontaire, et l’arrestation des trois autres agents impliqués dans le drame.

31 mai 2020

« Il cherchait un nouveau départ » : George Floyd, 46 ans, mort sous le genou d’un policier blanc

Originaire du Texas, celui dont la mort a provoqué des émeutes dans tout le pays cherchait à recommencer sa vie à Minneapolis, entre petits boulots et galères provoquées par le confinement.

Il avait quitté le Texas pour commencer une nouvelle vie à Minneapolis, dans le Minnesota, dans le nord des Etats-Unis. Mais George Floyd, cet Afro-Américain de 46 ans, décrit comme un homme généreux, qui a perdu son emploi pendant la crise due à la pandémie de Covid-19, est mort lundi 25 mai face contre terre, le cou sous le genou d’un policier blanc.

« Tout le monde aimait mon frère », a déclaré Philonese Floyd mardi, au lendemain de ce décès qui a provoqué des manifestations dans plusieurs villes et ravivé les appels à en finir avec un racisme « systémique » en Amérique. « C’[était] un doux géant », a-t-il affirmé à CNN. « Il ne [faisait] jamais de mal à personne. »

Le défunt avait d’abord trouvé du travail comme camionneur dans le Minnesota, puis comme agent de sécurité dans un restaurant, le Conga Latin Bistro, avant que le confinement porte un coup aux affaires. « Il nous faisait nous sentir en sécurité », a témoigné Luz Maria Gonzalez, une cliente régulière de l’établissement, auprès de la radio publique NPR. « En fin de soirée, il disait : “Hé Luz, je vais attendre avec toi jusqu’à ce que tu montes dans le taxi.” »

« Il disait vouloir toucher le monde »

D’autres ont évoqué les efforts que faisait George Floyd pour améliorer sa vie. « Je me souviens qu’il disait vouloir toucher le monde. Il voulait avoir un impact sur le monde », a raconté Jonathan Veal, un ami d’enfance, à la chaîne KPRC à Houston, où ils sont allés ensemble au lycée Jack-Yates. Du haut de ses deux mètres, George Floyd avait brillé dans le basket et le football américain, et s’était aussi essayé au hip-hop.

Mais comme l’explique le quotidien britannique The Guardian, sa vie a ensuite pris un autre tour. L’agence de presse américaine AP explique que lorsqu’il vivait au Texas, George Floyd a été inculpé de vol à main armé lors d’un cambriolage. C’était à Houston, en 2007. Il avait été finalement condamné à cinq ans de prison en 2009, dans le cadre d’un plea deal.

Après avoir purgé sa peine, et faute de pouvoir y trouver un travail, il avait décidé de quitter Houston. Direction Minneapolis, où plusieurs de ses amis d’enfance étaient déjà partis et l’avaient poussé à le rejoindre. « Il cherchait un nouveau départ », explique Christopher Harris, l’un d’entre eux. « Il était content de son évolution. » Jonathan Veal a dit avoir échangé avec son ami pour la dernière fois en janvier, par SMS. Il y a « des petites choses que je dois régler pour mes petits », avait alors écrit George Floyd. « Ma foi est en train de revenir là où elle doit être. »

Le 25 mai, comme le montre une vidéo de plusieurs minutes devenue virale, George Floyd est mort après qu’un policier a pressé son genou sur son cou alors qu’il était à terre dans la rue, non armé et menotté. « S’il vous plaît, s’il vous plaît, je n’arrive pas à respirer », l’entend-on dire. La police le soupçonnait d’avoir utilisé un faux billet de 20 dollars (18 euros) pour acheter des cigarettes, prévenue par l’employé d’une épicerie qui avait appelé le numéro d’urgence 911. Le Washington Post a publié une chronologie (réalisée à partir de plusieurs documents vidéo) retraçant les dernières minutes de sa vie.

« Il faisait tout ce qu’il fallait, et ils me l’ont tué »

Pour Bridgett Floyd, la mort de son frère ainsi, aux mains de la police, « est à briser le cœur ». « C’est exactement ce qu’ils ont fait. Ils ont tué mon frère. Il criait à l’aide », a-t-elle déclaré à NBC News.

Quatre policiers ont été licenciés après la mort de George Floyd. Derek Chauvin, celui qui a maintenu son genou sur son cou, a été arrêté vendredi et inculpé d’homicide involontaire.

George Floyd « n’était rien de moins qu’un ange envoyé sur terre », a réagi sa petite amie, Courtney Ross, auprès de CBS News. « Et nous l’avons diabolisé, et nous l’avons tué », a-t-elle dit. George Floyd avait, selon les médias américains, deux enfants. Roxie Washington, la mère de sa fille de 6 ans à Houston, l’a décrit comme un père dévoué. « Parce qu’il était si grand, les gens pensaient qu’il cherchait la bagarre », a-t-elle déclaré, citée par le Houston Chronicle. « Mais c’était une personne aimante, et il aimait sa fille. »

L’un des amis de longue date de George Floyd, Stephen Jackson, est devenu une vedette de la NBA. Ce qui n’a pas changé leur amitié, assure le sportif. « On s’appelait “Twin” (jumeau) », a-t-il raconté, visiblement ému, dans une vidéo sur Instagram. « Il était en train de changer sa vie », déménageant au Minnesota pour le travail, afin de subvenir aux besoins de ses enfants, a-t-il expliqué. « Mon gars faisait tout ce qu’il fallait, et ils me l’ont tué. »

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